[4,66] Ἡμέρας δὲ γενομένης ὁ μὲν ἐπὶ τὸ στρατόπεδον
ἀπῄει πονηρὰν καὶ ὀλέθριον ἐπιθυμίαν ἐκπεπληρωκώς,
ἡ δὲ Λουκρητία δεινῶς φέρουσα τὸ συμβεβηκὸς
ὡς εἶχε τάχους ἐπιβᾶσα τῆς ἀπήνης εἰς Ῥώμην
ᾤχετο, μέλαιναν ἐσθῆτα περιβαλομένη καὶ ξιφίδιόν τι
κρύπτουσα ὑπὸ τῇ στολῇ, οὔτε προσαγορεύουσα κατὰ
τὰς συναντήσεις οὐδένα τῶν ἀσπαζομένων οὔτ´ ἀποκρινομένη
τοῖς μαθεῖν βουλομένοις, ὅ τι πέπονθεν, ἀλλὰ
σύννους καὶ κατηφὴς καὶ μεστοὺς ἔχουσα τοὺς ὀφθαλμοὺς
δακρύων. ὡς δ´ εἰς τὴν οἰκίαν εἰσῆλθε τοῦ πατρός·
ἔτυχον δὲ συγγενεῖς ὄντες τινὲς παρ´ αὐτῷ· τῶν γονάτων
αὐτοῦ λαβομένη καὶ περιπεσοῦσα τέως μὲν ἔκλαιε
φωνὴν οὐδεμίαν προϊεμένη, ἔπειτ´ ἀνιστάντος αὐτὴν
τοῦ πατρὸς καὶ τί πέπονθεν ἀξιοῦντος λέγειν· Ἱκέτις
ἔφη γίνομαί σου πάτερ δεινὴν καὶ ἀνήκεστον ὑπομείνασα
ὕβριν, τιμωρῆσαί μοι καὶ μὴ περιιδεῖν τὴν σεαυτοῦ
θυγατέρα θανάτου χείρονα παθοῦσαν. Θαυμάσαντος
δ´ αὐτοῦ καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων καὶ τίς ὕβρικεν
αὐτὴν καὶ ποδαπὴν ὕβριν ἀξιοῦντος λέγειν· Ἀκούσῃ
τὰς ἐμάς, ἔφη, συμφοράς, ὦ πάτερ, οὐκ εἰς μακράν·
χάρισαι δέ μοι ταύτην πρῶτον αἰτουμένῃ τὴν χάριν·
κάλεσον ὅσους δύνασαι πλείστους φίλους τε καὶ συγγενεῖς,
ἵνα παρ´ ἐμοῦ τῆς τὰ δεινὰ παθούσης ἀκούσωσι
καὶ μὴ παρ´ ἑτέρων. ὅταν δὲ μάθῃς τὰς κατασχούσας
αἰσχρὰς καὶ δεινὰς ἀνάγκας, βούλευσαι μετ´
αὐτῶν, ὅντινα τιμωρήσεις ἐμοί τε καὶ σεαυτῷ τρόπον
καὶ μὴ πολὺν ποίει χρόνον τὸν διὰ μέσου.
| [4,66] VII. DES qu'il fut jour, Sextus retourna au camp après avoir assouvi
sa passion brutale qui devait causer sa perte. Cependant Lucrèce outrée
de l'affront qui venait de lui arriver, monte promptement sur un char, et
revêtue d'un habit noir sous lequel elle avait caché un poignard, elle s'en
va à Rome plongée dans la douleur ; elle baisse les yeux et répand des
torrents de larmes, elle ne salue pas même ceux qu'elle rencontre, elle ne
parle à personne, et si quelqu'un lui demande le sujet de sa tristesse elle
ne lui répond pas un mot.
VIII. LUCRECE arrive à la maison de son père, où par hasard il y
avait alors quelques-uns de ses parents. Elle entre, elle se jette à ses
pieds, elle embrasse ses genoux et les arrose de ses larmes, mais sans
dire une seule parole. Lucrétius la relève, il lui demande ce qui lui est
arrivé, il la presse, il la conjure d'expliquer la cause de sa douleur.
« Mon père, lui dit-elle, je me jette à vos pieds, et vous supplie de
venger le cruel affront que j'ai reçu. Faites-moi justice de cet opprobre, et
ne laissez pas impuni l'outrage qu'on a fait à votre fille ; outrage plus
honteux et plus insupportable que la mort même. »
Lucrétius étonné de ce langage qui ne frappa pas moins ceux qui
étaient présents, lui demande quel est cet affront, qui en est l'auteur.
« Mon père, dit Lucrèce, dans un moment je vous apprendrai mon
malheur. Mais auparavant, accordez moi, mon cher père, une grâce que
je vous demande. Faites venir le plus grand nombre que vous pourrez de
nos parents et de nos amis, afin qu'ils apprennent de moi-même, et non
par d'autres, le funeste accident qui m'est arrivé. Quand je vous aurai
instruits de mon infortune, de la nécessité où je me trouve et de l'injure
insupportable qui m'a été faite, cherchez ensemble, je vous en conjure,
les moyens de venger un affront qui rejaillit sur vous tous. »
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