[4,67] Ταχείᾳ δὲ καὶ κατεσπουδασμένῃ παρακλήσει
τῶν ἐπιφανεστάτων ἀνδρῶν εἰς τὴν οἰκίαν συνελθόντων
ὥσπερ ἠξίου, λέγει πρὸς αὐτοὺς ἅπαν τὸ πρᾶγμα
ἐξ ἀρχῆς ἀναλαβοῦσα. καὶ μετὰ τοῦτ´ ἀσπασαμένη τὸν
πατέρα καὶ πολλὰς λιτανείας ἐκείνου τε καὶ τῶν σὺν
αὐτῷ παρόντων ποιησαμένη θεοῖς τε καὶ δαίμοσιν
εὐξαμένη ταχεῖαν αὐτῇ δοῦναι τὴν ἀπαλλαγὴν τοῦ βίου
σπᾶται τὸ ξιφίδιον, ὃ κατέκρυπτεν ὑπὸ τοῖς πέπλοις,
καὶ μίαν ἐνέγκασα διὰ τῶν στέρνων πληγὴν ἕως τῆς
καρδίας ὠθεῖ {τὸ ξίφος.} κραυγῆς δὲ καὶ θρήνου καὶ
τυπετοῦ γυναικείου τὴν οἰκίαν ὅλην κατασχόντος ὁ
μὲν πατὴρ περιχυθεὶς τῷ σώματι περιέβαλλε καὶ ἀνεκαλεῖτο
καὶ ὡς ἀνοίσουσαν ἐκ τοῦ τραύματος ἐτημελεῖτο,
ἡ δ´ ἐν ταῖς ἀγκάλαις αὐτοῦ σπαίρουσα καὶ
ψυχορραγοῦσα ἀποθνήσκει. τοῖς δὲ παροῦσι Ῥωμαίων
οὕτω δεινὸν ἔδοξεν εἶναι καὶ ἐλεεινὸν τὸ πάθος, ὥστε
μίαν ἁπάντων γενέσθαι φωνήν, ὡς μυριάκις αὐτοῖς
κρεῖττον εἴη τεθνάναι περὶ τῆς ἐλευθερίας ἢ τοιαύτας
ὕβρεις ὑπὸ τῶν τυράννων γενομένας περιορᾶν. ἦν δέ
τις ἐν αὐτοῖς Πόπλιος Οὐαλέριος ἑνὸς τῶν ἅμα Τατίῳ
παραγενομένων εἰς Ῥώμην Σαβίνων ἀπόγονος, δραστήριος
ἀνὴρ καὶ φρόνιμος. οὗτος ἐπὶ στρατόπεδον
ὑπ´ αὐτῶν πέμπεται τῷ τ´ ἀνδρὶ τῆς Λουκρητίας τὰ
συμβεβηκότα φράσων καὶ σὺν ἐκείνῳ πράξων ἀπόστασιν
τοῦ στρατιωτικοῦ πλήθους ἀπὸ τῶν τυράννων. ἄρτι
δ´ αὐτῷ τὰς πύλας ἐξεληλυθότι συναντᾷ κατὰ δαίμονα
παραγινόμενος εἰς τὴν πόλιν ὁ Κολλατῖνος ἀπὸ στρατοπέδου,
τῶν κατεσχηκότων τὴν οἰκίαν αὐτοῦ κακῶν
οὐδὲν εἰδὼς καὶ σὺν αὐτῷ Λεύκιος Ἰούνιος, ᾧ Βροῦτος
ἐπωνύμιον ἦν· εἴη δ´ ἂν ἐξερμηνευόμενος ὁ Βροῦτος
εἰς τὴν Ἑλληνικὴν διάλεκτον ἠλίθιος· ὑπὲρ οὗ
μικρὰ προειπεῖν ἀναγκαῖον, ἐπειδὴ τοῦτον ἀποφαίνουσι
Ῥωμαῖοι τῆς καταλύσεως τῶν τυράννων αἰτιώτατον γενέσθαι,
τίς τ´ ἦν καὶ ἀπὸ τίνων καὶ διὰ τί τῆς ἐπωνυμίας
ταύτης ἔτυχεν οὐδὲν αὐτῷ προσηκούσης.
| [4,67] Peu de temps après, un grand nombre de citoyens de la première
distinction s'assemblent chez Lucrétius avec toute la diligence qu'elle
demandait, et elle leur raconta dès le commencement toute l'histoire de
son infortune.
IX. APRES ce récit, Lucrèce embrasse tendrement son père, elle le
conjure lui et toute l'assemblée de s'armer pour venger l'affront, elle prie
les dieux et les génies de la délivrer au plutôt d'une vie pleine d'opprobre,
et tirant le poignard qu'elle avait caché sous sa robe elle s'en donne un
coup dans la poitrine et le plonge jusqu'au cœur. Aussitôt les femmes
éplorées poussent des gémissements, on n'entend que des sanglots par
toute la maison, l'air retentit de leurs hurlements épouvantables. Son père
cependant la tient entre ses bras, il l'embrasse étroitement, il l'appelle par
son nom, il s'empresse, il s'efforce de la faire revenir de sa blessure :
mais tous ses soins sont inutiles ; Lucrèce palpitant dans les
embrassements de son père, expire enfin après une pénible agonie.
X. TOUS les Romains qui étaient témoins de cette mort tragique, en
furent si touchés qu'ils s'écrièrent d'une commune voix qu'il fallait plutôt
mourir mille fois pour la défense de la liberté, que de souffrir de pareils
affronts de la part des tyrans sans s'en venger. Il y avait parmi eux un
certain Publius Valerius; il descendait d'un Sabin qui vint autrefois à
Rome avec Tatius. Comme c'était un homme d'expédition et d'une rare
prudence, on l'envoya au camp pour informer le mari de Lucrèce de tout
ce qui était arrivé et pour ménager avec lui un soulèvement général de
toute l'armée contre les tyrans.
XI. VALERIUS était à peine sorti de la ville, lorsqu'il rencontra
heureusement Collatinus, qui par hasard revenait du camp sans rien
savoir des malheurs de sa maison. Lucius Junius, surnommé Brutus, était
avec lui. Le surnom de Brutus que portait celui-ci, signifie en notre langue
un fou, un stupide. Mais avant que de passer outre, puisque les Romains
le regardent comme leur premier libérateur et comme celui qui a le plus
contribué à détrôner les tyrans, parlons de son origine, disons qui il était
et pourquoi on lui donna ce surnom de Brutus qui convenait si peu à son
caractère.
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