[13,22] Οἱ γὰρ ὑποτεταγμένοι τοὺς μὲν φόβῳ κατισχύοντας καιροτηρήσαντες ἀμύνονται
διὰ τὸ μῖσος, τοὺς δὲ φιλανθρώπως ἀφηγουμένους βεβαίως ἀγαπῶντες ἀεὶ
συναύξουσι τὴν ἡγεμονίαν. Τί καθεῖλε τὴν Μήδων ἀρχήν; Ἡ πρὸς τοὺς ταπεινοτέρους
ὠμότης. (2) Ἀποστάντων γὰρ Περσῶν καὶ τὰ πλεῖστα τῶν ἐθνῶν συνεπέθετο. Πῶς
γὰρ Κῦρος ἐξ ἰδιώτου τῆς ᾿Ασίας ὅλης ἐβασίλευσε; Τῇ πρὸς τοὺς κρατηθέντας
εὐγνωμοσύνῃ. Κροῖσον γὰρ τὸν βασιλέα λαβὼν αἰχμάλωτον οὐχ ὅπως ἠδίκησεν,
ἀλλὰ καὶ προσευηργέτησεν· παραπλησίως δὲ καὶ τοῖς ἄλλοις βασιλεῦσί τε καὶ δήμοις
προσηνέχθη. (3) Τοιγαροῦν διαδοθείσης εἰς πάντα τόπον τῆς ἡμερότητος ἅπαντες οἱ
κατὰ τὴν ᾿Ασίαν ἀλλήλους φθάνοντες εἰς τὴν τοῦ βασιλέως συμμαχίαν παρεγίνοντο.
(4) Τί λέγω τὰ μακρὰν καὶ τόποις καὶ χρόνοις ἀφεστηκότα; Κατὰ γὰρ τὴν ἡμετέραν
πόλιν οὐ πάλαι Γέλων ἐξ ἰδιώτου τῆς Σικελίας ὅλης ἡγεμὼν ἐγένετο, τῶν πόλεων
ἑκουσίως εἰς τὴν ἐξουσίαν ἐκείνου παραγενομένων· προσεκαλεῖτο γὰρ ἡ τἀνδρὸς
ἐπιείκεια πάντας ἀνθρώπους, τὴν εἰς τοὺς ἠτυχηκότας συγγνώμην προσλαβοῦσα. (5)
Ἀπ' ἐκείνων οὖν τῶν χρόνων τῆς κατὰ Σικελίαν ἡγεμονίας ἀντιποιουμένης τῆς
πόλεως, μὴ καταρρίψωμεν τὸν ὑπὲρ τῶν προγόνων ἔπαινον, μηδ' ἑαυτοὺς θηριώδεις
καὶ ἀπαραιτήτους πρὸς ἀνθρωπίνην ἀτυχίαν παράσχωμεν. Οὐ γὰρ προσήκει δοῦναι
τῷ φθόνῳ καθ' ἡμῶν ἀφορμὴν εἰπεῖν, ὡς ἀναξίως εὐτυχοῦμεν· καλὸν γὰρ καὶ τὸ τῆς
τύχης ἀντιπραττούσης ἔχειν τοὺς συναλγήσοντας καὶ πάλιν ἐν τοῖς κατορθώμασι
τοὺς ἡδομένους. (6) Τὰ μὲν οὖν ἐν τοῖς ὅπλοις πλεονεκτήματα τύχῃ καὶ καιρῷ
κρίνεται πολλάκις, ἡ δ' ἐν ταῖς εὐπραξίαις ἡμερότης ἴδιόν ἐστι σημεῖον τῆς τῶν
εὐτυχούντων ἀρετῆς. Διὸ μὴ φθονήσητε τῇ πατρίδι περιβόητον γενέσθαι παρὰ πᾶσιν
ἀνθρώποις, ὅτι τοὺς ᾿Αθηναίους ἐνίκησεν οὐ μόνον τοῖς ὅπλοις, ἀλλὰ καὶ τῇ
φιλανθρωπίᾳ. (7) Φανήσονται γὰρ οἱ τῶν ἄλλων ὑπερέχειν ἡμερότητι σεμνυνόμενοι
τῇ παρ' ἡμῶν εὐγνωμοσύνῃ πολυωρούμενοι, καὶ οἱ πρῶτοι βωμὸν ἐλέου
καθιδρυσάμενοι τοῦτον ἐν τῇ πόλει τῶν Συρακοσίων εὑρήσουσιν. (8) Ἐξ ὧν πᾶσιν
ἔσται φανερόν, ὡς ἐκεῖνοι μὲν δικαίως ἐσφάλησαν, ἡμεῖς δ' ἀξίως ηὐτυχήσαμεν, εἴπερ
οἱ μὲν τοιούτους ἀδικεῖν ἐπεχείρησαν οἳ καὶ πρὸς τοὺς ἐχθροὺς εὐγνωμόνησαν, ἡμεῖς
δὲ τοιούτους ἐνικήσαμεν οἳ καὶ τοῖς πολεμιωτάτοις μερίζουσι τὸν ἔλεον ἐτόλμησαν
ἐπιβουλεῦσαι· ὥστε μὴ μόνον ὑπὸ τῶν ἄλλων κατηγορίας τυγχάνειν τοὺς
᾿Αθηναίους, ἀλλὰ καὶ αὐτοὺς ἑαυτῶν καταγινώσκειν, εἰ τοιούτους ἄνδρας ἀδικεῖν
ἐνεχείρησαν.
| [13,22] car leurs sujets mêmes qui leur obéissent par crainte, prennent quelquefois
le moment favorable pour se venger de leurs emportements et de leurs
violences. Au lieu que les souverains qui se font aimer affermissent et
étendent de plus en plus leur domination. (2) Qu'est-ce qui a fait tomber
l'empire des Mèdes ? C'est la cruauté des rois envers leurs sujets : la
défection des Perses entraîna même celle de bien d'autres peuples. Comment
est-ce que Cyrus, de particulier qu'il était, devint maître de toute l'Asie ? C'est
par la douceur dont il usait envers tous ceux qu'il avait soumis. Non seulement
il ne maltraita point Crésus, roi de Lydie, mais il l'accabla de bienfaits. Il en usa
de même à l'égard de tous les rois et de toutes les nations dont il s'était rendu
le maître. (3) Aussi la réputation de sa clémence s'étant répandue par toute la
terre, les peuples de l'Asie se prévenaient les uns les autres pour entrer dans
son alliance. (4) Mais pourquoi vais-je chercher des exemples dans des temps
et dans des lieux éloignés de nous. Dans notre ville même Gélon, de simple
citoyen qu'il était, devint le chef et le commandant de toute la Sicile, par le
concours de tous les peuples, qui vinrent se soumettre volontairement à sa
conduite. Sa bonté qui s'exerçait particulièrement à l'égard des malheureux,
semblait appeler tous les hommes auprès de lui. (5) Ainsi, nous qui avons
succédé à son autorité dans cette île, ne dégénérons pas de la vertu qu'on a
louée dans nos ancêtres. Ne nous montrons pas farouches et implacables à
l'égard de ceux que le fort de la guerre a fait tomber entre nos mains et ne
donnons pas lieu à l'envie de publier que nous sommes indignes des faveurs
de la fortune. Heureux ceux qui se conduisent de telle sorte, qu'on se réjouisse
de leurs succès et qu'on s'attriste de leurs peines. (6) Les avantages de la
guerre ne sont dus ordinairement qu'au hasard des circonstances. Mais la
modération dans la victoire est un indice non équivoque du mérite personnel
des vainqueurs. N'enviez donc point à votre nation la gloire de faire dire à
toute la terre qu'elle s'est rendue supérieure aux Athéniens, non seulement par
la valeur, mais encore par la clémence. (7) On verra que ceux qui se vantaient
de surpasser tous les autres hommes en humanité auront éprouvé de notre
part les effets de cette vertu dans leur propre besoin. Et ce peuple qui se
glorifiait d'avoir dressé le premier un autel à la miséricorde dans sa ville, se
souviendra d'avoir trouvé lui-même un pareil asile dans la nôtre. (8) L'injustice
de leur attaque devenant par là plus odieuse, on applaudira encore davantage
à notre victoire. Les Athéniens, dira-t'on, qui sont venus faire la guerre à des
hommes prêts à pardonner à leurs ennemis, n'avaient-ils pas bien mérité leur
propre défaite ? Ils porteront en secret le même jugement contre eux-mêmes
et souscrivant au fond de leur âme à leur propre condamnation, ils sentiront
toute l'équité de leur châtiment.
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