[6,26] Ἔτι δ´ αὐτῆς ἐν τῷ βουλευτηρίῳ καθεζομένης
καὶ τίνες εἶεν δυνάμεις τὰς ἐξελευσομένας σκοπούσης, εἰς
τὴν ἀγορὰν ἀνὴρ πρεσβύτερος ἐφάνη ῥάκος
ἠμφιεσμένος, πώγωνα βαθὺν καθεικὼς καὶ κόμην βοῶν
καὶ ἐπικαλούμενος τὴν ἐξ ἀνθρώπων ἐπικουρίαν.
συνδραμόντος δὲ τοῦ πλησίον ὄχλου στάς, ὅθεν ἔμελλε
πολλοῖς καταφανὴς ἔσεσθαι, ἔφη, Γεννηθεὶς ἐλεύθερος,
ἐστρατευμένος τὰς ἐν ἡλικίᾳ στρατείας, καὶ δυεῖν
δεούσας τριάκοντα μάχας ἀγωνισάμενος, καὶ ἀριστεῖα
πολλάκις εἰληφὼς ἐκ τῶν πολέμων, ἐπειδὴ κατέσχον
οἱ τὴν πόλιν εἰς τὰς ἐσχάτας ἄγοντες στενοχωρίας
καιροί, χρέος ἠναγκάσθην λαβεῖν ἕνεκα τοῦ διαλῦσαι
τὰς εἰσπραττομένας εἰσφοράς, ὡς τὸ μὲν χωρίον οἱ
πολέμιοι κατέδραμον, τὰ δὲ κατὰ πόλιν αἱ σιτοδεῖαι
κατανάλωσαν, ὅθεν διαλύσαιμί μου τὸ χρέος οὐκ ἔχων,
ἀπήχθην δοῦλος ὑπὸ τοῦ δανειστοῦ σὺν τοῖς υἱοῖς δυσίν·
ἐπιτάττοντος δὲ τοῦ δεσπότου τῶν οὐ ῥᾳδίων
ἔργον τι ἀντειπὼν αὐτῷ πληγὰς ἔλαβον μάστιξι πάνυ
πολλάς. ταῦτ´ εἰπὼν ἐρρίπτει τὸ ῥάκιον καὶ ἐδείκνυε
τὸ στῆθος μεστὸν τραυμάτων, τὰ δὲ νῶτα αἵματος ἐκ
τῶν πληγῶν ἀνάπλεω. κραυγῆς δὲ καὶ οἰμωγῆς ἐκ
τῶν παρόντων γινομένης ἥ τε βουλὴ διελύθη καὶ κατὰ
τὴν πόλιν ὅλην δρόμος ἦν τῶν ἀπόρων τὴν ἰδίαν
τύχην ἀνακλαιομένων καὶ βοηθεῖν τοὺς πέλας ἀξιούντων· ἔκ
τε τῶν οἰκιῶν οἱ πρὸς τὰ χρέα δουλωθέντες
ἐξώρμων κομῶντες, ἁλύσεις ἔχοντες οἱ πλεῖστοι καὶ
πέδας οὐδενὸς ἀντιλαμβάνεσθαι τολμῶντος αὐτῶν, εἰ
δ´ ἅψαιτο μόνον, ἐν χειρῶν νόμῳ διασπαραττομένου.
τοσαύτη λύττα τὸν δῆμον ἐν τῷ τότε καιρῷ κατεῖχε,
καὶ μετ´ οὐ πολὺ μεστὴ τῶν ἐκφυγόντων τὰς ἀνάγκας
ἦν ἡ ἀγορά. ὁ μὲν οὖν Ἄππιος δείσας τὴν ἐφ´ ἑαυτὸν ὁρμὴν
τοῦ πλήθους, ἐπειδὴ τῶν κακῶν ἦν αἴτιος,
καὶ δι´ ἐκεῖνον ἐδόκει ταῦτα γεγονέναι, φεύγων ἐκ τῆς
ἀγορᾶς ᾤχετο. ὁ δὲ Σερουίλιος ῥίψας τὴν περιπόρφυρον
ἐσθῆτα καὶ προκυλιόμενος τῶν δημοτικῶν ἑκάστου μετὰ
δακρύων, μόλις αὐτοὺς ἔπεισεν ἐκείνην μὲν
τὴν ἡμέραν ἐπισχεῖν, εἰς δὲ τὴν ἐπιοῦσαν ἥκειν, ὡς
τῆς βουλῆς ἐπιμέλειάν τινα περὶ αὐτῶν ποιησομένης.
ταῦτ´ εἰπὼν καὶ τὸν κήρυκα ἀνειπεῖν κελεύσας μηδένα
τῶν δανειστῶν ἐξεῖναι σῶμα πολιτικὸν πρὸς ἴδιον χρέος
ἄγειν, ἕως {ἂν} ἡ βουλὴ περὶ αὐτῶν διαγνοίη, τοὺς δὲ παρόντας
ὅποι βούλοιντο ἀδεῶς ἀπιέναι, διέλυσε τὸν θόρυβον.
| [6,26] XI. Pendant que le sénat était encore assemblé et qu'il examinait
quelles troupes on devait mettre en campagne, un vieillard revêtu de
haillons, avec une longue barbe et les cheveux épars, parut au milieu de
la place publique, criant de toutes ses forces et implorant le secours des
hommes. Le peuple du voisinage y accourut. Le vieillard se plaça dans un
endroit où il pouvait être vu de tout le monde. Il dit à haute voix qu'il était
né libre, qu'il avait servi dans toutes les campagnes pendant que son âge
le permettait ; qu'il s'était trouvé à vingt-huit batailles où il avait remporté
plusieurs prix de valeur : mais que depuis que les temps étaient devenus
mauvais et que la république s'était vue réduite à la dernière extrémité, il
avait été contraint de faire des emprunts pour payer les impôts : que pour
surcroit de malheur, les ennemis avaient ravagé les terres, et que la
cherté des vivres lui avait fait consumer tout ce qu'il possédait à la ville.
Après cela, ajouta-t-il, n'ayant plus de quoi payer mes dettes, mon
impitoyable créancier m'a réduit en servitude avec mes deux enfants, et
m'a fait indignement fouetter de plusieurs coups parce que je lui ai
répondu quelques mots quand il m'a commandé des choses trop difficiles.
En disant ces paroles il met bas ses haillons, il montre sa poitrine
couverte de cicatrices et son dos tout ensanglanté des coups qu'il vient de
recevoir.
XII. A ce triste spectacle le peuple pousse de grands cris et fait
retentir l'air de ses gémissements. Aussitôt l''assemblée des sénateurs se
sépare. La ville se trouve tout d'un coup remplie de pauvres qui courent
par les rues, déplorant leur malheur, et demandant du secours à leurs
voisins et à leurs amis. En même temps on voit sortir des maisons
particulières une foule de citoyens réduits en servitude pour cause de
dettes. Ils se montrent en public chargés de chaînes, les fers aux pieds,
les cheveux épars et malpropres. Personne n'est assez hardi pour les
arrêter, ou si on ose seulement leur toucher, ils en viennent aux mains et
se défendent comme des furieux, tant le peuple était alors en émotion, et,
pour ainsi dire, transporté de rage. Peu de temps après la place publique
fut pleine de fugitifs et de débiteurs qui tâchaient de se mettre à couvert
de la rigueur de leurs créanciers.
XIII. Alors Appius qui sentait bien que c'était à lui qu'ils en voulaient
comme étant la cause de cette émeute, se retira promptement de la
place, de peur que les séditieux ne fissent main basse sur lui. Servilius au
contraire met bas sa robe prétexte, il se jette aux pieds des plébéiens, et
fondant en larmes il leur persuade enfin, quoiqu'avec beaucoup de peine,
de ne pas remuer davantage ce jour là, mais de revenir le lendemain, leur
promettant que le sénat aura soin de leurs intérêts. Ensuite il fait publier
par un huissier qu'il ne sera plus permis aux créanciers de se saisir de la
personne d'aucun citoyen pour dettes particulières, jusqu'à ce que le
sénat ait prononcé là-dessus, et que tous ceux qui étaient alors dans la
place publique pouvaient s'en aller partout où ils voudraient dans une
pleine liberté. Cette sage conduite du consul apaisa les troubles, et le
peuple se retira chez soi.
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