[4,81] Τὰς μὲν οὖν ἡμετέρας τῶν πατρικίων συμφοράς,
ἃς καὶ τῶν πολεμίων ἄν τις μαθὼν δακρύσειε,
σιωπῶ, εἴ γ´ ὀλίγοι μὲν ἐκ πολλῶν λελείμμεθα, ταπεινοὶ
δ´ ἐκ μεγάλων γεγόναμεν, εἰς πενίαν δὲ καὶ δεινὴν
ἀπορίαν ἥκομεν ἐκ πολλῶν καὶ μακαρίων ἐκπεσόντες
ἀγαθῶν. οἱ λαμπροὶ δ´ ἐκεῖνοι καὶ δεινοὶ καὶ μεγάλοι,
δι´ οὓς ἐπιφανὴς ἡ πόλις ἡμῶν ποτε ἦν, οἱ μὲν ἀπολώλασιν,
οἱ δὲ φεύγουσι τὴν πατρίδα. ἀλλὰ τὰ ὑμέτερα
πράγματα, ὦ δημόται, πῶς ἔχει; οὐκ ἀφῄρηται
μὲν ὑμῶν τοὺς νόμους, ἀφῄρηται δὲ τὰς ἐφ´ ἱερὰ καὶ
θυσίας συνόδους, πέπαυκε δὲ τοὺς ἀρχαιρεσιάζοντας
καὶ ψηφοφοροῦντας καὶ περὶ τῶν κοινῶν ἐκκλησιάζοντας,
ἀναγκάζει δ´ ὅσα δούλους ἀργυρωνήτους {αἰσχύνης ἄξια}
ταλαιπωρεῖν λατομοῦντας ὑλοτομοῦντας ἀχθοφοροῦντας,
ἐν ταρτάροις καὶ βαράθροις δαπανωμένους,
ἀνάπαυσιν τῶν κακῶν οὐδὲ τὴν ἐλαχίστην λαμβάνοντας;
τίς οὖν ὅρος ἔσται τῶν συμφορῶν, καὶ μέχρι
τίνος χρόνου ταῦτα πάσχοντες ὑπομενοῦμεν, καὶ πότε
τὴν πάτριον ἐλευθερίαν ἀνακτησόμεθα; ὅταν ἀποθάνῃ
Ταρκύνιος; νὴ Δία. καὶ τί πλέον ἡμῖν ἔσται τότε, τί
δ´ οὐ χεῖρον; τρεῖς γὰρ ἐξ ἑνὸς Ταρκυνίους ἕξομεν
πολλῷ μιαρωτέρους τοῦ πατρός. ὅπου γὰρ ὁ γενόμενος
ἐξ ἰδιώτου τύραννος καὶ ὀψὲ ἀρξάμενος πονηρὸς
εἶναι, πᾶσαν ἀκριβοῖ τὴν τυραννικὴν κακίαν, ποδαποὺς
χρὴ νομίζειν ἔσεσθαι τοὺς ἐξ ἐκείνου φύντας,
οἷς πονηρὸν μὲν γένος, πονηραὶ δὲ τροφαί, πολιτικὸν
δὲ καὶ μέτριον οὐδὲν οὔτ´ ἰδεῖν ἐξεγένετο πώποτε
πραττόμενον οὔτε μαθεῖν; ἵνα δὲ μὴ μαντεύησθε τὰς
καταράτους αὐτῶν φύσεις, ἀλλ´ ἀκριβῶς μάθητε, οἵους
σκύλακας ὑμῖν ἡ Ταρκυνίου τυραννὶς ὑποτρέφει, θεάσασθε
ἔργον ἑνὸς αὐτῶν τοῦ πρεσβυτάτου.
| [4,81] Je passe sous silence les maux qui ne regardent
que l'ordre des patriciens ; nos ennemis mêmes ne pourraient
en entendre parler sans verser des larmes. En effet où en sommes-nous
réduits maintenant ? D'un grand nombre que nous étions, il n'en reste
aujourd'hui que très peu, encore sommes-nous tombés du plus haut
degré de la gloire dans le dernier abaissement. Dépouillés de tous nos
biens, privés de mille avantages dont nous jouissions autrefois, nous nous
voyons maintenant réduits à une extrême pauvreté. De tant d'illustres
magistrats distingués par leur naissance, par leur mérite personnel et par
les services importants qu'ils ont rendus à la république, les uns ont perdu
la vie, les autres ont été chassés de Rome, ou se sont condamnés eux-mêmes à l'exil pour éviter la cruauté du tyran. Et vous, Plébéiens, dans
quel état sont vos affaires ? Que sont devenues vos lois ? Le tyran ne les
a-t il pas abolies? Ne vous a-t-il pas ôté le droit d'assister aux sacrifices,
d'élire les magistrats, de donner vos suffrages, et même de vous
assembler pour les affaires du gouvernement ? Vous traite-t-il avec plus
de ménagement que de vils esclaves qu'il aurait achetés? Ne vous a-t-il
pas réduits aux travaux les plus pénibles, à tailler des pierres, à scier du
bois, à porter des fardeaux, à travailler dans des égouts, dans des
souterrains et dans des abîmes horribles, aux dépens de votre vie et sans
vous donner un moment de relâche ?
XXXIV. NE verrons-nous donc jamais finir nos maux ? Jusqu'à quel
temps les souffrirons-nous ? Quand remettrons-nous notre patrie en
liberté ? Sera-ce après la mort de Tarquin ? Oui, par le grand Jupiter.
Mais quel avantage peut nous apporter la mort, ou plutôt ne serions-nous
pas encore pis qu'aujourd'hui, puisque au lieu d'un Tarquin nous en
aurions trois autres encore plus scélérats que leur père? Si de particulier
qu'il était il est devenu tyran, et s'il a exercé sur nous toutes sortes de
cruautés, quoiqu'il n'ait commencé que dans un âge avancé à se livrer au
crime, que devons nous attendre de ses enfants qui font d'une race si
maudite, qui ont été si mal élevés, qui ne lui ont jamais vu rien dire ni rien
faire avec modération, et qui ont toujours eu un si mauvais exemple
devant les yeux .
XXXV. MAIS sans qu'il soit besoin de pénétrer dans l'avenir pour tirer
des présages de leur maudit naturel, vous pouvez connaître dès
aujourd'hui quels chiens la tyrannie de Tarquin a élevés dans le sein de la
république. Considérez seulement ce que vient de faire l'ainé de ces trois
monstres.
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