[6,80] Παραδείγματα δὲ τούτων γενέσθωσαν ἡμῖν
πολλοί τε Ἕλληνες πολλοί τε βάρβαροι, μάλιστα δ´ οἱ
τούτων τε καὶ ἡμῶν πρόγονοι· ὧν οἱ μὲν μετ´ Αἰνείου
συναναστάντες ἐκ τῆς Ἀσίας εἰς τὴν Εὐρώπην ἐν τῇ
Λατίνων γῇ πόλιν ᾤκισαν, οἱ δ´ ὕστερον ἐξ Ἄλβας
ἀναστάντες Ῥωμύλου τὴν ἀποικίαν ἄγοντος ἐν τοῖσδε
τοῖς τόποις ἱδρύσαντο τὴν ὑφ´ ἡμῶν ἐκλειπομένην.
ὑπάρχει τε ἡμῖν δύναμις οὐκ ὀλίγῳ πλείων μόνον τῆς
ἐκείνοις γενομένης, ἀλλὰ καὶ τριπλασία, καὶ πρόφασις
δικαιοτέρα τῆς μεταναστάσεως. οἱ μέν γε ἐξ Ἰλίου
μεταναστάντες ὑπὸ πολεμίων ἐξηλαύνοντο, ἡμεῖς δ´
αὐτόθεν ὑπὸ φίλων· ἐλεεινότερον δὲ δήπου τὸ πρὸς
τῶν οἰκείων ἢ τῶν ἀλλοτρίων ἐλαύνεσθαι. οἱ δὲ Ῥωμύλῳ
συναράμενοι τῆς στρατείας ἐπὶ τῷ κτήσασθαι
κρείττονα γῆν ὑπερεῖδον τῆς πατρῴας· ἡμεῖς δὲ τὸν
ἄπολιν καὶ τὸν ἀνέστιον ἐκλείποντες βίον, οὔτε θεοῖς
ἐπίφθονον οὔτε ἀνθρώποις λυπηρὰν οὔτε γῇ τινι βαρεῖαν
στέλλομεν ἀποικίαν, {ἀλλ´} οὐδὲ δι´ αἵματος καὶ
φόνων ἐμφυλίων ἐλθόντες πρὸς τοὺς ἀπελαύνοντας
ἡμᾶς, οὐδὲ πυρὶ καὶ σιδήρῳ κακώσαντες τὴν ἐκλειπομένην
γῆν, οὐδ´ ἄλλο μνημόσυνον οὐδὲν αἰωνίου καταλιπόντες
ἔχθρας, ὡς ταῖς παρεσπονδημέναις φυγαῖς
καὶ εἰς ἀβουλήτους ἀνάγκας κατακλεισθείσαις ἔθος ἐστὶ
δρᾶν. θεούς τε ἐπιμαρτυράμενοι καὶ δαίμονας, οἳ τὰ
θνητὰ πάντα κατὰ δίκην ἄγουσι, καὶ καταλιπόντες
ἐκείνοις ἀναπράξασθαι τὰς ὑπὲρ ἡμῶν δίκας, ἐκεῖνο
μόνον ἀξιοῦμεν, οἷς ἐστιν ἡμῶν ἐν τῇ πόλει τέκνα
νήπια καὶ γονεῖς καὶ εἴ τινες ἄρα γυναῖκες ἡμῖν ἐθελήσουσι
κοινωνεῖν τῆς τύχης, τὰ σώματ´ ἀπολαβεῖν.
ταῦθ´ ἡμῖν ἀπόχρη λαβεῖν, καὶ οὐκέτι οὐδενὸς ἄλλου
δεόμεθα τῶν ἐκ τῆς πατρίδος. ἀλλ´ εὐτυχεῖτε καὶ ζῆτε
βίον, ὃν ἂν προαιρῆσθε, οὕτως ἀπολίτευτα καὶ ἀκοινώνητα
πρὸς τοὺς ταπεινοτέρους φρονοῦντες.
| [6,80] Plusieurs Grecs et un grand nombre de Barbares nous peuvent servir
d'exemple, mais principalement les ancêtres de ceux que nous quittons
qui sont aussi les nôtres, dont les uns étant sortis de l'Asie avec Enée
pour passer en Europe, bâtirent une ville dans le pays des Latins et les
autres s'étant ensuite retirés d'Albe sous la conduite de Romulus qui les
menait en colonie, fondèrent dans ce pays la ville que nous avons
abandonnée. Nous avons des forces, non seulement aussi grandes que
celles qu'ils avaient, mais trois fois plus considérables, et un plus juste
prétexte de nous retirer. Ceux qui sortirent autrefois d'Ilion,
n'abandonnèrent leur patrie que parce qu'ils en furent chassés par
l'ennemi, au lieu que ce sont nos propres citoyens qui nous exilent de
Rome : or il est moins dur de se voir chassé par des étrangers que par
ses frères et par ses citoyens. D'un autre côté ceux qui suivirent les
étendards de Romulus, ne négligèrent leur patrie que pour chercher une
meilleure terre : pour nous nous ne prenons le parti d'aller ailleurs que
parce que nous nous voyons sans ville et sans maisons. Nous formons
une colonie qui n'a point encouru l'indignation des dieux, qui n'est ni
incommode aux hommes, ni à charge à aucun pays. Nous n'avons point
répandu dans une guerre civile le sang de ceux qui nous chassent. Nous
n'avons ravagé ni par le fer ni par le feu le pays que nous abandonnons.
Nous n'y laissons aucune marque d'une éternelle haine, comme font
ordinairement les peuples envers lesquels on a violé les traités d'alliance
ou qui sont réduits au désespoir et aux dernières extrémités. Au contraire
nous avons pris à témoins les dieux et les génies qui gouvernent par leur
justice toutes les affaires des mortels, et nous leur remettons le soin de
nous venger. La seule chose que nous demandons, c'est qu'on nous
rende nos petits enfants, nos pères et mères et nos femmes qui voudront
suivre notre fortune. Voila tout ce que nous exigeons de notre patrie, et
rien davantage. Mais j'ai assez parlé là-dessus. Soyez heureux, Romains,
et vivez comme vous l'entendez, vous qui dédaignez d'avoir aucun
commerce avec nous et qui traitez si inhumainement les pauvres citoyens. »
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