[5,46] Ὡς δὲ συνεῖδον ἀμφότεροι τὰ τῶν πολεμίων
πράγματα, τῷ τε μεγέθει τῶν στρατοπέδων
εἰκάσαντες καὶ παρ´ αἰχμαλώτων ἀκούσαντες, τοῖς μὲν
Σαβίνοις θάρσος παρέστη καὶ καταφρόνησις τῆς τῶν
πολεμίων ὀλιγότητος, τοῖς δὲ Ῥωμαίοις δέος πρὸς τὸ
τῶν ἀντιπολεμούντων πλῆθος· ἐθάρρησαν δὲ καὶ οὐ
μικρὰς ἐλπίδας ὑπὲρ τῆς νίκης ἔλαβον ἄλλων τε σημείων γενομένων
σφίσι θεοπέμπτων καὶ δὴ καὶ τελευταίου φάσματος, ὅτε παρατάττεσθαι
ἔμελλον, τοιοῦδε.
ἐκ τῶν καταπεπηγμένων παρὰ ταῖς σκηναῖς ὑσσῶν·
ἔστι δὲ ταῦτα βέλη Ῥωμαίων, ἃ συνιόντες εἰς χεῖρας
ἐξακοντίζουσι, ξύλα προμήκη τε καὶ χειροπλήθη τριῶν
οὐχ ἧττον ποδῶν σιδηροῦς ὀβελίσκους ἔχοντα προὔχοντας κατ´
εὐθεῖαν ἐκ θατέρου τῶν ἄκρων, μετρίοις
ἀκοντίοις ἴσα σὺν τῷ σιδήρῳ· ἐκ τούτων δὴ τῶν ὑσσῶν περὶ τοῖς
ἄκροις τῶν ὀβελίσκων φλόγες ἀνήπτοντο,
καὶ δι´ ὅλου τοῦ στρατοπέδου τὸ σέλας ἦν, ὥσπερ ἀπὸ
λαμπάδων, καὶ κατέσχε τῆς νυκτὸς ἐπὶ πολύ. ἐκ τούτου κατέλαβον
τοῦ φάσματος, ὥσπερ οἱ τερατοσκόποι
ἀπέφαινον καὶ πᾶσιν ἀνθρώποις συμβαλεῖν οὐ χαλεπὸν
ἦν, ὅτι νίκην αὐτοῖς ταχεῖαν καὶ λαμπρὰν σημαίνει
τὸ δαιμόνιον, ἐπειδήπερ ἅπαν εἴκει τῷ πυρὶ καὶ
οὐδὲν ὅ τι οὐχ ὑπὸ τοῦ πυρὸς διαφθείρεται. τοῦτο
δ´ ὅτι ἐκ τῶν ἀμυντηρίων αὐτοῖς ὅπλων ἀνήφθη, μετὰ
πολλοῦ θάρσους προῄεσαν ἐκ τοῦ χάρακος καὶ συρράξαντες τοῖς
Σαβίνοις ἐμάχοντο πολλαπλασίοις ἐλάττους
ἐν τῷ θαρρεῖν τὸ πιστὸν ἔχοντες· καὶ ἡ ἐμπειρία δὲ
σὺν τῷ φιλοπόνῳ πολλὴ αὐτοῖς παροῦσα παντὸς ἐπήγετο δεινοῦ
καταφρονεῖν. πρῶτος μὲν οὖν ὁ Ποστόμιος τὸ εὐώνυμον ἔχων κέρας
ἀναλύσασθαι τὴν προτέραν ἧτταν προθυμούμενος τὸ δεξιὸν τῶν
πολεμίων ἐξωθεῖ κέρας πρόνοιαν οὐδεμίαν τῆς ἑαυτοῦ ψυχῆς
παρὰ τὸ νικᾶν ποιούμενος, ἀλλ´ ὥσπερ οἱ μεμηνότες
καὶ θανατῶντες εἰς μέσους τοὺς πολεμίους ῥιπτῶν
ἑαυτόν· ἔπειτα καὶ οἱ σὺν τῷ Μενηνίῳ θάτερον ἔχοντες κέρας
κάμνοντες ἤδη καὶ ἐξωθούμενοι τῆς στάσεως,
ὡς ἔμαθον, ὅτι νικῶσι τοὺς κατὰ σφᾶς οἱ τοῦ Ποστομίου,
θαρρήσαντες εἰς ἀντίπαλα χωροῦσι· καὶ γίνεται
τῶν κεράτων ἀμφοτέρων τοῖς Σαβίνοις ἐκκλινάντων
τροπὴ παντελής. οὐδὲ γὰρ οἱ ἐν μέσῃ τῇ φάλαγγι
ταχθέντες ἐψιλωμένων τῶν ἄκρων ἔτι παρέμειναν, ἀλλ´
ὑπὸ τῆς ἵππου τῆς Ῥωμαϊκῆς ἐξελαυνούσης κατὰ τέλη
βιασθέντες ἀνεστάλησαν. φυγῆς δὲ πάντων γενομένης
ἐπὶ τοὺς χάρακας ἀκολουθήσαντες οἱ Ῥωμαῖοι καὶ
συνεισπεσόντες ἀμφότερα λαμβάνουσιν αὐτῶν τὰ ἐρύματα. τοῦ δὲ μὴ
πανσυδὶ τὸν τῶν πολεμίων διαφθαρῆναι στρατὸν ἥ τε νὺξ αἰτία ἐγένετο
καὶ τὸ ἐν οἰκείᾳ γῇ τὸ πάθος αὐτοῖς συμβῆναι· ῥᾷον γὰρ οἱ
φεύγοντες ἐπὶ τὰ σφέτερα ἐσώζοντο δι´ ἐμπειρίαν τῶν τόπων.
| [5,46] V. TOUTES les troupes étant rassemblées, les deux armées
campèrent à quelque distance l'une de l'autre, pas loin d'Ërete ville de la
nation Sabine. Quand on eut reconnu de part et d'autre les forces de
l'ennemi, tant par le terrain qu'occupaient les lignes, que par le rapport
des prisonniers, les Sabins concevant de grandes espérances,
commencèrent à mépriser le petit nombre des ennemis. Les Romains au
contraire furent d'abord épouvantés de la multitude des troupes Sabines.
Mais leur courage se ranima, et ils conçurent quelque espérance de la
victoire par plusieurs signes qui leur furent envoyés de la part des dieux,
surtout par le dernier prodige qui parut dans le temps qu'on était sur le
point de livrer bataille. De la pointe de leurs javelots fichés en terre auprès
de leurs tentes on vit sortir une espèce de flamme qui éclaira tout le
camp pendant une bonne partie de la nuit comme s'il avait été plein de
torches allumées. Ces javelots sont une manière de dard que les
Romains ont coutume de lancer au commencement du combat : leur
hampe est longue et assez grosse pour remplir la main, par les deux
bouts elle est armée d'une pointe de fer toute droite et longue aux moins
de trois pieds ces javelots avec leur hampe et leur fer sont égaux à un
dard de moyenne grandeur.
VI. UN prodige si merveilleux remplit de joie tous les Romains, ils
conclurent de cette flamme, suivant l'explication des interprètes des
prodiges et comme il était facile à tout homme de le conjecturer, que par
un présage de cette nature les destins leur promettaient une victoire
prochaine et signalée, parce que tout cède au feu, et qu'il n'y a rien qu'il
ne le consume.
VII. PLEINS de cœur et de confiance après que cette flamme
miraculeuse eût paru au bout de leurs javelots, ils sortent de leurs lignes,
et quoique beaucoup inférieurs en nombre à l'armée des Sabins, ils leur
présentent le défi. La protection des dieux, une longue expérience, et leur
accoutumance aux fatigues de la guerre, soutiennent leur courage et leur
font mépriser tous les périls. Postumius qui commandait l'aile gauche,
avait commencé le premier à enfoncer l'aile droite des Sabins. Pour
effacer la honte du combat précédent, il se jette en désespéré au milieu
des ennemis comme entre les bras de la mort, prêt â acheter la victoire au
prix de son sang et même de sa vie. L'aile droite des Romains
commandée par Menenius, qui avait déjà plié, reprend courage sitôt
qu'elle apprend que Postumius a l'avantage. Elle fait face aux ennemis; et
porte partout la terreur et le carnage. Les deux ailes des Sabins lâchent
pied, les vainqueurs pénètrent dans les rangs, le corps de bataille n'est
plus soutenu par les ailes, il ne peut résister à l'effort des Romains qui
l'enfoncent avec violence ; enfin toute l'armée Sabine est contrainte de
reculer et de prendre la fuite. Dans cette affreuse déroute les Romains se
mettent à leurs trousses ; ils les mènent battant jusques dans leurs
lignes, ils y entrent pêle-mêle avec les fuyards et se rendent maîtres des
deux camps. La nuit qui survint fort à propos pour les vaincus, fut cause
qu'il en échappa un grand nombre, et que le vainqueur ne poussa pas
plus loin son avantage. D'ailleurs le combat s'étant livré sur leurs terres, la
connaissance qu'ils avaient du terrain et des faux-fuyants leur donnait
beaucoup plus de facilité pour s'évader, que la victoire n'en donnait aux
Romains pour les poursuivre par des décours qu'ils n'avaient jamais
pratiqués.
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