[5,17] Τοιοῦτο μὲν ἡ μάχη τέλος ἔλαβεν· τῇ δ´
ἑξῆς ἡμέρᾳ σκυλεύσαντες οἱ Ῥωμαῖοι τοὺς τῶν πολεμίων νεκροὺς καὶ
τοὺς ἑαυτῶν θάψαντες ἀπῄεσαν. τὸ δὲ Βρούτου σῶμα ἀράμενοι μετὰ
πολλῶν ἐπαίνων τε καὶ δακρύων εἰς τὴν Ῥώμην ἀπεκόμιζον οἱ κράτιστοι
τῶν ἱππέων στεφάνοις κεκοσμημένον ἀριστείοις. ὑπήντα
δ´ αὐτοῖς ἥ τε βουλὴ θριάμβου καταγωγῇ ψηφισαμένη
κοσμῆσαι τὸν ἡγεμόνα, καὶ ὁ δῆμος ἅπας κρατῆρσι
καὶ τραπέζαις ὑποδεχόμενος τὴν στρατιάν. ὡς δ´ εἰς
τὴν πόλιν ἀφίκοντο, πομπεύσας ὁ ὕπατος, ὡς τοῖς
βασιλεῦσιν ἔθος ἦν, ὅτε τὰς τροπαιφόρους πομπάς τε
καὶ θυσίας ἐπιτελοῖεν, καὶ τὰ σκῦλα τοῖς θεοῖς ἀναθείς, ἐκείνην μὲν
τὴν ἡμέραν ἱερὰν ἀνῆκε καὶ τοὺς
ἐπιφανεστάτους τῶν πολιτῶν ἑστιάσει {προθεὶς} ὑπεδέχετο· τῇ δ´
ἑξῆς ἡμέρᾳ φαιὰν ἐσθῆτα λαβὼν καὶ τὸ
Βρούτου σῶμα προθεὶς ἐν ἀγορᾷ κεκοσμημένον ἐπὶ στρωμνῆς ἐκπρεποῦς
συνεκάλει τὸν δῆμον εἰς ἐκκλησίαν
καὶ προελθὼν ἐπὶ τὸ βῆμα τὸν ἐπιτάφιον ἔλεξεν ἐπ´
αὐτῷ λόγον. εἰ μὲν οὖν Οὐαλέριος πρῶτος κατεστήσατο τὸν νόμον
τόνδε Ῥωμαίοις ἢ κείμενον ὑπὸ τῶν
βασιλέων παρέλαβεν, οὐκ ἔχω τὸ σαφὲς εἰπεῖν· ὅτι δὲ
Ῥωμαίων ἐστὶν ἀρχαῖον εὕρεμα τὸ παρὰ τὰς ταφὰς τῶν
ἐπισήμων ἀνδρῶν ἐπαίνους τῆς ἀρετῆς αὐτῶν λέγεσθαι καὶ οὐχ
Ἕλληνες αὐτὸ κατεστήσαντο πρῶτοι,
παρὰ τῆς κοινῆς ἱστορίας οἶδα μαθών, ἣν ποιητῶν τε
οἱ παλαιότατοι καὶ συγγραφέων οἱ λογιώτατοι παραδεδώκασιν. ἀγῶνας
μὲν γὰρ ἐπιταφίους τιθεμένους
ἐπὶ τοῖς ἐνδόξοις ἀνδράσι γυμνικούς τε καὶ ἱππικοὺς
ὑπὸ τῶν προσηκόντων ἱστορήκασιν, ὡς ὑπό τ´ Ἀχιλλέως
ἐπὶ Πατρόκλῳ καὶ ἔτι πρότερον ὑφ´ Ἡρακλέους ἐπὶ
Πέλοπι· ἐπαίνους δὲ λεγομένους ἐπ´ αὐτοῖς οὐ γράφουσιν ἔξω τῶν
Ἀθήνησι τραγῳδοποιῶν, οἳ κολακεύοντες τὴν πόλιν ἐπὶ τοῖς ὑπὸ
Θησέως θαπτομένοις
καὶ τοῦτ´ ἐμύθευσαν. ὀψὲ γάρ ποτε Ἀθηναῖοι προσέθεσαν τὸν
ἐπιτάφιον ἔπαινον τῷ νόμῳ, εἴτ´ ἀπὸ τῶν
ἐπ´ Ἀρτεμισίῳ καὶ περὶ Σαλαμῖνα καὶ ἐν Πλαταιαῖς
ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἀποθανόντων ἀρξάμενοι, εἴτ´ ἀπὸ
τῶν περὶ Μαραθῶνα ἔργων. ὑστερεῖ δὲ καὶ τὰ Μαραθώνια τῆς Βρούτου
ταφῆς, εἰ δὴ ἀπὸ τούτων πρώτων
ἤρξαντο οἱ ἔπαινοι λέγεσθαι τοῖς ἀπογενομένοις, ἑκκαίδεκα ἔτεσιν.
εἰ δέ τις ἐάσας σκοπεῖν, οἵ τινες ἦσαν
οἱ πρῶτοι τοὺς ἐπιταφίους ἐπαίνους καταστησάμενοι,
τὸν νόμον αὐτὸν ἐφ´ ἑαυτοῦ βουληθείη καταμαθεῖν,
παρ´ ὁποτέροις ἄμεινον ἔχει, τοσούτῳ φρονιμώτερον
εὑρήσει παρὰ τοῖσδε κείμενον αὐτὸν ἢ παρ´ ἐκείνοις,
ὅσῳ γ´ Ἀθηναῖοι μὲν ἐπὶ τοῖς ἐκ τῶν πολέμων θαπτομένοις
καταστήσασθαι τοὺς ἐπιταφίους ἀγορεύεσθαι
λόγους δοκοῦσιν ἐκ μιᾶς τῆς περὶ τὸν θάνατον ἀρετῆς,
κἂν τἆλλα φαῦλος γένηταί τις, ἐξετάζειν οἰόμενοι
δεῖν τοὺς ἀγαθούς· Ῥωμαῖοι δὲ πᾶσι τοῖς ἐνδόξοις
ἀνδράσιν, ἐάν τε πολέμων ἡγεμονίας λαβόντες ἐάν τε
πολιτικῶν ἔργων προστασίας συνετὰ βουλεύματα καὶ
πράξεις ἀποδείξωνται καλάς, ταύτην ἔταξαν εἶναι τὴν
τιμήν, οὐ μόνον τοῖς κατὰ πόλεμον ἀποθανοῦσιν, ἀλλὰ
καὶ τοῖς ὁποιᾳδήποτε χρησαμένοις τοῦ βίου τελευτῇ,
ἐξ ἁπάσης τῆς περὶ τὸν βίον ἀρετῆς οἰόμενοι δεῖν
ἐπαινεῖσθαι τοὺς ἀγαθούς, οὐκ ἐκ μιᾶς τῆς περὶ τὸν
θάνατον εὐκλείας.
| [5,17] VII. À l'égard du corps de Brutus, on l'orna de couronnes comme
d'autant de trophées de sa valeur. Il fut porté à Rome par les plus braves
et les plus distingués de la cavalerie, qui au milieu des plus tristes regrets,
célébrèrent ses louanges et lui rendirent tous les honneurs qui étaient dus
au plus ferme défenseur de la patrie.
VIII. LE sénat alla au devant de l'armée, et ordonna que le corps de
ce général serait conduit avec l'appareil du triomphe. Tout le peuple sortit
aussi avec des coupes pleines de vin, et des tables chargées de toutes
sortes de rafraichissements, pour régaler les troupes. Quand on fut aux
portes de la ville le consul fit son entrée en triomphe. Il offrit les sacrifices
ordinaires en de pareilles occasions, et consacra aux dieux les dépouilles
de l'ennemi avec les mêmes cérémonies que les rois avaient coutume
d'observer dans les pompes triomphales après le gain d'une bataille. Il
passa le reste du jour en réjouissances, et donna un magnifique repas
aux plus illustres citoyens.
IX. LE lendemain, revêtu d'une robe noire, il fit mettre le corps de son
collègue sur un superbe lit de parade au milieu de la place publique. Il
assembla le peuple, et montant sur son tribunal, il prononça l'oraison
funèbre de Brutus. Il est incertain si Valerius fut le premier qui introduisit
cette coutume chez les Romains, ou s'il la trouva déjà établie par les rois;
c'est ce que je n'oserais non plus décider.
X. QUOIQU'IL en soit, il est aisé de voir par l'histoire universelle, par
les écrits des anciens poètes, et par les plus célèbres historiens qui ont
embrassé dans leurs livres l'histoire de toutes les nations, que la coutume
de louer les vertus des grands hommes lorsqu'on fait leurs funérailles, fut
anciennement inventée par les Romains, et que les Grecs n'en sont point
les premiers auteurs. Nous lisons à la vérité que les parents et les amis
des plus illustres personnages de l'antiquité célébraient après leur mort
des combats de lutteurs et des courses de chevaux. C'est ainsi qu'Achille
en fit à la mort de son ami Patrocle, et que longtemps avant lui Hercule en
avait célébré pour honorer la mémoire de Pélops. Mais nous ne voyons
point d'auteur qui ait écrit qu'on leur prononçait des éloges funèbres,
excepté les poètes tragiques d'Athènes, qui pour relever la gloire de leur
ville ont inventé que Thésée en fit en l'honneur de ceux à qui il rendit les
devoirs de la sépulture ; mais tout ce qu'ils en disent est fabuleux. Ce ne
futt en effet que très tard que les Athéniens ajoutèrent par une loi
particulière ces panégyriques aux cérémonies des funérailles, soit qu'ils
aient commencé par ceux qui prodiguèrent leur sang dans les batailles
d'Artémisie, de Salamine et de Platée pour la défense de la patrie, soit
qu'ils aient rendu ce glorieux devoir aux braves qui se distinguèrent dans
le combat de Marathon. Quand même il serait vrai qu'ils auraient fait dès
ce temps-là des oraisons funèbres, qu'en peut-on conclure? ne sait-on
pas que la journée de Marathon est postérieure de seize ans à la mort de
Brutus.
XI. MAIS sans trop rechercher qui font les premiers auteurs des
éloges funèbres, qu'on considère cette coutume en elle-même, qu'on
examine chez qui, ou des Grecs, ou des son Romains elle est observée
avec plus de sagesse, l'on verra, j'en fuis sûr, qu'elle est plus raisonnable
parmi ceux-ci que chez les Athéniens. Ces derniers en effet semblent
n'avoir institué les discours funèbres que pour ceux qui avaient versé leur
sang dans les combats. Ils n'ont jugé du mérite de leurs citoyens que par
le courage avec lequel ils s'étaient exposés à la mort, quoique ce fussent
peut-être des gens méprisables d'ailleurs et sans autres vertus qu'une
férocité qui passait sous le nom de valeur. Les Romains au contraire ont
accordé les mêmes honneurs à tous les grands hommes qui s'étaient
rendus recommandables, ou par leur sagesse dans la conduite des
armées, ou par leur prudence dans les délibérations, ou par les bons
conseils dont ils aidaient la république, soit qu'ils fussent morts les armes
à la main, soit qu'ils eussent fini leurs jours par une mort plus tranquille ;
persuadés que si les grands personnages méritent des louanges pour
avoir glorieusement prodigué leur sang, le même tribut n'est pas moins dû
aux autres vertus qu'à la valeur.
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