[41] (XLI) Πολλὰς δυνάμενος ἔτι διανοίας παρασχέσθαι τὸ συνετὸν ἐχούσας
πονηρόν, ἵνα μὴ πλείων ὁ λόγος γένοιτό μοι τοῦ μετρίου, τὴν τελευταίαν ἔτι
προσθήκην παραλήψομαι μόνην, ἣν ἀπαλλαττόμενος ἐκ τοῦ συλλόγου ὁ Ἀθηναῖος
εἴρηκεν·
« Ἀλλ´ ὑμῶν τὰ μὲν ἰσχυρὰ ὄντα ἐλπιζόμενα μέλλεται, τὰ δὲ παρόντα βραχέα
πρὸς τὰ ἤδη ἀντιτεταγμένα περιγενέσθαι. Πολλήν γε ἀλογίαν »
φησί
« Τῆς διανοίας παρέχετε, εἰ μὴ μεταστησάμενοι ἡμᾶς ἄλλό τι τῶνδε
σωφρονέστερον γνώσεσθε. »
Οἷς ἐπιτίθησιν
« Οὐ γὰρ δὴ ἐπί γε τὴν ἐν τοῖς αἰσχροῖς καὶ προὔπτοις κινδύνοις πλεῖστα
διαφθείρουσαν ἀνθρώπους αἰσχύνην τρέψεσθε. Πολλοῖς γὰρ προορωμένοις ἔτι ἐς
οἷα φέρονται τὸ αἰσχρὸν καλούμενον ὀνόματος ἐπαγωγοῦ δυνάμεις ἐπεσπάσατο
ἡσσηθεῖσι τοῦ ῥήματος ἔργῳ συμφοραῖς ἀνηκέστοις ὁρῶντας περιπεσεῖν. »
Τούτων τῶν λόγων ὅτι μὲν οὔτε αὐτὸς μετέσχεν ὁ συγγραφεὺς τῷ συλλόγῳ τότε
παρατυχὼν οὔτε τῶν διαθεμένων αὐτοὺς Ἀθηναίων ἢ Μηλίων ἤκουσεν, ἐξ ὧν
αὐτὸς ἐν τῇ πρὸ ταύτης βύβλῳ περὶ αὑτοῦ γράφει, μαθεῖν ῥᾴδιον, ὅτι μετὰ
τὴν ἐν Ἀμφιπόλει στρατηγίαν ἐξελαθεὶς τῆς πατρίδος πάντα τὸν λοιπὸν τοῦ
πολέμου χρόνον ἐν Θρᾴκῃ διέτριψε. Λείπεται δὴ σκοπεῖν, εἰ τοῖς τε πράγμασι
προσήκοντα καὶ τοῖς συνεληλυθόσιν εἰς τὸν σύλλογον προσώποις ἁρμόττοντα
πέπλακε τὸν διάλογον « ἐχόμενος ὡς ἔγγιστα τῆς συμπάσης γνώμης τῶν
ἀληθῶς λεχθέντων », ὡς αὐτὸς ἐν τῷ προοιμίῳ τῆς ἱστορίας προείρηκεν. Ἆρ´
οὖν ὥσπερ τοῖς Μηλίοις οἰκεῖοι καὶ προσήκοντες ἦσαν οἱ περὶ τῆς
ἐλευθερίας λόγοι παρακαλοῦντες τοὺς Ἀθηναίους μὴ καταδουλοῦσθαι πόλιν
Ἑλληνίδα μηδὲν ἁμαρτάνουσαν εἰς αὐτούς, οὕτως καὶ τοῖς Ἀθηναίων στρατηγοῖς
πρέποντες ἦσαν οἱ περὶ τῶν δικαίων μήτ´ ἐξετάζειν ἐῶντες μήτε λέγειν, ἀλλὰ
τὸν τῆς βίας καὶ πλεονεξίας νόμον εἰσάγοντες καὶ ταῦτ´ εἶναι δίκαια τοῖς
ἀσθενέσιν ἀποφαίνοντες, ὅσα τοῖς ἰσχυροτέροις δοκεῖ; Ἐγὼ μὲν γὰρ οὐκ
οἴομαι τοῖς ἐκ τῆς εὐνομωτάτης πόλεως ἐπὶ τὰς ἔξω πόλεις ἀποστελλομένοις
ἡγεμόσι ταῦτα προσήκειν λέγεσθαι, οὐδ´ ἂν ἀξιώσαιμι τοὺς μὲν μικροπολίτας
καὶ μηδὲν ἔργον ἐπιφανὲς ἀποδειξαμένους Μηλίους πλέονα τοῦ καλοῦ ποιεῖσθαι
πρόνοιαν ἢ τοῦ ἀσφαλοῦς καὶ πάντα ἑτοίμους εἶναι τὰ δεινὰ ὑποφέρειν, ἵνα
μηδὲν ἄσχημον ἀναγκασθῶσι πράττειν, τοὺς δὲ προελομένους τήν τε χώραν καὶ
τὴν πόλιν ἐκλιπεῖν κατὰ τὸν Περσικὸν πόλεμον Ἀθηναίους, ἵνα μηδὲν αἰσχρὸν
ὑπομείνωσιν ἐπίταγμα, τῶν ταὐτὰ προαιρουμένων ὡς ἀνοήτων κατηγορεῖν.
Οἴομαι δ´, ὅτι κἂν εἴ τινες ἄλλοι παρόντων Ἀθηναίων ταῦτα ἐπεχείρουν
λέγειν, ἐπαχθῶς ἤνεγκαν ἂν οἱ τὸν κοινὸν βίον ἐξημερώσαντες. Ἐγὼ μὲν δὴ
διὰ ταύτας τὰς αἰτίας οὐκ ἐπαινῶ τὸν διάλογον τοῦτον ἀντιπαρεξετάζων τὸν
ἕτερον. Ἐν ἐκείνῳ μὲν γὰρ Ἀρχίδαμος ὁ Λακεδαιμόνιος δίκαιά τε προκαλεῖται
τοὺς Πλαταιεῖς καὶ λέξει κέχρηται καθαρᾷ καὶ σαφεῖ καὶ οὐδὲν ἐχούσῃ σχῆμα
βεβασανισμένον οὐδὲ ἀνακόλουθον· ἐν τούτῳ δὲ οἱ φρονιμώτατοι τῶν Ἑλλήνων
αἴσχιστα μὲν ἐνθυμήματα φέρουσιν, ἀηδεστάτῃ δ´ αὐτὰ περιλαμβάνουσι λέξει·
εἰ μὴ ἄρα μνησικακῶν ὁ συγγραφεὺς τῇ πόλει διὰ τὴν καταδίκην ταῦτα τὰ
ὀνείδη κατεσκέδασεν αὐτῆς, ἐξ ὧν ἅπαντες μισήσειν αὐτὴν ἔμελλον. Ἃ γὰρ οἱ
προεστηκότες τῶν πόλεων καὶ τηλικαύτας ἐξουσίας πιστευόμενοι φρονεῖν τε
καὶ λέγειν ἐοίκασιν πρὸς τὰς πόλεις ὑπὲρ τῆς αὑτῶν πατρίδος, ταῦτα κοινὰ
ὑπολαμβάνουσιν ἅπαντες εἶναι τῆς ἀποστελλούσης πόλεως αὐτούς. Καὶ περὶ μὲν
τῶν διαλόγων ἅλις.
| [41] (XLI) Je pourrais citer encore une foule de passages dont le sens est
obscur ; mais pour que ce traité ne sorte pas des bornes convenables, je
n'en ajouterai qu'un. Ce sont les paroles de l'orateur athénien, au moment
où il quitte l'assemblée.
«Du reste, vos plus grandes ressources sont dans les espérances que
l'avenir vous présente. Vos moyens actuels ne sauraient vous faire
triompher de la crise où vous êtes. Vous ferez preuve d'une grande folie,
si vous n'embrassez pas un parti plus sage, après nous avoir fait sortir
pour délibérer encore. »
Il ajoute :
« Vous ne prendrez point conseil d'un faux point d'honneur : il précipite
les hommes dans des dangers manifestes, qui les exposent à la honte.
Souvent, les hommes prévoient le terme funeste où ils vont aboutir ; mais
ce sentiment qu'on appelle la crainte du déshonneur, les entraîne par une
force à laquelle ils ne sauraient résister; et d'eux-mêmes, ils tombent
dans un abîme de maux. »
Thucydide ne prit aucune part à la discussion, il n'assista pas à cette
entrevue, il n'entendit point les discours qui furent prononcés par les
Athéniens et par les Méliens : on peut s'en convaincre par ce qu'il dit
lui-même dans le livre précédent. Banni de sa patrie, après avoir rempli à
Amphipolis les fonctions de général, il resta dans la Thrace jusqu'à la
fin de la guerre. Il faut donc examiner si ce dialogue convient aux
circonstances ; s'il est digne des personnages qui composaient cette
assemblée ; enfin, si Thucydide s'est tenu le plus près possible de la
vérité pour le fond des pensées, comme il devait le faire, d'après son
introduction. La harangue prononcée par les Méliens pour la défense de
leur liberté est bien placée dans leur bouche : leur langage est plein de
noblesse, lorsqu'ils exhortent les Athéniens à ne point réduire à la
servitude une ville grecque dont ils n'ont pas à se plaindre ; mais
peut-on en dire autant des discours que l'historien fait tenir aux
généraux d'Athènes et dans lesquels ils interdisent tout examen et toute
discussion sur les intérêts les plus légitimes ; imposent des conditions
dictées par la violence et l'avarice, et ne rougissent pas de soutenir que
la justice n'a d'autre mesure que la volonté du puissant à l'égard du
faible ? Certes, les chefs d'une république sagement constituée ne
devaient point professer de telles maximes dans les villes étrangères, où
ils étaient envoyés. Je ne peux me persuader que les députés d'une cité
qui ne s'était illustrée par aucune action d'éclat, les Méliens, se soient
plus attachés aux lois de l'honneur qu'à leur propre sûreté ; qu'ils se
soient montrés disposés à subir les plus cruelles extrémités plutôt que
d'accepter des conditions honteuses; tandis que les Athéniens, qui, à
l'époque de la guerre contre les Perses, aimèrent mieux abandonner leur
pays et leur ville que souscrire à des traités contraires à l'honneur,
aient traité d' insensé un peuple jaloux d'imiter une si belle conduite.
Je pense même que si un orateur eût tenu un pareil langage en présence de
ces Athéniens, à qui la Grèce doit le bienfait de la civilisation, il
aurait excité leur indignation. Tels sont les motifs qui me déterminent à
ne pas approuver la harangue des Athéniens; surtout, quand je la compare
au discours où Archidamus, roi de Lacédémone, rappelle les habitants de
Platée aux lois de la justice. Sa diction est pure et claire ; elle ne
présente aucune figure forcée ni rien d'incohérent. Dans les discours des
Athéniens, au contraire, les hommes les plus sages de la Grèce émettent
des principes dangereux, et les expriment dans le style le plus
inconvenant. Sans doute, le souvenir de l'exil auquel il avait été
condamné, inspirait à l'historien quelque ressentiment contre sa patrie et
il voulut par là l'exposer à la haine de tous les hommes ; car les maximes
que les chefs d'un état et tous ceux qui sont revêtus d'une grande dignité
professent, au nom de leur patrie, dans les villes étrangères, sont
regardées comme les maximes de l'état dont ils sont les représentants. Ces
observations sur les dialogues de Thucydide me paraissent suffire.
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