[4,29] καὶ ἐπειδὴ παρεγένετο, μεταστῆναι κελεύσασα
τοὺς ἔνδον, ἵνα μόνη διαλεχθείη πρὸς μόνον,
Ἆρ´, ἔφησεν, ὦ Ταρκύνιε, μετὰ παρρησίας ἔξεστί μοι
καὶ ἀκινδύνως ἅπαντα εἰπεῖν, ὅσα φρονῶ περὶ τῶν
κοινῇ συμφερόντων, καὶ καθέξεις οὓς ἂν ἀκούσῃς λόγους;
ἢ σιωπᾶν ἄμεινόν ἐστί μοι καὶ μὴ φέρειν εἰς μέσον
βουλὰς ἀπορρήτους; κελεύσαντος δὲ τοῦ Ταρκυνίου
λέγειν, ὅ τι βούλεται, καὶ περὶ τοῦ καθέξειν ἐν ἑαυτῷ
τοὺς λόγους πίστεις ἐπιθέντος δι´ ὅρκων, οὓς ἐκείνη
προῃρεῖτο, οὐδὲν ἔτι αἰσχυνθεῖσα λέγει πρὸς αὐτόν·
Μέχρι τίνος, ὦ Ταρκύνιε, τῆς βασιλείας ἀποστερούμενος
ἀνέχεσθαι διανοῇ; πότερον ἐκ ταπεινῶν καὶ ἀσήμων
ἔφυς προγόνων καὶ διὰ τοῦτ´ οὐκ ἀξιοῖς ἐπὶ
σεαυτῷ μέγα φρονεῖν; ἀλλὰ πάντες ἴσασιν, ὅτι τοῖς
μὲν ἀρχαίοις ὑμῶν προγόνοις Ἕλλησιν οὖσι καὶ ἀφ´
Ἡρακλέους γεγονόσι τῆς εὐδαίμονος ἄρξαι Κορίνθου
τὴν αὐτοκράτορα ὑπῆρξεν ἀρχὴν ἐπὶ πολλάς, ὡς ἀκούω,
γενεάς· τῷ δὲ πάππῳ σου Ταρκυνίῳ μεταθεμένῳ τὴν
οἴκησιν ἐκ Τυρρηνῶν ταύτης βασιλεῦσαι τῆς πόλεως
ἐξεγένετο δι´ ἀρετήν· οὗ σὺ κληρονομεῖν οὐ μόνον
τῶν χρημάτων, ἀλλὰ καὶ τῆς βασιλείας ὀφείλεις πρεσβύτερος
υἱωνὸς ὤν. ἢ σώματος οὐκ ἔτυχες ἱκανοῦ
πράττειν, ὅσα βασιλεῖ προσῆκε, δι´ ἀσθένειάν τε καὶ
ἀμορφίαν; ἀλλὰ σοί γε καὶ ῥώμη πάρεστιν, οἵα τοῖς
κράτιστα πεφυκόσι, καὶ μορφὴ τοῦ βασιλείου γένους
ἀξία. ἢ τούτων μὲν οὐδέτερον, ἡ δ´ ἀσθενὴς ἔτι καὶ
πολὺ ἀπέχουσα τοῦ φρονεῖν τὰ προσήκοντα νεότης
μεθέλκει σε, δι´ ἣν οὐκ ἀξιοῖς τὰ πολιτικὰ πράττειν,
ὃς οὐ πολλοῖς ἀποδεῖς ἔτεσι πεντηκονταέτης εἶναι;
κράτιστα δ´ ἄνθρωποι πεφύκασι φρονεῖν οἱ περὶ ταύτην
μάλιστα γενόμενοι τὴν ἡλικίαν. φέρε, ἀλλ´ ἡ τοῦ
κατέχοντος τὰ πράγματα εὐγένεια καὶ ἡ πρὸς τοὺς
κρατίστους τῶν πολιτῶν ἐπιτηδειότης, δι´ ἣν οὐκ εὐεπιχείρητός
ἐστιν, ἀνέχεσθαί σε ἀναγκάζει; ἀλλὰ καὶ
ταῦτ´ ἀμφότερα κακῶς ἔχοντα αὐτῷ τυγχάνει καὶ οὐδὲ
αὐτὸς αὐτά γε ἀγνοεῖς. καὶ μὴν ἥ γε τόλμα καὶ τὸ
φιλοκίνδυνον ἔνεστί σου τοῖς τρόποις, ὧν μάλιστα τῷ
βασιλεύειν μέλλοντι δεῖ. ὑπάρχει δέ σοι καὶ πλοῦτος
ἱκανὸς καὶ φίλοι πολλοὶ καὶ ἄλλαι πρὸς τὰ πράγματ´
ἀφορμαὶ πολλαὶ καὶ μεγάλαι. τί οὖν ἔτι μέλλεις καὶ
τὸν αὐτόματον ἐκδέχῃ καιρόν, ὃς ἥξει σοι φέρων τὴν
βασιλείαν μηδὲν εἰς τοῦτο πραγματευσαμένῳ, μετὰ τὴν
τοῦ Τυλλίου δήπου τελευτήν; ὥσπερ ἀναμενούσης τῆς
τύχης τὰς ἀνθρωπίνας μελλήσεις, ἢ τῆς φύσεως ἡμῶν
τὰς καθ´ ἡλικίαν ἑκάστῳ τελευτὰς φερούσης, ἀλλ´ οὐκ
ἐν ἀδήλῳ καὶ δυστεκμάρτῳ τέλει πάντων τῶν ἀνθρωπίνων
πραγμάτων κειμένων. ἐρῶ δὴ μετὰ παρρησίας,
καὶ εἴ με φήσεις θρασεῖαν, τὸ δοκοῦν αἴτιον εἶναί
μοι τοῦ μηδεμιᾶς ὀρέγεσθαί σε μήτε φιλοτιμίας μήτε
δόξης. γυνή σοι σύνεστι μηδὲν ἐοικυῖα τοῖς σοῖς τρόποις,
ἥ σε κηλοῦσα καὶ κατᾴδουσα μαλθακὸν ἀποδέδωκε,
καὶ λήσεις ὑπ´ αὐτῆς γενόμενος ἐξ ἀνδρὸς τὸ
μηδέν· ὥσπερ γε κἀμοὶ ψοφοδεὴς καὶ οὐδὲν ἔχων
ἀνδρὸς ἀνήρ, ὅς με ταπεινὴν ποιεῖ μεγάλων οὖσαν
ἀξίαν καὶ καλὴν τὸ σῶμα, μαρανθεῖσαν δ´ ὑπ´ αὐτοῦ.
εἰ δ´ ἐξεγένετο σοί τε λαβεῖν ἐμὲ γυναῖκα κἀμὲ σοῦ
τυχεῖν ἀνδρός, οὐκ ἂν ἐν ἰδιώτῃ βίῳ τοσοῦτον διεζήσαμεν
χρόνον. τί οὖν οὐκ ἐπανορθούμεθα τὸ τῆς
τύχης ἐλάττωμα ἡμεῖς μεταθέμενοι τοὺς γάμους, καὶ
σὺ μὲν ἀπαλλάττεις τοῦ βίου τὴν σαυτοῦ γυναῖκα,
ἐγὼ δὲ ταὐτὸ διαθήσομαι τὸν ἐμὸν ἄνδρα; ὅταν δὲ
τούτων διαχειρισθέντων συνέλθωμεν εἰς ταὐτό, ἀσφαλῶς
ἤδη τὰ λοιπὰ βουλεύσομεν, ἐκποδῶν πεποιημένοι
τὰ λυποῦντα ἡμᾶς. καὶ γὰρ ἐὰν τἆλλα τις ἀδικεῖν
ὀκνῇ, βασιλείας γε χάριν οὐ νέμεσις ἅπαντα τολμᾶν.
| [4,29] Sitôt qu'il fut arrivé, ayant fait retirer tout le monde pour conférer en
secret avec lui : Tarquin, lui dit-elle, puis-je sans rien craindre vous parler
confidemment d'une affaire qui ne vous sera pas moins avantageuse qu'à
moi-même ? Garderez-vous le secret sur ce que je vous dirai, ou vaut-il
mieux que je me taise que de vous communiquer un projet qui doit
demeurer caché?»
Tarquin répondit qu'elle ne risquait rien de lui faire part de ses
pensées, et s'engagea par tous les serments qu'elle exigeait à ne rien dire
de tout ce qu'elle lui aurait confié. Alors cette femme dénaturée mit bas
toute pudeur et lui tint ce langage.
IV. JUSQU'A quand, Tarquin, voulez-vous vous voir dépouillé de la
royauté ? Etes-vous donc d'une si basse extraction et descendez-vous
d'aïeux si méprisables que vous n'osiez avoir des sentiments plus élevés ?
Tout le monde sait néanmoins que vos ancêtres originairement Grecs et
issus du sang du fameux Hercule, ont régné dans la florissante ville de
Corinthe et même pendant plusieurs siècles, à ce que j'appends. Tarquin
votre grand père, qui sortit de la Tyrrhénie pour s'établir à Rome, mérita
par son courage de monter sur le trône des Romains. Vous êtes l'aîné de
ses petits-fils, et en cette qualité ses biens et sa couronne vous
appartiennent. Avez-vous donc quelque défaut de corps qui vous
empêche de soutenir l'éclat de la royauté ? Manquez-vous de forces pour
en remplir les devoirs ? Votre vigueur répond, votre naissance, votre air
majestueux et votre taille avantageuse font assez voir que le sang des
rois coule dans vos veines. Si ce ne sont pas ces motifs qui vous font
abandonner les justes prétentions que vous avez à l'empire, est-ce donc
le défaut de prudence, ou la faiblesse de votre âge peu avancé, qui vous
éloignent du gouvernement ? Mais n'avez-vous pas bien près de
cinquante ans, et n'est-ce pas à cet âge que l'on doit avoir toute la
prudence et toute la maturité requises pour l'administration de la
république ? Quoi donc, serait-ce l'illustre naissance de celui que nous
voyons régner aujourd'hui, qui vous obligerait à demeurer tranquille
pendant que cet usurpateur est sur le trône ? A-t-il tellement le cœur des
grands que leur attachement à ses intérêts le mette à couvert de tout?
Non sans doute : il n'a point à se flatter ni de la noblesse de son
extraction ni de l'affection des principaux citoyens, et il le fait bien lui
même. Pour vous vous êtes hardi et d'un naturel à affronter les périls,
qualités les plus nécessaires à un prince qui doit régner. Vous pouvez tout
entreprendre avec les grandes richesses, le nombre d'amis et les
occasions qui concourent à l'envi à favoriser les nobles projets que je
vous propose. Pourquoi donc différez-vous encore ? Faut-il que le temps
vous mette lui-même sur le trône, sans que vous ayez fait la moindre
démarche pour y monter ? Attendez-vous que la mort de Tullius vous en
ouvre le chemin comme si la mort attendait l'ordre de la nature ou de
l'âge pour trancher le fil de nos jours ? Une longue expérience ne nous
apprend-elle pas, que toutes les choses humaines sont incertaines et
au-dessus de nos conjectures, et pouvez-vous vous flatter que la fortune
entre dans vos ménagements?
V. MAIS je vois ce qui étouffe en vous tout sentiment d'ambition, je
vois ce qui vous empêche d'aspirer à la gloire: et quand je devrais passer
dans votre esprit pour téméraire, il faut que je vous ouvre mon cœur.
Vous avez une femme d'un génie tout-à-fait contraire au vôtre. C'est-elle
qui vous a amolli le courage par les caresses et par les enchantements, et
si vous n'y prenez garde, d'homme de cœur que vous êtes, elle vous
rendra efféminé sans que vous vous en aperceviez. Pour moi, j'ai un mari
timide qui n'a rien de l'homme et qui s'épouvante de la moindre chose. Il
me fait languir dans la bassesse et dans l'obscurité, moi qui mérite une
meilleure destinée et par ma beauté et par l'éclat de ma naissance. O si
j'avais eu le bonheur de vous épouser et que la fortune m'eût donné un
mari comme vous, nous n'aurions pas mené si longtemps une vie privée.
Mais que ne corrigeons-nous cette méprise de la fortune ? A quoi tient-il
que nous ne rompions nos premiers liens pour chercher une condition
plus sortable. Que ne vous délivrez-vous de votre femme par une mort
prompte ? Pour moi je ne manquerais pas de me défaire aussi de mon
mari. Quand nous nous serions une fois débarrassés de l'un et de l'autre,
et que le mariage nous aurait réunis, après avoir éloigné tous les
obstacles nous prendrions en toute sûreté les mesures nécessaires pour
l'exécution de notre grande entreprise. Le crime doit effrayer en toute
autre occasion quand il s'agit de monter sur le trône il faut tout oser.
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