[13,58] θεωροῦντες δὲ τὴν τοῦ βίου μεταβολὴν οἱ τοῖς Καρχηδονίοις ῞Ελληνες
συμμαχοῦντες ἠλέουν τὴν τῶν ἀκληρούντων τύχην. Αἱ μὲν γυναῖκες ἐστερημέναι τῆς
συνήθους τρυφῆς ἐν πολεμίων ὕβρει διενυκτέρευον, ὑπομένουσαι δεινὰς
ταλαιπωρίας· ὧν ἔνιαι θυγατέρας ἐπιγάμους ὁρᾶν ἠναγκάζοντο πασχούσας οὐκ
οἰκεῖα τῆς ἡλικίας. (2) Ἡ γὰρ βαρβάρων ὠμότης οὔτε παίδων ἐλευθέρων οὔτε
παρθένων φειδομένη δεινὰς τοῖς ἠτυχηκόσι παρίστα συμφοράς. Διόπερ αἱ γυναῖκες
ἀναλογιζόμεναι μὲν τὴν ἐν τῇ Λιβύῃ μέλλουσαν αὑταῖς ἔσεσθαι δουλείαν, θεωροῦσαι
δ' αὑτὰς ἅμα τοῖς τέκνοις ἐν ἀτιμίᾳ καὶ προπηλακισμῷ δεσποτῶν ἀναγκαζομένας
ὑπακούειν, τούτους δ' ὁρῶσαι ἀσύνετον μὲν τὴν φωνήν, θηριώδη δὲ τὸν τρόπον
ἔχοντας, τὰ μὲν ζῶντα τῶν τέκνων ἐπένθουν, καὶ καθ' ἕκαστον τῶν εἰς ταῦτα
παρανομημάτων οἱονεὶ νυγμοὺς εἰς τὴν ψυχὴν λαμβάνουσαι περιπαθεῖς ἐγίνοντο καὶ
πολλὰ τὴν ἑαυτῶν τύχην κατωδύροντο· τοὺς δὲ πατέρας, ἔτι δὲ ἀδελφούς, οἳ
διαγωνιζόμενοι περὶ τῆς πατρίδος ἐτετελευτήκεισαν, ἐμακάριζον, οὐθὲν ἀνάξιον
ἑωρακότας τῆς ἰδίας ἀρετῆς. (3) Οἱ δὲ τὴν αἰχμαλωσίαν διαφυγόντες Σελινούντιοι, τὸν
ἀριθμὸν ὄντες ἑξακόσιοι πρὸς τοῖς δισχιλίοις, διεσώθησαν εἰς ᾿Ακράγαντα καὶ
πάντων ἔτυχον τῶν φιλανθρώπων· οἱ γὰρ ᾿Ακραγαντῖνοι σιτομετρήσαντες αὐτοῖς
δημοσίᾳ διέδωκαν κατὰ τὰς οἰκίας, παρακελευσάμενοι τοῖς ἰδιώταις καὶ αὐτοῖς
προθύμοις οὖσι χορηγεῖν τὰ πρὸς τὸ ζῆν ἅπαντα.
| [13,58] Les Grecs qui servaient dans les troupes des Carthaginois étaient
sensiblement touchés de cette désolation. Car les femmes séparées de tous
ceux qu'elles pouvaient connaître, passèrent cette nuit au milieu des insultes
des soldats, et en craignaient toujours de plus grandes. Quelques-unes
voyaient leurs filles prêtes à marier exposées à des traitements qui n'étaient ni
de leur condition, ni de leur âge : (2) car les barbares qui ne distinguaient ni
l'un ni l'autre sexe, ni les personnes libres, ni celles qui étaient nées esclaves,
ne leur laissaient que trop entrevoir ce qu'elles auraient à souffrir dans leur
captivité. Aussi les mères qui prévoyaient tous les malheurs qui les attendaient
dans la Libye, sentaient tout le poids des humiliations et des mauvais
traitements qu'elles allaient essuyer avec leurs filles, sous des maîtres, dont la
physionomie sauvage et la voix féroce les faisaient trembler d'avance. Elles
pleuraient leurs enfants vivants et éprouvant au fond de l'âme le contre-coup
de tous les mauvais traitements qu'on leur faisait, dès lors, elles se
plongeaient dans une désolation, dont la cause se renouvelait sans cesse. Au
contraire, elles félicitaient leurs pères, leurs frères, leurs maris qui étaient
morts en combattant pour la patrie et avant que d'avoir essuyé les affronts
auxquels elle se voyaient livrées. (3) Il n'y eut que deux mille six cents
Selinuntins qui furent assez heureux pour se sauver à Agrigente, où ils
trouvèrent autant d'amis et de bienfaiteurs que de citoyens. Car les
Agrigentins, en conséquence d'un décret public, partagèrent avec eux leur
propre blé qu'ils leur faisaient distribuer par mesure en chaque maison,
recommandant outre cela à tous les particuliers de leur fournir tous les besoins
et toutes les commodités de la vie à quoi ils s'étaient déjà portés d'eux-mêmes.
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