[40] (XL) Τούτοις ἕτερα προσθεὶς πάλιν ἀμοιβαῖα περίεργα καὶ πικρά, τοὺς
Μηλίους ὑποτίθεται λέγοντας, ὅτι κοινὰς τὰς τύχας φέρουσιν οἱ πολέμιοι καὶ
« τὸ μὲν εἶξαι εὐθὺς ἀνέλπιστον, μετὰ δὲ τοῦ δρωμένου ἔτι καὶ στῆναι ἐλπὶς
ὀρθῶς. » Πρὸς ταῦτα ποιεῖ τὸν Ἀθηναῖον ἀποκρινόμενον λαβυρίνθων σκολιώτερα
περὶ τῆς ἐλπίδος ἐπὶ κακῷ τοῖς ἀνθρώποις γινομένης, κατὰ λέξιν οὕτως γράφων·
« Ἐλπὶς δὲ κινδύνου παραμύθιον οὖσα τοὺς μὲν ἀπὸ περιουσίας χρωμένους αὐτῇ
κἂν βλάψῃ, οὐ καθεῖλεν· τοῖς δὲ ἐς πᾶν τὸ ὑπάρχον ἀναρριπτοῦσι (δάπανος
γὰρ φύσει) ἅμα τε γιγνώσκεται σφαλέντων, καὶ ἐν ὅτῳ φυλάξεταί τις αὐτὴν
γνωρισθεῖσαν, οὐκ ἐλλείπει. Ὃ ὑμεῖς ἀσθενεῖς τε καὶ ἐπὶ σκοπῆς μιᾶς ὄντες
μὴ βούλεσθε παθεῖν μηδ´ ὁμοιωθῆναι τοῖς πολλοῖς, οἷς παρὸν ἀνθρωπείως
ἔτι σῴζεσθαι, ἐπειδὰν πιεζομένους αὐτοὺς ἐπιλείπωσιν αἱ φανεραὶ ἐλπίδες,
ἐπὶ τὰς ἀφανεῖς καθίστανται, μαντικήν τε καὶ χρησμοὺς καὶ ὅσα τοιαῦτα μετ´
ἐλπίδων λυμαίνεται. »
Ταῦτ´ οὐκ οἶδα πῶς ἄν τις ἐπαινέσειεν ὡς προσήκοντα εἰρῆσθαι στρατηγοῖς
Ἀθηναίων, ὅτι λυμαίνεται τοὺς ἀνθρώπους ἡ παρὰ τῶν θεῶν ἐλπὶς καὶ οὔτε
χρησμῶν ὄφελος οὔτε μαντικῆς τοῖς εὐσεβῆ καὶ δίκαιον προῃρημένοις τὸν
βίον. Εἰ γάρ τι καὶ ἄλλο, τῆς Ἀθηναίων πόλεως καὶ τοῦτ´ ἐν τοῖς πρώτοις
ἐστὶν ἐγκώμιον, τὸ περὶ παντὸς πράγματος καὶ ἐν παντὶ καιρῷ τοῖς θεοῖς
ἕπεσθαι καὶ μηδὲν ἄνευ μαντικῆς καὶ χρησμῶν ἐπιτελεῖν. Λεγόντων τε τῶν
Μηλίων, ὅτι σὺν τῇ παρὰ τῶν θεῶν βοηθείᾳ καὶ Λακεδαιμονίοις πεποίθασιν,
οὓς εἰ καὶ διὰ μηδὲν ἄλλο, διὰ γοῦν τὴν αἰσχύνην αὐτοῖς βοηθήσειν καὶ οὐ
περιόψεσθαι συγγενεῖς ἀπολλυμένους, αὐθαδέστερον ἔτι τὸν Ἀθηναῖον
ἀποκρινόμενον εἰσάγει·
« Τῆς μὲν τοίνυν πρὸς τὸ θεῖον εὐμενείας οὐδ´ ἡμεῖς οἰόμεθα λελείψεσθαι·
οὐδὲν γὰρ ἔξω τῆς μὲν ἀνθρωπείας, τῆς δ´ εἰς τὸ θεῖον νεμέσεως τῶν τ´ εἰς
σφᾶς αὐτοὺς βουλήσεων δικαιοῦμεν ἢ πράσσομεν. Ἡγούμεθα γὰρ τό τε θεῖον
δόξῃ τἀνθρώπειόν τε σαφῶς διὰ παντὸς ἀπὸ φύσεως ἀναγκαίως, οὗ ἂν κρατῇ,
ἄρχειν »·
τούτων ὁ νοῦς ἔστι μὲν δυσείκαστος καὶ τοῖς πάνυ δοκοῦσιν ἐμπείρως τοῦ
ἀνδρὸς ἔχειν, κατακλείεται δ´ εἰς τοιοῦτόν τι πέρας, ὅτι τὸ μὲν θεῖον δόξῃ
γινώσκουσιν ἅπαντες, τὰ δὲ πρὸς ἀλλήλους δίκαια τῷ κοινῷ τῆς φύσεως
κρίνουσι νόμῳ· οὗτος δ´ ἔστιν ἄρχειν ὧν ἂν δύνηταί τις κρατεῖν. Ἀκόλουθα
καὶ ταῦτα τοῖς πρώτοις καὶ οὔτε Ἀθηναίοις οὔτε Ἕλλησι πρέποντα εἰρῆσθαι.
| [40] (XL) Il ajoute d'autres pensées pleines d'affectation et d'aigreur : il
fait dire aux Méliens que la fortune des combats est incertaine ; que
lorsqu'on abandonne soudain la victoire, on n'a rien à attendre, tandis
que l'espérance reste toujours à celui qui agit. Il met dans la bouche de
l'orateur athénien, sur les fausses espérances de l'homme, une réponse
plus embarrassée que tous les détours d'un labyrinthe. La voici :
« L'espérance, notre soutien dans le danger, peut nuire à l'homme qui s'y
livre au sein de la prospérité ; mais elle ne l'entraîne point à sa ruine.
Elle perd ceux qui abandonnent tout aux caprices de la fortune; car, de sa
nature, l'espérance est prodigue. Ils ne la connaissent qu'après avoir été
trompés, et lorsqu'ils n'ont plus le moyen de se mettre à l'abri de ses
perfidies. Vous êtes faibles et votre avenir dépend du moindre caprice du
sort : prévenez donc le malheur, et ne ressemblez pas à ces hommes qui,
ayant d'abord quelques moyens humains de se sauver, conçoivent, s'ils
viennent à les perdre et à être réduits aux dernières extrémités, les
espérances les plus équivoques, et ont recours aux devins, aux oracles, et
à toutes ces puérilités qui perdent les hommes par de brillantes illusions. »
Je ne conçois point qu'on puisse louer Thucydide d'avoir fait dire aux
chefs d'Athènes que les hommes sont poussés à leur ruine par leur
confiance dans les dieux, et que les oracles, les devins ne sont d'aucune
utilité à ceux qui passent leur vie dans la pratique de la piété et de la
justice. Si Athènes mérite quelque éloge, c'est parce que toujours, et
surtout dans les conjonctures dont il s'agit, elle suivit les ordres des
dieux et consulta les oracles et les devins, ayant de rien entreprendre.
Les Méliens répondent qu'outre la protection des dieux, ils comptent sur
les Lacédémoniens, qui devront, si ce n'est par d'autres considérations,
du moins par une sorte de pudeur, les secourir et ne pas voir périr, d'un
œil indifférent, un peuple sorti de la même tige. Thucydide met dans la
bouche de l'orateur athénien ces paroles plus arrogantes encore :
«Nous ne croyons pas avoir moins de droits que vous à la protection des
dieux ; car nous ne désirons, nous ne faisons rien qui soit contraire au
respect qu'on leur doit, ou à ce que les hommes veulent pour eux-mêmes.
Nous pensons que les dieux et les hommes sont portés, comme par une loi de
la nature, à dominer partout où ils ont la force. Ce sentiment est fondé,
à l'égard des dieux, sur l'opinion générale, et à l'égard des hommes sur
l'expérience. »
Le sens de ce passage est difficile à saisir, même pour ceux qui
connaissent à fond la manière de Thucydide. La pensée me paraît être
celle-ci : Les hommes jugent des dieux d'après l'opinion, et de la justice
d'après une loi générale de la nature ; et cette loi, c'est qu'on a le
droit de commander à ceux qu'on a pu soumettre. Cette maxime ne se lie pas
à ce qui précède : elle est déplacée dans la bouche des Athéniens et des Grecs.
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