[4,77] Ὑπὲρ ἀναγκαίων καὶ κοινῶν πραγμάτων
τοὺς λόγους μέλλων πρὸς ὑμᾶς ποιεῖσθαι, ἄνδρες πολῖται,
περὶ ἐμαυτοῦ πρῶτον ὀλίγα βούλομαι προειπεῖν·
ἴσως γάρ τισιν ὑμῶν, μᾶλλον δ´ ἀκριβῶς οἶδ´ ὅτι πολλοῖς
τεταράχθαι δόξω τὴν διάνοιαν, ἀνὴρ οὐ φρενήρης περὶ
τῶν μεγίστων ἐπιχειρῶν λέγειν, ᾧ κηδεμόνων οὐχ
ὑγιαίνοντι δεῖ. ἴστε δὴ τὴν κοινὴν ὑπόληψιν, ἣν περὶ
ἐμοῦ πάντες εἴχετε ὡς ἠλιθίου, ψευδῆ γενομένην καὶ
οὐχ ὑπ´ ἄλλου τινὸς κατασκευασθεῖσαν, ἀλλ´ ὑπ´ ἐμοῦ.
ὁ δ´ ἀναγκάσας με μήθ´ ὡς ἡ φύσις ἠξίου μήθ´ ὡς
ἥρμοττέ μοι ζῆν, ἀλλ´ ὡς Ταρκυνίῳ τ´ ἦν βουλομένῳ
κἀμοὶ συνοίσειν ἔδοξεν, ὁ περὶ τῆς ψυχῆς φόβος ἦν.
πατέρα γάρ μου Ταρκύνιος ἀποκτείνας ἅμα τῷ παραλαβεῖν
τὴν ἀρχήν, ἵνα τὴν οὐσίαν αὐτοῦ κατάσχοι
πολλὴν σφόδρα οὖσαν, καὶ ἀδελφὸν πρεσβύτερον, ὃς
ἔμελλε τιμωρήσειν τῷ θανάτῳ τοῦ πατρός, εἰ μὴ γένοιτο
ἐκποδῶν, ἀφανεῖ θανάτῳ διαχρησάμενος, οὐδ´
ἐμοῦ δῆλος ἦν φεισόμενος ἐρήμου τῶν ἀναγκαιοτάτων
γεγονότος, εἰ μὴ τὴν ἐπίθετον ἐσκηψάμην μωρίαν.
τοῦτό με τὸ πλάσμα πιστευθὲν ὑπὸ τοῦ τυράννου μὴ
ταὐτὰ παθεῖν ἐκείνοις ἐρρύσατο καὶ μέχρι τοῦ παρόντος
διασέσωκε χρόνου· νῦν δ´ αὐτὸ πρῶτον, ἥκει γὰρ
ὁ καιρός, ὃν εὐχόμην τε καὶ προσεδεχόμην, πέμπτον
ἤδη τοῦτο καὶ εἰκοστὸν ἔτος φυλάξας ἀποτίθεμαι.
καὶ τὰ μὲν περὶ ἐμοῦ τοσαῦτα.
| [4,77] XXIX. « ROMAINS, ayant à vous communiquer des affaires très
nécessaires et de la dernière importance, je commence par vous
expliquer ce qui regarde ma conduite passée. En effet, quelques-uns de
ceux qui sont ici, j'ose même dire la plupart, regarderaient sans doute
comme un trait de folie, la liberté que je prends maintenant de vous
entretenir des affaires les plus importantes, moi surtout qui ai passé
jusqu'ici ce pour un esprit blessé qui avait besoin de curateur. Apprenez
donc aujourd'hui que l'idée que vous avez de moi comme d'un hébété est
entièrement fausse. Par un dessein prémédité j'ai donné occasion à cette
idée, elle ne vient d'aucun autre que de moi. C'est la crainte de perdre la
vie qui m'a obligé de me conduire, non de la manière qui convenait à mon
naturel et à mon rang, mais comme il plaisait à Tarquin et comme il m'a
paru nécessaire pour me mettre en sûreté. Ce tyran fît mourir mon père
dès le commencement de son règne pour s'emparer de ses grandes
richesses, il se défit secrètement de mon frère aîné qui n'aurait pas
manqué de venger sa mort si on ne lui eut ôté la vie à lui-même.
Abandonné de mes proches, sans défense et sans appui, je jugeai bien
que je ne pouvais pas échapper à sa cruauté si je ne contrefaisais le fou.
Le tyran ne s'est jamais aperçu de cette ruse, il a cru que ma folie était
véritable, et c'est ce qui m'a sauvé la vie: sans cela j'aurais eu
indubitablement le même sort que mon père et mon frère. Mais
aujourd'hui puisqu'il est venu ce moment favorable, ce temps si désiré
que j'ai attendu avec tant d'impatience en contrefaisant le fou pendant
vint-cinq ans, je mets bas le masque sous lequel je me suis caché. Voilà,
Romains, ce que j'avais à vous dire pour justifier ma conduite passée.
Voici maintenant ce qui concerne les affaires de la république : car c'est
l'unique sujet pour lequel je vous ai convoqués.
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