[10,38] Ἐπεὶ φέρε πρὸς Διός, εἴ τι τούτων
ἐγὼ ψεύδομαι, δειξάτω τις ὑμῖν τῶν σεμνῶν τούτων
παρελθών, τίνας ἐπιφανεῖς καὶ καλὰς πράξεις προεχόμενος ἐμοῦ πλέον ἔχειν ἀξιοῖ·
πότερον ἔτη πλείω
στρατευσάμενος ἢ μάχας πλείους ἀγωνισάμενος ἢ τραύματα πλείω λαβὼν ἢ
στεφάνοις καὶ φαλάροις καὶ σκύλοις καὶ τοῖς ἄλλοις ἐπινικίοις κόσμοις
ὑπερβαλόμενος,
δι´ ὃν ἀσθενέστεροι μὲν οἱ πολέμιοι γεγόνασιν ἐπιφανεστέρα δὲ καὶ μείζων ἡ πατρίς;
μᾶλλον δὲ τὸ
δέκατον ἐπιδειξάτω μέρος, ὧν ὑμῖν ὑπέδειξα ἐγώ.
ἀλλὰ τούτων γ´ οἱ πλείους οὐδ´ ἂν πολλοστὴν ἔχοιεν
προενέγκασθαι μοῖραν τῶν ἐμῶν· ἔνιοι δὲ οὐδ´ ἂν τῷ
φαυλοτάτῳ τῶν ἐκ τοῦ δήμου φανεῖεν τὰ ἴσα κακοπαθήσαντες. οὐ γάρ ἐστιν αὐτῶν
ἐν τοῖς ὅπλοις ἡ λαμπρότης, ἀλλ´ ἐν τοῖς λόγοις, οὐδὲ κατὰ τῶν ἐχθρῶν
τὸ δυνάμενον, ἀλλὰ κατὰ τῶν φίλων· οὐδ´ ἡγοῦνται
κοινὴν οἰκεῖν πόλιν, σφῶν δ´ αὐτῶν ἰδίαν, ὥσπερ οὐ
συνελευθερωθέντες ἀπὸ τῆς τυραννίδος ὑφ´ ἡμῶν,
ἀλλὰ κατὰ κληρονομίαν παρὰ τῶν τυράννων παραλαβόντες ἡμᾶς·
οἵ γε - τὰ μὲν ἄλλα, ὅσα ὑβρίζοντες
ἡμᾶς μικρὰ καὶ μείζω διατελοῦσιν, ὡς ἅπαντες ἐπίστασθε, σιωπῶ,
- ἀλλ´ εἰς τοῦτο προεληλύθασιν ὑπερηφανίας, ὥστ´ οὐδὲ φωνὴν
ἀξιοῦσί τινα ἡμῶν ἀφιέναι
περὶ τῆς πατρίδος ἐλευθέραν οὐδὲ διᾶραι τὸ στόμα,
ἀλλὰ τὸν μὲν εἰπόντα περὶ τῆς κληρουχίας Σπόριον
Κάσσιον, τρισὶ μὲν ὑπατείαις κεκοσμημένον, δυσὶ δὲ
θριάμβοις λαμπροτάτοις, τοσαύτην δὲ δεινότητα περί
τε τὰς στρατηγικὰς πράξεις καὶ περὶ τὰ πολιτικὰ βουλεύματα
ἀποδειξάμενον, ὅσην οὐδεὶς τῶν τότε γενομένων, τοῦτον τὸν ἄνδρα
αἰτιασάμενοι τυραννίδι ἐπιχειρεῖν καὶ
ψευδέσι καταγωνισάμενοι μαρτυρίαις δι´
οὐδὲν ἕτερον, ἀλλ´ ὅτι φιλόπολις ἦν καὶ φιλόδημος,
ὤσαντες ἀπὸ τοῦ κρημνοῦ διέφθειραν. Γναῖον δὲ
Γενύκιον δήμαρχον ὄντα ἡμέτερον, ἐπεὶ τὸ αὐτὸ τοῦτο
πολίτευμα μετὰ τὸ ἔτος ἑνδέκατον ἀνενεοῦτο, καὶ
τοὺς ὑπατεύσαντας ἐν τῷ πρότερον ἐνιαυτῷ κατέστησεν
ὑπὸ δίκην ἀμελήσαντας τῶν ψηφισμάτων τῆς βουλῆς,
ἃ περὶ τῶν γεωμόρων ἐψηφίσατο, ἐπεὶ φανερῶς οὐχ
οἷοί τ´ ἦσαν ἀνελεῖν, μιᾷ πρότερον ἡμέρᾳ τῆς δίκης
ἀφανῶς ἀνήρπασαν. τοιγάρτοι πολὺς ἐνέπεσε τοῖς
μετὰ ταῦτα φόβος, καὶ οὐδεὶς ἔτι τὸ κινδύνευμα τοῦτο
ὑπέδυ, ἀλλὰ τριακοστὸν ἔτος τοῦτο ἀνεχόμεθα ὥσπερ
ἐν τυραννίδι τὴν ἐξουσίαν ἀπολωλεκότες.
| [10,38] XV. Que si j'ai avancé dans ce discours quelque chose de de faux, je consens par le grand Jupiter qu'on m'en fasse les plus sanglants reproches. Qu'ils paraissent ici ces hommes vénérables, qu'ils fassent parade de leurs exploits éclatants; qu'ils nous montrent en vertu de quoi ils prétendent avoir sur moi la préférence, et usurper des privilèges dont je suis privé. Y a-t-il quelqu'un parmi eux qui compte plus d'années de service que moi, qui ait soutenu plus de combats, reçu un plus grand nombre de blessures, remporté plus de couronnes, plus de dépouilles, plus de prix de bravoure et de victoire ou qui ait plus contribué que moi à détruire la puissance de l'ennemi, et à procurer une nouvelle gloire et un nouvel accroissement à sa patrie? Qu'il me prouve qu'il ait fait seulement la dixième partie des exploits dont je puis me vanter. Il n'en est aucun parmi eux qui ose entrer en parallèle avec moi, ou qui puisse apporter des preuves qui approchent de celles que je viens de produire. J'en vois au contraire un fort grand nombre qui n'ont jamais éprouvé autant de fatigues que le plus chétif plébéien. Aussi leur fort et leur brillant ne consistant pas dans les actions, mais dans les paroles ; ils tournent leurs forces contre leurs amis, et non contre les ennemis de l'état. Ils regardent la ville de Rome, non comme un bien commun à tous les citoyens, mais comme une terre qui leur est propre : comme si nous n'avions pas contribué à les délivrer de la tyrannie, et qu'ils nous eussent reçus de la main des tyrans comme leur propre héritage.
XVI. Je passe sous silence toutes les insultes grandes et petites qu'ils ne cessent de nous faire : vous ne les connaissez que trop. Je m'arrête à vous faire voir qu'ils ont poussé la fierté et l'insolence jusqu'à nous fermer la bouche, sans pouvoir souffrir qu'aucun de nous ose parler avec liberté en faveur de sa patrie. Vous en avez un exemple dans la personne de Spurius Cassius qui parla le premier de la distribution des terres. Illustre par trois consulats et par deux magnifiques triomphes, grand capitaine, grand homme d'état, distingué par ses beaux exploits et par sa capacité dans les conseils, il n'y avait personne qui pût lui être comparé. Ces rares qualités le mirent-elles à couvert de la tyrannie ? Pour avoir eu le courage de faire la loi agraire, ne l'accusèrent-ils pas d'affecter la tyrannie ? Opprimé par de faux témoignages, ne fut-il pas précipité du haut de la roche Tarpéienne, victime infortunée de son amour pour le peuple et de son attachement aux intérêts de la patrie ? N'ont-ils pas traité avec la même rigueur Caius Genucius notre tribun, parce qu'onze ans après, renouvelant ce règlement, il faisait assigner au tribunal du peuple les consuls de l'année précédente, pour avoir négligé l'exécution du sénatus-consulte qui ordonnait qu'on nommât des commissaires pour le partage des terres. Et s'ils n'osèrent le faire mourir publiquement, ne s'en défirent-ils pas en secret un jour avant le jugement de l'affaire ? N'est-ce pas un traitement si indigne qui a retenu les tribuns ses successeurs, en sorte que depuis ce temps-là personne n'a osé s'exposer au péril ? Cependant voici déjà la trentième année que nous souffrons ces injustices, et il semble que nous ayons perdu notre liberté sous la domination des tyrans.
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