[4,70] Τότε δ´ ὡς ἤκουσε τοῦ Οὐαλερίου τὰ συμβάντα
τῇ Λουκρητίᾳ καὶ τὴν ἀναίρεσιν αὐτῆς διηγουμένου
τὰς χεῖρας ἀνατείνας εἰς τὸν οὐρανὸν εἶπεν·
Ὦ Ζεῦ καὶ θεοὶ πάντες, ὅσοι τὸν ἀνθρώπινον ἐπισκοπεῖτε
βίον, ἆρά γ´ ὁ καιρὸς ἐκεῖνος ἥκει νῦν, ὃν ἐγὼ
περιμένων ταύτην τοῦ βίου τὴν προσποίησιν ἐφύλαττον;
ἆρα πέπρωται Ῥωμαίοις ὑπ´ ἐμοῦ καὶ δι´ ἐμὲ τῆς
ἀφορήτου τυραννίδος ἀπαλλαγῆναι; ταῦτ´ εἰπὼν ἐχώρει
κατὰ σπουδὴν ἐπὶ τὴν οἰκίαν ἅμα τῷ Κολλατίνῳ τε
καὶ Οὐαλερίῳ. ὡς δ´ εἰσῆλθεν ὁ μὲν Κολλατῖνος ἰδὼν
τὴν Λουκρητίαν ἐν τῷ μέσῳ κειμένην καὶ τὸν πατέρα
περικείμενον αὐτῇ μέγα ἀνοιμώξας καὶ περιλαβὼν τὴν
νεκρὰν κατεφίλει καὶ ἀνεκαλεῖτο καὶ διελέγετο πρὸς
αὐτὴν ὥσπερ ζῶσαν ἔξω τοῦ φρονεῖν γεγονὼς ὑπὸ
τοῦ κακοῦ. πολλὰ δ´ αὐτοῦ κατολοφυρομένου καὶ τοῦ
πατρὸς ἐν μέρει καὶ τῆς οἰκίας ὅλης κλαυθμῷ καὶ
θρήνοις κατεχομένης βλέψας εἰς αὐτοὺς ὁ Βροῦτος
λέγει· Μυρίους ἕξετε καιρούς, ὦ Λουκρήτιε καὶ Κολλατῖνε
καὶ πάντες ὑμεῖς οἱ τῇ γυναικὶ προσήκοντες,
ἐν οἷς αὐτὴν κλαύσετε, νυνὶ δ´ ὡς τιμωρήσομεν αὐτῇ,
σκοπῶμεν· τοῦτο γὰρ ὁ παρὼν καιρὸς ἀπαιτεῖ. Ἐδόκει
ταῦτ´ εἰκότα λέγειν, καὶ καθεζόμενοι καθ´ ἑαυτοὺς τόν
τ´ οἰκετικὸν καὶ θητικὸν ὄχλον ἐκποδῶν μεταστήσαντες
ἐβουλεύοντο, τί χρὴ πράττειν. πρῶτος δ´ ὁ Βροῦτος
ἀρξάμενος ὑπὲρ ἑαυτοῦ λέγειν, ὅτι τὴν δοκοῦσαν τοῖς
πολλοῖς μωρίαν οὐκ εἶχεν ἀληθινήν, ἀλλ´ ἐπίθετον,
καὶ τὰς αἰτίας εἰπών, δι´ ἃς τὸ προσποίημα τοῦθ´
ὑπέμεινε, καὶ δόξας ἁπάντων ἀνθρώπων εἶναι φρονιμώτατος,
μετὰ τοῦτ´ ἔπειθεν αὐτοὺς τὴν αὐτὴν γνώμην
ἅπαντας λαβόντας ἐξελάσαι Ταρκύνιόν τε καὶ τοὺς παῖδας
ἐκ τῆς πόλεως, πολλὰ καὶ ἐπαγωγὰ εἰς τοῦτο διαλεχθείς.
ἐπεὶ δὲ πάντας εἶδεν ἐπὶ τῆς αὐτῆς γνώμης
ὄντας οὐ λόγων ἔφη δεῖν οὐδ´ ὑποσχέσεων, ἀλλ´ ἔργων,
εἴ τι τῶν δεόντων μέλλει γενήσεσθαι· ἄρξειν δὲ τούτων
αὐτὸς ἔφη. Ταῦτ´ εἰπὼν καὶ λαβὼν τὸ ξιφίδιον,
ᾧ διεχρήσατο ἑαυτὴν ἡ γυνή, καὶ τῷ πτώματι προσελθὼν
αὐτῆς· ἔτι γὰρ ἔκειτο ἐν φανερῷ θέαμα οἴκτιστον·
ὤμοσε τόν τ´ Ἄρη καὶ τοὺς ἄλλους θεοὺς πᾶν ὅσον
δύναται πράξειν ἐπὶ καταλύσει τῆς Ταρκυνίων δυναστείας,
καὶ οὔτ´ αὐτὸς διαλλαγήσεσθαι πρὸς τοὺς τυράννους
οὔτε τοῖς διαλλαττομένοις ἐπιτρέψειν, ἀλλ´
ἐχθρὸν ἡγήσεσθαι τὸν μὴ ταὐτὰ βουλόμενον καὶ μέχρι
θανάτου τῇ τυραννίδι καὶ τοῖς συναγωνιζομένοις αὐτῇ
διεχθρεύσειν. εἰ δὲ παραβαίη τὸν ὅρκον τοιαύτην
αὑτῷ τελευτὴν ἠράσατο τοῦ βίου γενέσθαι καὶ τοῖς
αὑτοῦ παισίν, οἵας ἔτυχεν ἡ γυνή.
| [4,70] XVI. AUSSITOT qu'il eut appris de Valerius la triste aventure et la
mort de Lucrèce, levant les mains au ciel :
« Jupiter, s'écria-t-il, et vous tous les dieux qui prenez quelque soin
de la vie des hommes, est-il venu, ce temps si désiré, cet heureux
moment que j'ai tant attendu en faisant le personnage d'un fou ? Les
destins portent-ils que ce soit par mes mains que le peuple Romain
secoue le joug de cette tyrannie sous laquelle il gémit depuis tant d'années ? »
Il parle de la sorte et s'en va en diligence avec Valerius et Collatinus
à la maison du père de Lucrèce. Ils entrent, et le premier objet qui se
présente aux yeux de Collatinus, c'est le corps de sa femme étendu sans
vie au milieu de la chambre, et son père qui la tient entre les bras. A la
vue de ce triste spectacle se lamente, il l'embrasse, il l'appelle par son
nom, il lui parle comme si elle était encore vivante ; tant la violence de la
douleur lui avait troublé l'esprit. Pendant qu'il s'abandonne ainsi à son
désespoir, que son beau-père et toute la famille fondent en larmes et font
retentir l'air de leurs tristes accents, Brutus les regarde et leur adressant
la parole
« Lucrétius, leur dit-il, et vous Collatinus, vous aurez le temps
en mille autres occasions pour pleurer la mort de cette femme. Trêve
donc à vos larmes, et songeons maintenant à la venger ; c'est de quoi il s'agit. »
Cet avis leur parut donné á propos. Ils éloignent tous leurs
domestiques et tiennent conseil entre eux sur ce qu'ils doivent faire.
Brutus parle le premier. Il leur dit que la folie qu'on avait remarquée en lui
jusqu'à ce jour et qu'on avait crue réelle, n'était qu'une folie feinte. Il leur
explique les raisons qu'il avait eues de contrefaire l'insensé, et après leur
avoir fait voir qu'il s'était comporté comme le plus sage et le plus prudent
de tous les hommes, il les exhorte par un discours pathétique à se réunir
tous dans la même résolution de chasser de Rome Tarquin et ses enfants.
XVII. LES voyant tous bien disposés et dans les mêmes sentiments,
il ajoute qu'il ne s'agit plus de paroles ni de promesses, mais que s'ils
veulent faire leur devoir en gens de cœur, il faut en venir à l'exécution, et
que pour lui il s'engage à commencer l'entreprise pour leur donner
l'exemple. Ayant ainsi parlé, il prend le poignard dont Lucrèce s'est
percée, il s'approche de son corps encore étendu au milieu de la
chambre, triste spectacle pour tous ses parents, il lui applique le poignard
sur la bouche, il jure par Mars et par les autres dieux, qu'à quelque prix
que ce puisse être il délivrera la ville Rome de la tyrannie de Tarquin, que
jamais il ne se réconciliera avec les tyrans, que quiconque le voudra faire
il le regardera comme ennemi et n'oubliera rien pour traverser ses
desseins ; qu'enfin il s'opposera jusqu'au dernier soupir à la tyrannie et à
ceux qui la favorisent. A ces serments il ajoute les imprécations, et
conjure les dieux de le faire mourir lui et ses enfants d'une mort aussi
tragique que celle de Lucrèce, si jamais il devient parjure.
|