[7,66] Ἡ μὲν δὴ πρώτη Ῥωμαίοις ἐμπεσοῦσα μετὰ
τὴν ἐκβολὴν τῶν βασιλέων στάσις ἔσχε τοιαύτας αἰτίας
καὶ εἰς τοῦτο κατέσκηψε τὸ τέλος· ἐμήκυνα δὲ τὸν
ὑπὲρ αὐτῶν λόγον τοῦ μή τινα θαυμάσαι, πῶς ὑπέμειναν οἱ
πατρίκιοι τηλικαύτης ἐξουσίας ποιῆσαι τὸν δῆμον
κύριον, οὔτε σφαγῆς τῶν ἀρίστων ἀνδρῶν γενομένης
οὔτε φυγῆς, οἷον ἐν ἄλλαις πολλαῖς ἐγένετο πόλεσι.
ποθεῖ γὰρ ἕκαστος ἐπὶ τοῖς παραδόξοις ἀκούσμασι τὴν
αἰτίαν μαθεῖν καὶ τὸ πιστὸν ἐν ταύτῃ τίθεται μόνῃ.
ἐλογιζόμην οὖν, ὅτι μοι πολλοῦ καὶ τοῦ παντὸς δεήσει
πιστὸς εἶναι ὁ λόγος, εἰ τοσοῦτον ἔφην μόνον, ὅτι
παρῆκαν οἱ πατρίκιοι τοῖς δημοτικοῖς τὴν ἑαυτῶν δυναστείαν, καὶ
ἐξὸν αὐτοῖς ἐν ἀριστοκρατίᾳ πολιτεύεσθαι
τὸν δῆμον ἐποίησαν τῶν μεγίστων κύριον, δι´ ἃς δὲ
συνεχωρήθη ταῦτ´ αἰτίας παρέλιπον· διὰ τοῦτ´ ἐπεξῆλθον
ἁπάσας. καὶ ἐπειδὴ οὐχ ὅπλοις ἀλλήλους βιασάμενοι καὶ
προσαναγκάσαντες, ἀλλὰ λόγοις πείσαντες
μεθήρμοσαν, παντὸς μάλιστ´ ἀναγκαῖον ἡγησάμην εἶναι
τοὺς λόγους αὐτῶν διεξελθεῖν, οἷς τότ´ οἱ δυναστεύσαντες ἐν
ἑκατέροις ἐχρήσαντο. θαυμάσαιμι δ´ ἄν, εἴ
τινες τὰς ἐν τοῖς πολέμοις πράξεις ἀκριβῶς οἴονται
δεῖν ἀναγράφειν, καὶ περὶ μίαν ἔστιν ὅτε μάχην πολλοὺς
ἀναλίσκουσι λόγους, τόπων τε φύσεις καὶ ὁπλισμῶν ἰδιότητας καὶ
τάξεων τρόπους καὶ στρατηγῶν
παρακλήσεις καὶ τἆλλα διεξιόντες ὅσα τῆς νίκης αἴτια
τοῖς ἑτέροις ἐγένετο· πολιτικὰς δὲ κινήσεις καὶ στάσεις
ἀναγράφοντες οὐκ οἴονται δεῖν ἀπαγγέλλειν τοὺς λόγους, δι´ ὧν
αἱ παράδοξοι καὶ θαυμασταὶ πράξεις ἐπετελέσθησαν. εἰ γάρ τι
καὶ ἄλλο τῆς Ῥωμαίων πόλεως
μέγα ἐγκώμιόν ἐστι καὶ ζηλοῦσθαι ὑπὸ πάντων ἀνθρώπων ἄξιον
κἀκεῖνο ἐγένετο κατ´ ἐμὴν δόξαν τὸ ἔργον,
μᾶλλον δ´ ὑπὲρ ἅπαντα πολλὰ καὶ θαυμαστὰ ὄντα
λαμπρότατον, τὸ μήτε τοὺς δημοτικοὺς καταφρονήσαντας τῶν
πατρικίων ἐπιχειρῆσαι αὐτοῖς, καὶ πολὺν ἐργασαμένους τῶν
κρατίστων φόνον ἅπαντα τἀκείνων παραλαβεῖν, μήτε τοὺς ἐν
τοῖς ἀξιώμασιν ἢ διὰ σφῶν αὐτῶν
ἢ ξενικαῖς ἐπικουρίαις χρησαμένους διαφθεῖραι τὸ δημοτικὸν
ἅπαν καὶ τὸ λοιπὸν οἰκεῖν ἀδεῶς τὴν πόλιν·
ἀλλ´ ὥσπερ ἀδελφοὺς ἀδελφοῖς ἢ παῖδας γονεῦσιν ἐν
οἰκίᾳ σώφρονι περὶ τῶν ἴσων καὶ δικαίων διαλεγομένους πειθοῖ
καὶ λόγῳ διαλύεσθαι τὰ νείκη, ἀνήκεστον
δ´ ἢ ἀνόσιον ἔργον μηθὲν ὑπομεῖναι δρᾶσαι κατ´ ἀλλήλων· οἷα
Κερκυραῖοί τε κατὰ τὴν στάσιν εἰργάσαντο
καὶ Ἀργεῖοι καὶ Μιλήσιοι καὶ Σικελία πᾶσα καὶ συχναὶ
ἄλλαι πόλεις. ἐγὼ μὲν οὖν διὰ ταῦτα προειλόμην
ἀκριβεστέραν μᾶλλον ἢ βραχυτέραν ποιήσασθαι τὴν
διήγησιν· κρινέτω δ´ ἕκαστος ὡς βούλεται.
| [7,66] III. Tels furent les commencements, les causes et la fin de la
première sédition qui s'excita chez les Romains après l'expulsion des rois.
Si j'ai été un peu long sur cette matière, c'est afin de prévenir les lecteurs
qui auraient eu de la peine à se persuader que les patriciens eussent pu
se résoudre à donner tant de pouvoir au peuple, qui n'a ni tué ni exilé
aucun des grands de l'état comme il est arrivé dans plusieurs autres
villes. Quand il s'agit de quelque événement extraordinaire, chacun en
veut savoir les causes, et on n'y ajoute foi qu'après les avoir connues. Sur
ce principe, j'ai fait réflexion que mes paroles ne trouveraient que très peu
de créance dans l'esprit des lecteurs, et que peut-être même on n'y
ajouterait point de foi, si je me contentais de dire simplement que les
patriciens abandonnèrent au peuple leur propre autorité, et que pouvant
maintenir l'aristocratie sur l'ancien pied, ils rendirent les plébéiens maitres
des affaires les plus importantes, tandis que je négligerais d'ajouter à ma
narration les motifs qui les portèrent à céder au peuple de si beaux
privilèges. C'est ce qui m'a engagé à descendre dans le détail de toute
ces raisons, et parce que les patriciens et les plébéiens sans avoir
recours à la violence et aux armes n'employèrent que la voie de la parole
et des remontrances pour parvenir à mettre les affaires du gouvernement
sur le pied que nous avons dit, j'ai cru qu'il était nécessaire de présenter
aux yeux du lecteur les harangues que firent alors les principaux chefs et
orateurs des deux factions. Pour moi je suis surpris du procédé de
certains historiens, qui se piquent d'exactitude à raconter les exploits de
guerre. Ont-ils à parler d'un combat, ils emploient un temps infini à en
faire le détail, à décrire la situation des lieux, les armes des combattants,
l'ordre de la bataille, et à rapporter les harangues des généraux avec
toutes les circonstances qui ont servi à procurer la victoire à l'une des
deux armées : lorsqu'il s'agit des séditions populaires et des révolutions
qui sont arrivées dans les républiques les plus célèbres, ils ne croient pas
qu'il soit besoin de conserver à la postérité les discours qui ont produit
des effets si surprenants et si dignes d'admiration. En effet est-il rien de
plus louable dans le gouvernement de la république Romaine, que cette
conduite dont je viens de parler ? Est-il rien qui en fasse mieux l'éloge ou
qui soit plus digne d'être proposé pour exemple à toutes les nations ? Je
le dis sans hésiter : ce qui me charme le plus et ce que je préfère aux
actions les plus éclatantes et les plus admirables, c'est cette rare
modération qui retenait le peuple dans les bornes du devoir, sans jamais
en venir jusqu'à mépriser les patriciens, ou à employer la violence contre
les plus puissants, dans la vue de s'emparer de tout ce qui leur
appartenait : c'est cette sage conduite des patriciens, qui revêtus des
premières dignités, ne se servaient ni de leur propres forces, ni de
secours étrangers pour exterminer le peuple, afin d'être dans la suite les
seuls maîtres de Rome et de dominer sans rien craindre : c'est cette
sacrée et respectable politique, qui les engageait à se comporter
ensemble comme des frères, ou comme des enfants envers leurs pères et
mères dans une famille bien réglée, et à vider leurs différends par la voie
des remontrances et des conférences où chacun apportait ses raisons,
sans jamais en venir aux mains, sans employer des voies inhumaines ou
causer des maux sans remède, comme il est arrivé aux Corcyriens, aux
Argiens, aux Milésiens, à toute la Sicile, et à plusieurs autres villes et
républiques où il s'est excité des séditions. Voila pourquoi j'ai pris le parti
de m'étendre sur ce sujet, aimant mieux faire ma narration plus longue
pourvu qu'elle fût exacte, que de me renfermer dans des bornes trop étroites.
Je laissé néanmoins la liberté à un chacun d'en juger comme il lui plaira.
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