[6,74] Ἡμῖν τὸ ἀρχαῖον πολίτευμα ἦν μοναρχία,
καὶ μέχρι γενεᾶς ἑβδόμης ταύτῃ χρώμενοι διετελέσαμεν τῇ
πολιτείᾳ, καὶ παρὰ πάσας τὰς ἡγεμονίας ταύτας
οὐδὲν ὁ δῆμος ἠλαττώθη πώποτε ὑπὸ τῶν βασιλέων
καὶ πάντων ἥκιστα ὑπὸ τῶν τελευταίων· ἐῶ γὰρ λέγειν,
ὅτι πολλὰ καὶ μεγάλα ἀγαθὰ ἐκ τῆς ἀρχῆς αὐτῶν
ἐκαρπώσατο. χωρὶς γὰρ τῆς ἄλλης αὐτῶν θεραπείας, ᾗ
κολακεύοντας αὐτὸν οἰκεῖον μὲν σφίσιν, ἐχθρὸν δ´ ὑμῖν
ἐβούλοντο εἶναι, ὃ ποιοῦσιν ἅπαντες οἱ τυραννικῶς
ἐξάγοντες τὰς δυναστείας, κρατήσαντες πολέμῳ μακρῷ
Συέσσης, πόλεως πάνυ εὐδαίμονος, ἐξὸν αὐτοῖς μηδενὶ
κοινωνῆσαι τῶν λαφύρων, ἀλλ´ αὐτοὶ κατασχεῖν καὶ
πάντας ὑπερβαλέσθαι πλούτῳ βασιλεῖς, οὐκ ἠξίωσαν,
ἀλλὰ φέροντες εἰς μέσον ἔθηκαν ἅπασαν τὴν ὠφέλειαν·
ὥσθ´ ἡμᾶς χωρὶς ἀνδραπόδων καὶ βοσκημάτων καὶ τῆς
ἄλλης κτήσεως πολλῆς οὔσης καὶ καλῆς ἀργυρίου πέντε
μνᾶς κατ´ ἄνδρα διανείμασθαι. ὧν ἡμεῖς ἀμελήσαντες,
ἐπειδὴ τυραννικώτερον ἐχρῶντο ταῖς ἐξουσίαις οὐκ εἰς
τὸν δῆμον πλημμελοῦντες, ἀλλ´ εἰς ὑμᾶς, δυσανασχετοῦντες
ἐπὶ τοῖς γινομένοις τῆς μὲν τῶν βασιλέων
εὐνοίας ἀπέστημεν, ὑμῖν δὲ προσεθέμεθα· καὶ
συνεπαναστάντες αὐτοῖς μεθ´ ὑμῶν οἵ τ´ ἐν τῇ πόλει καὶ
οἱ ἐπὶ στρατοπέδου τοὺς μὲν ἐξηλάσαμεν, ὑμῖν δὲ
φέροντες ἀνεθήκαμεν τὴν ἐκείνων ἀρχήν. πολλάκις
τε γενόμενον ἐφ´ ἡμῖν μεταθέσθαι πρὸς τοὺς ἐξελασθέντας
τὰς μεγάλας δωρεάς, ἃς ὑπέτεινον ἡμῖν,
ἵνα δὴ τὸ πρὸς ὑμᾶς πιστὸν ἐγκαταλίπωμεν, οὐχ
ὑπεμείναμεν, ἀλλὰ πολλοὺς καὶ μεγάλους καὶ συνεχεῖς
πολέμους καὶ κινδύνους δι´ ὑμᾶς ἀνηντλήσαμεν· καὶ
μέχρι τοῦ παρόντος ἔτος ἑπτακαιδέκατον ἤδη τριβόμεθα
πᾶσιν ἀνθρώποις μαχόμενοι περὶ τῆς κοινῆς
ἐλευθερίας. ἀκαταστάτου μὲν γὰρ ἔτι τῆς πολιτείας
οὔσης· οἷα γίγνεσθαι φιλεῖ περὶ τὰς μεταβολὰς τὰς
αἰφνιδίως γιγνομένας· δυσὶ ταῖς ἐπιφανεστάταις πόλεσι
Τυρρηνῶν, Ταρκυνιήταις τε καὶ Οὐιεντανοῖς κατάγειν
βουλομένοις τοὺς βασιλεῖς μεγάλῃ στρατιᾷ,
παρακινδυνεύσαντες ὀλίγοι πρὸς πολλοὺς διηγωνίσμεθα, καὶ
μεγίστην ἀποδειξάμενοι προθυμίαν τούς τ´ ἀντιταχθέντας
μάχῃ νικήσαντες ἀπεωσάμεθα, καὶ τῷ περιόντι
τῶν ὑπάτων διεσώσαμεν τὴν ἀρχήν. οὐ πολλοῖς δὲ
χρόνοις ὕστερον Πορσίναν Τυρρηνῶν βασιλέα κατάγειν
καὶ αὐτὸν ἀξιοῦντα τοὺς φυγάδας τῇ τ´ ἐξ ἁπάσης
Τυρρηνίας, ἣν αὐτὸς ἐπήγετο, δυνάμει καὶ ταῖς ὑπ´
ἐκείνων ἐκ πολλοῦ συναχθείσαις, οὐκ ἔχοντες ἀξιόμαχον
χεῖρα καὶ διὰ τοῦτο κατακλεισθέντες εἰς πολιορκίαν τε καὶ
ἀμηχανίαν καὶ παντὸς πράγματος ἀπορίαν,
τῷ πάντα ὑπομεῖναι τὰ δεινὰ φίλον γενόμενον
ἠναγκάσαμεν ἀπελθεῖν. τὰ δὲ τελευταῖα τρίτον κάθοδον τῶν
βασιλέων παρασκευασαμένων διὰ τοῦ Λατίνων ἔθνους
καὶ τριάκοντα πόλεις ἐπαγομένων, ἀντιβολοῦντας ὑμᾶς
ὁρῶντες καὶ ὀλοφυρομένους καὶ ἕνα ἕκαστον ἐπιβοώμενον
ἑταιρίας τε καὶ συντροφίας καὶ ὁμαιχμίας ἀναμιμνήσκοντας
οὐχ ὑπεμείναμεν ἐγκαταλιπεῖν· ἡγησάμενοι δὲ κάλλιστον
εἶναι καὶ λαμπρότατον ἀγῶνα τὸν
ὑπὲρ ὑμῶν ὁμόσε τοῖς δεινοῖς ἐχωρήσαμεν, μέγιστον
δὴ κινδύνων ἀναρρίψαντες ἐκεῖνον, ἐν ᾧ πολλὰ μὲν
τραύματα λαβόντες, πολλὰ δὲ σώματα συγγενῶν τε
καὶ ἑταίρων καὶ ὁμοσκήνων ἀποβαλόντες, ἐνικήσαμεν
τοὺς πολεμίους καὶ τοὺς ἡγεμόνας αὐτῶν ἀπεκτείναμεν καὶ
τὴν βασιλικὴν συγγένειαν ἅπασαν διεφθείραμεν.
| [6,74] X. NOTRE ancienne forme de gouvernement était monarchique. On
s'en est servi jusqu'a la septième génération, et pendant tout ce temps-là
les rois n'ont jamais fait aucun tort au peuple, principalement les derniers.
Je passe sous silence une infinité de grands avantages dont il a joui sous
leur gouvernement. Outre les bienfaits dont ils ont comblé les plébéiens
pour gagner leur affection et pour les éloigner de vous, comme font tous
ceux qui usent tyranniquement de leurs pouvoirs : lorsqu'après une
longue guerre ils eurent emporté de vive force Suessa ville très
florissante, pouvant surpasser en richesses tous les rois de la terre en se
réservant le butin sans en rien donner à personne, ils mirent toutes les
dépouilles en commun, de sorte que sans compter les esclaves, le bétail
et une infinité d'autres biens, ils nous distribuèrent à chacun cinq mines
d'argent. Malgré ces caresses, quand nous vîmes qu'ils abusaient
tyranniquement de leur puissance, non pas à notre égard, mais contre
vous-mêmes, nous ne pûmes supporter plus longtemps leur conduite :
nous abandonnâmes les rois pour nous ranger de votre parti : nous
joignîmes nos forces aux vôtres, tant dans la ville qu'au camp ; enfin nous
les châtiâmes après les avoir dépouillés de la royauté, et nous vous
mîmes toute leur autorité entre les mains.
XI. DEPUIS ce temps-là, les rois exilés nous ont sollicité plusieurs
fois d'abandonner votre parti et de passer de leur côté. Il ne tenait qu'à
nous de le faire : mais nous n'avons pu nous résoudre, et les magnifiques
récompenses par lesquelles ils tachaient de nous gagner, ont été inutiles.
Nous nous sommes exposés à des périls continuels, pour ne pas violer la
fidélité à votre égard. Nous avons souffert pour l'amour de vous les maux
d'une longue guerre. Voila déjà la dix-septième année a que nous en
sommes accablés et que nous combattons contre tous les hommes pour
la liberté. L'état de la république n'était pas encore bien affermi, comme il
arrive ordinairement après les changements subits, lorsque les peuples
de Tarquinie et de Véies qui sont les deux plus célèbres villes des
Tyrrhéniens, mirent une puissante armée en campagne pour rétablir les
rois. Nous sortîmes au-devant d'eux pour les combattre, et quoique leurs
troupes fussent beaucoup plus nombreuses que les nôtres, nous nous
comportâmes avec tant de valeur, que les ayant défaits en bataille
rangée, nous les mîmes en fuite et conservâmes l'empire au consul qui
restait vivant. Quelque-temps après, Porsenna roi des Tyrrhéniens leva
des troupes dans tout le pays de sa domination. Il les joignit à celles que
les exilés avaient ramassées de longue main, et avec cette nombreuse
armée il entreprit de rétablir les tyrans. Comme nous n'avions pas assez
de forces pour lui résister, nous nous trouvâmes assiégés dans Rome, où
nous fumes réduits à la dernière extrémité : mais nous souffrîmes tous
ces maux avec tant de courage que nous obligeâmes l'ennemi à se retirer
après avoir fait amitié avec nous. Les rois firent enfin une troisième
tentative pour remonter sur le trône avec le secours des Latins et de
trente villes qu'ils gagnèrent à leur parti. Alors vous eûtes recours à nous,
vous employâtes les prières et les larmes ; vous nous fîtes souvenir de
notre commune éducation, et des exploits de guerre que nous avions faits
sous les mêmes étendards, vous nous conjurâtes par les liens de la
société qui devaient nous unir éternellement, de prendre votre défense et
d'entrer dans et les intérêts communs. Il n'en fallut pas davantage pour
nous fléchir, nous nous fîmes un point d'honneur de ne vous pas
abandonner. Persuadés qu'il nous serait glorieux de combattre pour vous,
nous nous exposâmes au dernier danger, contre des ennemis
redoutables : nous risquâmes tout pour le bien de l'état : nous livrâmes
une bataille où après avoir reçu plusieurs blessures et perdu un grand
nombre de nos parents, de nos amis, et de nos camarades, nous
remportâmes enfin une victoire signalée, et passant au fil de l'épée les
chefs de l'armée ennemie, nous éteignîmes pour jamais les restes de la
race royale.
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