[4,71] Ταῦτ´ εἰπὼν ἐκάλει καὶ τοὺς ἄλλους ἅπαντας
ἐπὶ τὸν αὐτὸν ὅρκον· οἱ δ´ οὐδὲν ἔτι ἐνδοιάσαντες
ἀνίσταντο καὶ τὸ ξίφος δεχόμενοι παρ´ ἀλλήλων ὤμνυον.
γενομένων δὲ τῶν ὁρκωμοσιῶν μετὰ τοῦτ´ εὐθὺς ἐζήτουν,
τίς ὁ τῆς ἐπιχειρήσεως ἔσται τρόπος. καὶ ὁ
Βροῦτος αὐτοῖς ὑποτίθεται τοιάδε· Πρῶτον μὲν διὰ
φυλακῆς τὰς πύλας ἔχωμεν, ἵνα μηδὲν τῶν ἐν τῇ πόλει
λεγομένων τε καὶ πραττομένων κατὰ τῆς τυραννίδος
αἴσθηται Ταρκύνιος, πρὶν ἢ τὰ παρ´ ἡμῶν εὐτρεπῆ
γενέσθαι. ἔπειτα κομίσαντες τὸ σῶμα τῆς γυναικὸς
ὡς ἔστιν αἵματι πεφυρμένον εἰς τὴν ἀγορὰν καὶ προθέντες
ἐν φανερῷ συγκαλῶμεν τὸν δῆμον εἰς ἐκκλησίαν.
ὅταν δὲ συνέλθῃ καὶ πλήθουσαν ἴδωμεν τὴν
ἀγοράν, προελθὼν Λουκρήτιός τε καὶ Κολλατῖνος ἀποδυράσθωσαν
τὰς ἑαυτῶν τύχας ἅπαντα τὰ γενόμενα
φράσαντες. ἔπειτα τῶν ἄλλων ἕκαστος παριὼν κατηγορείτω
τῆς τυραννίδος καὶ τοὺς πολίτας ἐπὶ τὴν ἐλευθερίαν
παρακαλείτω. ἔσται δὲ πᾶσι Ῥωμαίοις κατ´
εὐχήν, ἐὰν ἴδωσιν ἡμᾶς τοὺς πατρικίους ἄρχοντας τῆς
ἐλευθερίας· πολλὰ γὰρ καὶ δεινὰ πεπόνθασιν ὑπὸ τοῦ
τυράννου καὶ μικρᾶς ἀφορμῆς δέονται. ὅταν δὲ λάβωμεν
τὸ πλῆθος ὡρμημένον καταλῦσαι τὴν μοναρχίαν
ψῆφόν τ´ αὐτοῖς ἀναδῶμεν ὑπὲρ τοῦ μηκέτι Ῥωμαίων
Ταρκύνιον ἄρξειν καὶ τὸ περὶ τούτων δόγμα πρὸς
τοὺς ἐπὶ στρατοπέδου διαπεμψώμεθα ἐν τάχει. καὶ γὰρ
οἱ τὰ ὅπλα ἔχοντες, εἰ μάθοιεν, ὅτι τὰ ἐν τῇ πόλει
πάντα τοῖς τυράννοις ἐστὶν ἀλλότρια, πρόθυμοι περὶ
τὴν τῆς πατρίδος ἐλευθερίαν γενήσονται οὔτε δωρεαῖς
ἔτι κατεχόμενοι ὡς πρότερον οὔτε τὰς ὕβρεις τῶν Ταρκυνίου
παίδων τε καὶ κολάκων φέρειν δυνάμενοι.
Ταῦτα λέξαντος αὐτοῦ παραλαβὼν τὸν λόγον Οὐαλέριος,
Τὰ μὲν ἄλλα, ἔφησεν, ὀρθῶς ἐπιλογίζεσθαί μοι
δοκεῖς, Ἰούνιε· περὶ δὲ τῆς ἐκκλησίας ἔτι βούλομαι
μαθεῖν, τίς ὁ καλέσων ἔσται αὐτὴν κατὰ νόμους καὶ
τὴν ψῆφον ἀναδώσων ταῖς φράτραις. ἄρχοντι γὰρ
ἀποδέδοται τοῦτο πράττειν· ἡμῶν δ´ οὐδεὶς οὐδεμίαν
ἀρχὴν ἔχει. Ὁ δ´ ὑπολαβών· Ἐγώ, φησίν, ὦ Οὐαλέριε.
τῶν γὰρ Κελερίων ἄρχων εἰμί, καὶ ἀποδέδοταί μοι
κατὰ νόμους ἐκκλησίαν, ὅτε βουλοίμην, συγκαλεῖν.
ἔδωκε δέ μοι τὴν ἀρχὴν ταύτην ὁ τύραννος μεγίστην
οὖσαν ὡς ἠλιθίῳ καὶ οὔτ´ εἰσομένῳ τὴν δύναμιν αὐτῆς
οὔτ´, εἰ γνοίην, χρησομένῳ· καὶ τὸν κατὰ τοῦ τυράννου
λόγον πρῶτος ἐγὼ διαθήσομαι.
| [4,71] Ce discours fini,
il oblige tous les autres à faire le même serment. Ceux-ci ne balancent
plus sur le parti qu'ils ont à prendre. Ils le lèvent, et recevant le poignard
de main en main ils jurent une fidélité inviolable, ensuite on délibère sur
les moyens d'exécuter l'entreprise.
XVIII. BRUTUS est encore le premier à parler ; il ouvre son avis en ces termes,
« La première chose qu'il faut faire, leur dit-il, c'est de mettre des
gardes aux portes de la ville, afin que Tarquin ne puisse rien savoir de ce
qui s'y passe avant que nous ayons bien concerté toutes les mesures
nécessaires. Quand nous aurons pris cette précaution, portons dans la
place publique le corps de Lucrèce tout ensanglanté, {exposons-le à la
vue de tous les citoyens ; assemblons le peuple; et quand la place sera
toute pleine de monde,} que Lucrétius et Collatinus paraissent au milieu
de l'assemblée pour déplorer leur malheur et pour faire le récit de nos
tragiques aventures. Bientôt après nous fendrons le public, et nous
montrant tous l'un après l'autre, nous déclamerons contre la tyrannie, et
nous exhorterons les citoyens à prendre les armes pour défendre leur
liberté opprimée. Tous les Romains seront ravis de voir que les patriciens
sont les premiers à lever l'étendard. Après une infinité de mauvais
traitements que Tarquin leur a fait souffrir, il ne faut que la moindre
occasion; et le plus léger prétexte pour exciter un soulèvement général.
Quand une fois nous verrons le peuple bien disposé à abolir la monarchie,
nous lui donnerons plein pouvoir de détrôner Tarquin, nous recueillerons
les suffrages, et nous dépêcherons promptement un exprès pour porter
l'ordonnance au camp devant Ardée. Les troupes qui ont les armes à la
main apprendront avec joie le soulèvement général de toute la ville contre
les tyrans. Elles profiteront de l'occasion pour rendre la liberté à leur
patrie, et seconderont nos efforts. Les largesses de Tarquin ne seront
plus un appât suffisant pour les retenir dans l'esclavage. Ennuyées
qu'elles sont d'en porter le joug, elles ne pourront souffrir plus longtemps
les insultes des fils du Tyran, et de ceux qui les flattent dans leurs excès
et dans l'abus qu'ils font de leur autorité »
XIX. BRUTUS ayant fini son discours, Valerius lui parla en ces termes
« Je ne crois pas, Junius, qu'on puisse mieux raisonner quant au
fond, et l'avis que vous nous donnez me paraît bien concerté. Une seule
difficulté m'arrête, je vous prie d'y répondre. Qui est-ce qui assemblera
légitimement le peuple, ou qui accordera aux curies le droit de donner leur
suffrages ? C'est l'office d'un homme en charge, et il n'y a personne parmi
nous qui soit revêtu d'aucune magistrature. »
XX. « CE sera moi-même, répartit Brutus. Je suis commandant des
Celeres, et cette dignité me met en droit selon les lois de convoquer une
assemblée quand je voudrai. Tarquin m'a donné une charge de cette
importance, parce que me prenant pour un hébété il a cru que je n'en
connaitrais pas les pouvoirs, ou que je n'oserais en faire usage quand
même ils me seraient connus. Je serai aussi le premier à invectiver contre
le tyran. »
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