[6,79] Πολέμου δὲ πολιτικοῦ ὡς ἅπαντες ἴσασι
κάκιον χρῆμα οὐδέν, ἐν ᾧ τὰ μὲν κρατηθέντα ἀτυχεῖ,
τὰ δὲ κρατήσαντα ἀδικεῖ, καὶ περίεστι τοῖς μὲν ὑπὸ
τῶν φιλτάτων ἀπόλλυσθαι, τοῖς δὲ τὰ φίλτατα διολέσαι. ἐπὶ
τοιαύταις δὴ τύχαις καὶ συμφοραῖς οὐκ
εὐκταίαις μήτε ὑμεῖς, ὦ πατρίκιοι, καλεῖτε ἡμᾶς, μήτε
ἡμεῖς αὐτοῖς ὑπακούωμεν, ὦ δημόται, ἀλλ´, ὡς διῄρηκεν
ἡμᾶς ἀπ´ ἀλλήλων ἡ τύχη, στέργωμεν. ἐχέτωσαν
μὲν οὖν οὗτοι τὴν πόλιν ὅλην καὶ καρπούσθωσαν
ἡμῶν δίχα καὶ τῶν ἄλλων ἀγαθῶν ἁπάντων ἀπολαυέτωσαν
μόνοι, τοὺς ταπεινοὺς καὶ ἀδόξους δημότας
ἐκβαλόντες ἐκ τῆς πατρίδος· ἀπαλλαττώμεθα δ´ ἡμεῖς,
ὅποι ποτ´ ἂν ἡμᾶς ὁ δαίμων ἄγῃ τόπον ἀλλότριον ἐκλιπεῖν
νομίσαντες, οὐ πόλιν ἰδίαν. οὔτε γὰρ ἡμῶν τινι
ἐνθάδε ὑπολείπεται κλῆρος γῆς οὔτε πατρῷον ἐφέστιον
οὔτε ἱερὰ κοινὰ οὔτε ἀξίωμα ὡς ἐν πατρίδι, ὧν περιεχόμενοι
φιλοχωροῖμεν ἂν καὶ παρὰ γνώμην {μένειν},
ἀλλ´ οὐδ´ ἡ {μετὰ τῶν ὅπλων} τοῖς σώμασι μετὰ πολλῶν
πόνων ἐλευθερία· ἐπεὶ τὰ μὲν οἱ πολλοὶ πόλεμοι
διέφθειραν, τὰ δ´ ἡ τῶν καθ´ ἡμέραν ἀναγκαίων σπάνις
ἐξανήλωσε, τὰ δ´ ὑπὸ τῶν ὑπερηφάνων δανειστῶν
τούτων ἀφῃρέθημεν· οἷς τελευτῶντες ἠναγκαζόμεθα
τοὺς ἑαυτῶν κλήρους οἱ δείλαιοι γεωργεῖν, σκάπτοντες
φυτεύοντες ἀροῦντες ποίμνια νέμοντες ὁμόδουλοι τοῖς
ἑαυτῶν δορικτήτοις ἀνδραπόδοις ὄντες, οἱ μὲν ἁλύσει
δεθέντες, οἱ δὲ πέδαις, οἱ δ´ ὥσπερ τὰ χαλεπώτατα
τῶν θηρίων κλοιοῖς καὶ μύδροις. αἰκίας δὲ δὴ καὶ
προπηλακισμοὺς καὶ μάστιγας καὶ πόνους ἐκ νυκτὸς
εἰς νύκτα καὶ πᾶσαν ἄλλην ὠμότητα καὶ ὕβριν καὶ
ὑπερηφανίαν, ἣν ὑπεμείναμεν, ἐῶ. τοσούτων οὖν καὶ
τηλικούτων ἀπηλλαγμένοι κακῶν ὑπὸ τοῦ δαίμονος,
ὅση σπουδὴ καὶ δύναμις ἑκάστῳ πάρεστι φεύγωμεν
ἀπ´ αὐτῶν ἄσμενοι τύχην καὶ θεὸν οἵπερ ἡμᾶς σώζουσιν
ἡγεμόνας τῆς ὁδοῦ ποιησάμενοι, πατρίδα νομίζοντες τὴν
ἐλευθερίαν καὶ πλοῦτον τὴν ἀρετήν. πᾶσα
γὰρ ἡμᾶς ὑποδέξεται γῆ κοινωνούς, τὰ μὲν ἀλύπους
ἐσομένους τοῖς ὑποδεξαμένοις, τὰ δ´ ὠφελίμους.
| [6,79] Vous savez qu'il n'est point de fléau plus terrible qu'une guerre civile. Alors les vaincus sont malheureux et les vainqueurs sont impies. Ceux-là périssent par la main de leurs meilleurs amis, et ceux-ci donnent le coup de la mort à ce qu'ils ont de plus cher.
XVIII. PATRICIENS, ne vous pressez point de nous exposer à une
fortune si misérable et à de pareils malheurs. Et nous, plébéiens,
gardons-nous bien d'écouter leurs propositions. Puisque la fortune nous a
séparés d'avec-eux, contentons-nous de l'état où elle nous a mis.
Laissons leur la ville toute entière. Qu'ils jouissent seuls de ses
avantages, qu'ils goûtent tous les fruits qu'ils en peuvent attendre, après
avoir chassé de la patrie ces pauvres plébéiens, ces gens de rien et sans
honneur, comme ils nous appellent ordinairement. Allons partout où la
fortune nous conduira, persuadés que nous ne quittons pas notre ville,
mais un lieu qui nous est étranger. En effet il n'y a personne parmi-nous
qui y ait laissé des terres ou des maisons de ses pères qui soient à lui.
Nous n'y avons ni sacrifices, ni dieux qui nous soient communs avec les
patriciens, ni les dignités, ni les honneurs dont on doit jouir dans sa patrie,
ni aucune chose qui nous y attache ou qui nous oblige à y rester malgré
nous. Je dis plus : nous n'y trouvons pas même cette chère liberté que
nous avons achetée au péril de notre vie, par mille peines et par mille
travaux. De tous ces avantages les uns nous ont été enlevés par les
guerres, les autres par la disette des choses qui nous étaient nécessaires
pour vivre chaque jour ; ces créanciers également superbes et inhumains
nous ont ravi tout ce qui pouvait nous rester. C'est ainsi que nous avons
été réduits à la malheureuse nécessité de cultiver nos propres terres, à
bêcher, à planter, à labourer, à paître des troupeaux, le tout au profit de
ces tyrans insatiables : en sorte que devenant les compagnons de nos
esclaves que nous avions acquis par les armes, enfin nous nous sommes
vus les uns les mains liées, les autres les fers aux pieds et le carcan au
col, comme les bêtes les plus féroces.
XIX. Je passe sous silence les outrages, les insultes atroces, les
mauvais traitements et les coups de verges que nous avons soufferts
d'une nuit à l'autre, c'est-à-dire, pendant des journées entières. Je ne
parle point des cruautés et des violences qu'on nous a faites. Je laisse là
les manières hautaines et injurieuses dont on a usé envers nous : et je
conclus que la providence nous ayant délivrés de ces maux terribles,
nous ne pouvons mieux faire que de les éviter de tout notre cœur.
Suivons pour guides la fortune et le dieu qui nous a tirés de la misère ;
persuadés que nous retrouverons une nouvelle patrie dans notre liberté,
et nos richesses dans la vertu et dans notre courage. Il n'y a point de pays
qui ne nous reçoive d'autant plus volontiers, que nous sommes résolus de
n'être ni à charge ni inutiles à ceux qui nous feront un bon accueil.
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