[6,72] Παυσαμένου δὲ τοῦ Οὐαλερίου παρελθὼν
ὁ Σικίννιος οὐκ ἐξ ἑνὸς ἔφη δεῖν λόγου τὸ συμφέρον
ἐξετάζειν τοὺς εὖ βουλευομένους, ἀλλ´ ὑποτίθεσθαι τὸν
ἐναντίον αὑτοῖς λόγον, ἄλλως τε καὶ περὶ τηλικούτων
πραγμάτων σκοποῦντας· ἠξίου τε λέγειν πρὸς ταῦτα
τοὺς βουλομένους ἅπασαν αἰδῶ καὶ εὐλάβειαν
ἀποθεμένους· οὐ γὰρ ἐπιτρέπειν τὰ πράγματα σφίσιν εἰς
τὰς τοιαύτας ἀνάγκας κατακεκλεισμένοις οὔτ´ ὄκνῳ οὔτ´
αἰσχύνῃ εἴκειν. σιωπῆς δὲ γενομένης ἐπειδὴ πάντες εἰς
ἀλλήλους ἀπέβλεπον ἐπιζητοῦντες τὸν ὑπὲρ τοῦ κοινοῦ
λέξοντα, ἐφαίνετο δ´ οὐδείς· ὁ γὰρ Σικίννιος τοῖς
αὐτοῖς πολλάκις ἐχρῆτο λόγοις· παρέρχεται κατὰ τὰς
ὑποσχέσεις Λεύκιος Ἰούνιος ἐκεῖνος ὁ βουλόμενος
ἐπικαλεῖσθαι Βροῦτος καὶ τυχὼν ἐπισημασίας παρὰ τοῦ
πλήθους ἀθρόας τοιαύτην διέθετο δημηγορίαν· Τὸ
δέος ὑμᾶς, ὦ δημόται, τὸ τῶν πατρικίων ἐντετηκὸς ἔτι
ταῖς ψυχαῖς ἐκπλήσσειν ἔοικε, καὶ διὰ τοῦτο τεταπεινωμένοι
φέρειν τοὺς λόγους εἰς μέσον, οἷς εἰώθατε
χρῆσθαι πρὸς ἀλλήλους, ὀκνεῖτε. οἴεται δ´ ἴσως ἕκαστος
ὑμῶν τὸν πλησίον ὑπὲρ τοῦ κοινοῦ λέξειν, καὶ
πάντας μᾶλλον, εἴ τι κινδύνευμά ἐστιν, ὑπομενεῖν, αὐτὸς δ´
ἐν τῷ ἀσφαλεῖ βεβηκώς, ὅ τι ἂν ἐκ τοῦ τολμηροῦ χρηστὸν
περιγένηται, τούτου τὸ μέρος ἕξειν
ἀδεῶς· κακῶς εἰδώς. εἰ γὰρ ἅπαντες τοῦτο ὑπολάβοιμεν, ἡ
καθ´ ἕνα ὑμῶν ἕκαστον ἀτολμία κοινὴ πᾶσιν
ἔσται βλάβη, καὶ ἐν ᾧ τὸ ἴδιόν τις ἀσφαλὲς ἀποσκοπεῖ τὸ
μετὰ πάντων κοινὸν ἀπολεῖ. ἀλλ´ εἰ καὶ μὴ
πρότερον ἔγνωτε, ὅτι λέλυται τὸ δέος ὑμῶν καὶ τὸ
ἐλεύθερον ἅμα τοῖς ὅπλοις βεβαίως ἔχετε, νῦν γ´ ἤδη
μάθετε διδασκάλοις χρησάμενοι τούτοις. οἱ γὰρ ὑπερήφανοι
καὶ βαρεῖς οὐκ ἐπιτάττοντες ὑμῖν ὡς πρότερον
ἥκουσιν οὐδ´ ἀπειλοῦντες, ἀλλὰ δεόμενοι καὶ
παρακαλοῦντες, ἐπὶ τὰ ὑμέτερα ὑμᾶς κατιέναι, καὶ ὡς ἐλευθέροις
ἐξ ἴσου ἤδη ἄρχονται ὁμιλεῖν. τί οὖν ἔτι
καταπέπληχθε αὐτοὺς καὶ σιωπᾶτε, ἀλλ´ οὐκ ἐλεύθερα
φρονεῖτε καὶ διαρρήξαντες ἤδη ποτὲ τοὺς χαλινοὺς λέγετε
εἰς τὸ κοινόν, ἃ πεπόνθατε πρὸς αὐτῶν; ὦ σχέτλιοι,
τί δεδοίκατε; μή τι πάθητε ἡγεμόνι τῆς ἐλευθεροστομίας ἐμοὶ
χρώμενοι; κινδυνεύσω γὰρ ὑπὲρ ὑμῶν εἰπεῖν
τὰ δίκαια μετὰ παρρησίας ἐγὼ πρὸς αὐτοὺς καὶ οὐδὲν
ἀποκρύψομαι. καὶ ἐπειδὴ Οὐαλέριος οὐδὲν ἔφησεν εἶναι
τὸ κωλῦον ἀναστρέφειν ὑμᾶς ἐπὶ τὰ οἰκεῖα τῆς βουλῆς
διδούσης τὴν κάθοδον καὶ προσεψηφισμένης τὸ μὴ
μνησικακεῖν, ταῦτ´ ἀποκρινοῦμαι πρὸς αὐτόν, ἅπερ
ἐστὶν ἀληθῆ καὶ ἀναγκαῖα εἰρῆσθαι.
| [6,72] V. VALERIUS ayant ainsi parlé, Sicinnius s'avance au milieu de
l'assemblée. Il dit : Qu'il ne faut pas que des hommes prudents jugent par
un seul discours de ce qui est utile, mais qu'ils doivent écouter les
objections qu'on peut faire contre, sur tout lorsqu'il s'agit d'une affaire de
la dernière importance. Il déclare en même temps que quiconque voudra
répondre à ce qu'a dit Valerius, peut le faire sans honte et sans crainte et
que la nécessité où ils étaient réduits, ne permettait ni de balancer là-dessus
ni de céder à aucun respect humain. L'assemblée ayant fait
silence, ils se regardaient les uns les autres, dans l'attente que quelqu'un
s'offrit pour répondre au nom de tous. Mais Sicinnius avait beau répéter
souvent la même chose, il ne se trouvait personne qui prît la parole. Enfin
ce Lucius Junius dont j'ai parlé, qui voulait être surnommé Brutus, se
présenta, comme il l'avait promis; et toute l'assemblée lui ayant marqué
par quelques signes qu'elle souhaitait de l'entendre, il parla en ces termes.
VI. IL semble, Romains, que la crainte des patriciens, qui depuis
longtemps s'est emparée de vos esprits, vous interdise encore
aujourd'hui, et que vous n'osiez tenir en public les discours qui font le
sujet ordinaire de vos assemblées et de vos conversations particulières.
Vous attendez peut-être que quelqu'un prenne la parole au nom de tous,
vous persuadant que s'il y a du danger, vous serez plus en état de vous
en garantir étant tous réunis, et que celui qui portera la parole obtient
quelque chose par sa hardiesse, vous aurez part aux mêmes avantages
sans participer au péril. Mais vous avez tort de vous conduire par ces
vues. Si tout le monde était dans la même disposition, cette timidité nous
serait à tous préjudiciable, et chacun ne cherchant que sa propre sûreté,
notre république ne manquerait pas de périr. Si vous n'avez pas encore
fait réflexion que votre crainte devait cesser et que la liberté est assurée
dès le moment que vous avez les armes à la main, commencez du moins
aujourd'hui à vous en apercevoir puisque les envoyés du sénat vous en
donnent des preuves. Ces hommes hautains et impérieux ne viennent
plus à nous armés de commandements et de menaces : ils nous prient, ils
nous conjurent, ils nous invitent à retourner dans notre ville, et ils
commencent à nous traiter comme des gens qui ne sont pas moins libres
qu'eux-mêmes. Pourquoi donc êtes-vous encore saisis de crainte ?
Pourquoi, demeurez-vous dans le silence ? Que ne prenez-vous des
sentiments dignes de votre liberté ? Que ne rompez-vous une bonne fois
les chaînes qui vous retiennent, pour vous plaindre hautement des maux
que les sénateurs vous ont fait souffrir ? Malheureux Romains,
qu'appréhendez-vous ? Qu'avez-vous à craindre ? Quel danger y a-t-il de
me suivre puisque je suis le premier à vous donner l'exemple de dire
librement votre pensée ? Je m'exposerai volontiers à parler aux
ambassadeurs avec une entière liberté pour défendre la justice de votre
cause, et je ne leur dissimulerai point ce que je pense. Valerius a dit que
rien ne vous empêche de retourner chez vous, que le sénat vous rappelle
et qu'il a fait un décret pour vous accorder une amnistie générale : je lui
répondrai à cela que la vérité me dicte et ce que l'état de nos affaires
exige de nous.
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