[6,86] Ἔοικέ πως ἀνθρωπείῳ σώματι πόλις.
σύνθετον γὰρ καὶ ἐκ πολλῶν μερῶν ἐστιν ἑκάτερον·
καὶ οὔτε δύναμιν ἔχει ἕκαστον τὴν αὐτὴν τῶν ἐν αὐτοῖς
μερῶν οὔτε χρείας παρέχεται τὰς ἴσας. εἰ δὴ
λάβοι τὰ μέρη τοῦ ἀνθρωπείου σώματος ἰδίαν αἴσθησιν καθ´
αὑτὰ καὶ φωνήν, ἔπειτα στάσις ἐν αὐτοῖς
ἐμπέσοι καθ´ ἓν γενομένοις τοῖς ἄλλοις ἅπασι πρὸς
τὴν γαστέρα μόνην, καὶ λέγοιεν οἱ μὲν πόδες, ὅτι πᾶν
ἐπ´ αὐτοῖς ἐπίκειται τὸ σῶμα· αἱ δὲ χεῖρες, ὅτι τὰς
τέχνας ἐργάζονται καὶ τἀπιτήδεια ἐκπορίζουσι καὶ μάχονται
πολεμίοις καὶ ἄλλα πολλὰ ὠφελήματα παρέχουσιν εἰς τὸ
κοινόν· οἱ δὲ ὦμοι, ὅτι τὰ ἄχθη πάντα ἐπ´
αὐτοῖς κομίζεται· τὸ δὲ στόμα ὅτι φθέγγεται· ἡ δὲ
κεφαλή, ὅτι ὁρᾷ καὶ ἀκούει καὶ τὰς ἄλλας αἰσθήσεις
περιλαβοῦσα πάσας ἔχει, δι´ ὧν σώζεται τὸ πρᾶγμα·
εἶτα φαῖεν πρὸς τὴν γαστέρα· Σὺ δ´, ὦ χρηστή, τί
τούτων ποιεῖς ἢ τίς ἐστιν ἡ σὴ χάρις ἡμῖν καὶ ὠφέλεια; ἀλλὰ
σύ γε τοσοῦτον ἀπέχεις τοῦ πράττειν καὶ
συγκατορθοῦν ἡμῖν τι τῶν κοινῇ χρησίμων, ὥστε
καὶ ἀντιπράττεις καὶ ἐνοχλεῖς καί, πρᾶγμα ἀφόρητον,
ὑπηρετεῖν ἀναγκάζεις καὶ φέρειν ἁπανταχόθεν εἰς τὴν
ἐκπλήρωσιν τῶν σεαυτῆς ἐπιθυμιῶν. φέρε, τί οὐ
μεταποιούμεθα τῆς ἐλευθερίας, καὶ τῶν πολλῶν ἀφιέμεθα
πραγματειῶν, ἃς ἕνεκα ταύτης ὑπομένομεν; εἰ δὴ ταῦτα
δόξειεν αὐτοῖς καὶ μηδὲν ἔτι δρῴη τὸ ἑαυτοῦ ἔργον,
ἔσθ´ ὅπως ἂν ἐπὶ τὸ πολὺ διαρκέσαι δυνηθείη τὸ σῶμα,
ἀλλ´ οὐκ ἂν ἐντὸς ὀλίγων ἡμερῶν τῷ κακίστῳ τῶν
μόρων ἀναλωθείη, λιμῷ; οὐκ ἂν ἔχοι ἄλλως τις εἰπεῖν.
τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον ὑπολάβετε καὶ περὶ πόλεως. πολλὰ
γὰρ δὴ τὰ συμπληροῦντα καὶ ταύτην ἔθνη καὶ οὐδὲν
ἀλλήλοις ἐοικότα, ὧν ἕκαστον ἰδίαν τινὰ τῷ κοινῷ
χρείαν ὥσπερ τὰ μέλη τῷ σώματι παρέχεται. οἱ μὲν
γὰρ τοὺς ἀγροὺς γεωργοῦσιν, οἱ δὲ μάχονται περὶ
αὐτῶν πρὸς τοὺς πολεμίους, οἱ δ´ ἐμπορεύονται πολλὰς διὰ
θαλάσσης ὠφελείας, οἱ δὲ τὰς ἀναγκαίας ἐργάζονται τέχνας.
εἰ δὲ πάντα τὰ ἔθνη ταῦτα πρὸς
τὴν βουλὴν τὴν ἐκ τῶν ἀρίστων συνηγμένην διαστασιάσειε
καὶ λέγοι· Σὺ δ´ ἡμῖν, ὦ βουλή, τί ποιεῖς
ἀγαθὸν καὶ ἀντὶ ποίας αἰτίας ἄρχειν τῶν ἄλλων ἀξιοῖς;
οὐθὲν γὰρ ἂν εἰπεῖν ἔχοις· ἔπειτ´ οὐκ ἀπαλλαγησόμεθά σου
τῆς τυραννίδος ταύτης ἤδη ποτὲ καὶ δίχ´
ἡγεμόνος οἰκήσομεν; εἰ δὴ ταῦτα διανοηθέντες τῶν
συνήθων ἐπιτηδευμάτων ἀποσταῖεν, τί κωλύσει ταύτην
κακὴν κακῶς ἀπολέσθαι τὴν πόλιν ὑπὸ λιμοῦ τε καὶ
πολέμου καὶ παντὸς ἄλλου κακοῦ; μαθόντες οὖν, ὦ
δημόται, ὅτι καθάπερ ἐν τοῖς σώμασιν ἡμῶν ἡ λοιδορουμένη
κακῶς ὑπὸ τῶν πολλῶν γαστὴρ τρέφει
τὸ σῶμα τρεφομένη καὶ σώζει σωζομένη, καὶ ἔστιν
ὡσεί τις ἑστίασις κοινὴ τὸ πρόσφορον ἁπάντων καὶ
τῆς διαλλαγῆς αἴτιον ἀποδιδοῦσα, οὕτως ἐν ταῖς πόλεσιν ἡ
διοικοῦσα τὰ κοινὰ καὶ τοῦ προσήκοντος ἑκάστῳ
προνοουμένη βουλὴ πάντα σώζει καὶ φυλάττει καὶ
ἐπανορθοῖ, παύσασθε τὰς ἐπιφθόνους κατ´ αὐτῆς φωνὰς
λέγοντες, ὡς ἐξεβλήθητε τῆς πατρίδος καὶ ὡς
ἀλῆται καὶ πτωχοὶ περιέρχεσθε δι´ αὐτήν. οὐδὲν γὰρ
ὑμᾶς εἴργασται δεινὸν οὐδ´ ἂν ἐργάσαιτο, ἀλλ´ αὐτὴ
καλεῖ καὶ ἀντιβολεῖ καὶ τὰς ψυχὰς ὑμῖν ἅμα ταῖς πύλαις
ἀναπετάσασα ὑποδέχεται.
| [6,86] Une ville
ressemble en quelque manière au corps humain. L'un et l'autre sont
composés de plusieurs parties, qui n'ont pas toutes la même force et ne
sont pas destinées aux mêmes usages. Supposons pour un moment que
chaque partie du corps humain ait par elle-même des sensations qui lui
soient propres, et donnons à toutes ces différentes parties
une voix pour s'exprimer. S'il s'élevait entre elles une sédition et que
toutes se réunissent pour conspirer contre le ventre seul : Si les pieds se
plaignaient de soutenir tout le poids du corps, les mains d'exercer les arts,
de fournir la nourriture nécessaire, de combattre dans les guerres et d'être
obligées de procurer beaucoup d'autres avantages à l'homme : Si les
épaules s'ennuyaient de porter tous les fardeaux, la bouche de parler, la
tête de voir, et d'entendre, et de renfermer en elle tous les autres sens qui
conservent le corps : Si toutes ces parties disaient au ventre, Et toi, notre
ami, que fais-tu de semblable ? Quelles grâces, quelle récompense nous
rends-tu de tous ces services ? Bien loin de faire la moindre chose ou
d'aider à fournir ce qu'il nous faut, tu ne nous causes que de l'embarras,
tu nous troubles, et ce qu'il y a de plus insupportable, tu nous contrains à
te servir et à chercher de tous côtés de quoi assouvir ta cupidité : Mais
nous que ne recouvrons-nous notre liberté ? Que ne nous délivrons-nous
de tant de peines que nous prenons pour l'amour de ce paresseux? Si,
dis-je, les parties du corps humain prenaient cette résolution et cessaient
de faire leurs fonctions, le corps pourrait-il subsister longtemps? Ne
périrait-il pas en peu de jours par la faim, le plus cruel de tous les maux ?
On n'en peut disconvenir.
VII. Persuadez-vous donc qu'il en est de même d'une ville. Elle est
composée de différents sujets, dont chacun rend à l'état quelques
services particuliers, comme font les membres à l'égard du corps. Ceux-ci
cultivent les champs : ceux-là combattent pour les défendre contre les
ennemis : les uns trafiquent et apportent par mer plusieurs marchandises
très utiles pour la commodité de la vie : les autres exercent les métiers
nécessaires. Que si tous ces particuliers s'élevaient contre le sénat qui
est composé des principaux de la république : S'ils lui disaient, Toi, sénat,
quel bien nous fais-tu? Par quel droit veux-tu commander aux autres ?
Fais-nous voir sur quoi fondé tu prétends qu'on t'obéisse, tu ne saurais
nous prouver ton droit : Ne nous délivrerons-nous jamais de ta tyrannie
pour vivre sans chef et à notre liberté ? Si, dis-je, les citoyens avaient
cette pensée et qu'ils abandonnassent leurs exercices ordinaires, ne
faudrait-il pas que cette malheureuse ville pérît misérablement, ou par la
famine, ou par la guerre, ou par mille autres accidents de cette nature ?
VIII. APPRENEZ, Romains, que comme dans nos corps le ventre
dont se plaignent injustement les autres parties, nourrit toute la machine
en se nourrissant, la maintient en se membres, la soutenant soi-même, et,
lui sert, pour ainsi dire, de magasin et de réservoir commun qui fournit aux
autres membres ce qui leur convient, et qui conserve la paix entre eux :
de même dans les villes, le sénat occupé à gouverner la république, met
toute son attention à fournir à un chacun ce qui lui convient, il garde, il
conserve, il règle tout, et corrige les abus que la licence des particuliers
peut introduire dans un état. Cessez donc de le décrier : cessez de vous
plaindre qu'il vous a chassés de la patrie, qu'il vous réduit à vivre pauvres,
et à errer à l'aventure. Loin de vous avoir fait aucun mal ou de penser à
vous en faire, il vous rappelle, il vous prie, il vous ouvre les portes de la
ville, et vous tend les bras pour vous recevoir.
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