[4,11] Οὐκέτι μοι περὶ τῶν Ταρκυνίου παίδων μόνον
ὁ κίνδυνός ἐστιν, ἵνα μηδὲν ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν δεινὸν
πάθωσιν, ἀλλ´ ἤδη καὶ περὶ τῆς ἐμῆς ψυχῆς δέος
εἰσέρχεται, μὴ πικρὰς ἀμοιβὰς τῆς δικαιοσύνης ἀπολάβω.
ἐπιβουλεύομαι γὰρ ὑπὸ τῶν πατρικίων, καὶ μεμήνυνταί
μοι τινὲς ἐξ αὐτῶν ἀποκτεῖναί με συνομνύμενοι
ἀδίκημα μὲν οὐδὲν οὔτε μεῖζον οὔτ´ ἔλαττον
ἔχοντες ἐγκαλεῖν, ὧν δὲ τὸν δῆμον εὖ πεποίηκα καὶ
παρεσκεύασμαι ποιεῖν ἀχθόμενοί τε καὶ ἀναξιοπαθοῦντες·
οἱ δανεισταὶ μὲν ὅτι τοὺς πένητας ὑμῶν οὐκ
εἴασα τὴν ἐλευθερίαν ἀφαιρεθῆναι πρὸς τὰ χρέα ὑπ´
αὐτῶν ἀχθέντας· οἱ δὲ κατανοσφιζόμενοι τὰ δημόσια
καὶ κατέχοντες, ἣν ὑμεῖς δι´ αἵματος ἐκτήσασθε γῆν
ἐκλιπεῖν ἀναγκαζόμενοι, ὥσπερ τὰ πατρῷα ἀποστερούμενοι
καὶ οὐ τἀλλότρια ἀποδιδόντες· οἱ δ´ ἀνειμένοι
τῶν εἰσφορῶν τῶν εἰς τοὺς πολέμους, εἰ τιμήσασθαι
τοὺς βίους ἀναγκασθήσονται καὶ ἀπὸ τῶν τιμημάτων
τὰς εἰσφορὰς συνεισφέρειν· κοινῇ δὲ σύμπαντες, ὅτι
κατὰ νόμους γεγραμμένους ἐθισθήσονται ζῆν τὰ δίκαια
ἐξ ἴσου διδόντες ὑμῖν καὶ λαμβάνοντες, ἀλλ´ οὐχ ὥσπερ
ἀργυρωνήτοις παραχρήσονται τοῖς πένησιν, ὃ ποιοῦσι
νῦν. καὶ ταῦτα δὴ τὰ ἐγκλήματα συνενέγκαντες εἰς
τὸ κοινὸν βεβούλευνταί τε καὶ συνομωμόκασι κατάγειν
τοὺς φυγάδας καὶ τοῖς Μαρκίου παισὶ τὴν βασιλείαν
ἀποδιδόναι, οὓς ὑμεῖς Ταρκύνιον ἀποκτείναντας τὸν
βασιλέα ὑμῶν ἄνδρα χρηστὸν καὶ φιλόπολιν καὶ τηλικοῦτο
διαπραξαμένους ἄγος τάς τε δίκας ἐρήμους ἐκλιπόντας
καὶ φυγῆς ἑαυτοῖς τιμησαμένους πυρὸς καὶ
ὕδατος εἴργειν ἐψηφίσασθε· ἔμελλόν τ´, εἰ μὴ θᾶττον
ἐμοὶ περὶ τούτων ἐγένετο μήνυσις, ξενικὴν δύναμιν
ἐπαγόμενοι νυκτὸς ἔτι πολλὴν κατάγειν εἰς τὴν πόλιν
τοὺς φυγάδας. τὰ μετὰ ταῦτα πάντες ἴστε δήπου, κἂν
ἐγὼ μὴ λέγω, ὅτι Μάρκιοι συλλαμβανόντων αὐτοῖς
τῶν πατρικίων κατασχόντες τὰ πράγματα δίχα πόνου,
πρῶτον μὲν ἐμὲ τὸν φύλακα τῶν βασιλέων καὶ τὰς
κατ´ αὐτῶν ἐπιτελεσάμενον δίκας ἔμελλον ἀναρπάσεσθαι,
ἔπειτα ταυτὶ τὰ παιδία καὶ τοὺς ἄλλους συγγενεῖς
τε καὶ φίλους Ταρκυνίου πάντας ἀρεῖσθαι· γυναῖκας
δ´ ἡμῶν καὶ μητέρας καὶ θυγατέρας καὶ πᾶν τὸ
θῆλυ γένος ἐν ἀνδραπόδων ποιήσασθαι λόγῳ, πολὺ
τὸ θηριῶδες ἔχοντες ἐν τῇ φύσει καὶ τυραννικόν. εἰ
μὲν οὖν καὶ ὑμῖν ταῦτα βουλομένοις ἐστίν, ὦ δημόται,
τοὺς μὲν ἀνδροφόνους κατάγειν καὶ βασιλεῖς ἀποδεικνύναι,
τοὺς δὲ τῶν εὐεργετῶν παῖδας ἐξελαύνειν καὶ
τὴν ὑπὸ τοῦ πάππου καταλειφθεῖσαν ἀρχὴν ἀφαιρεῖσθαι,
στέρξομεν τὴν τύχην. ἀλλὰ πρὸς ἁπάντων θεῶν
τε καὶ δαιμόνων, ὅσοι τὸν ἀνθρώπινον ἐποπτεύουσι
βίον, ἱκέται πάντες ὑμῶν γινόμενοι σὺν γυναιξί τε
καὶ τέκνοις ἀντὶ πολλῶν μέν, ὧν Ταρκύνιος ὁ τῶν
παιδίων πάππος εὖ ποιῶν ὑμᾶς διετέλεσεν, ἀντὶ πολλῶν
δέ, ὧν αὐτὸς ἐγὼ κατὰ τὴν ἐμαυτοῦ δύναμιν
ἐγενόμην ὑμῖν χρήσιμος, ἀξιοῦμεν ὑμᾶς μίαν ἡμῖν
δοῦναι ταύτην δωρεάν, φανερὰν ποιῆσαι τὴν ὑμῶν
αὐτῶν γνώμην. εἰ γὰρ ἑτέρους τινὰς ἀξιονικοτέρους
ἡμῶν ὑπειλήφατε εἶναι ταύτης τῆς τιμῆς τυγχάνειν,
τὰ μὲν παιδία οἰχήσεται τὴν πόλιν ὑμῖν καταλιπόντα
καὶ ἡ ἄλλη Ταρκυνίου συγγένεια· ἐγὼ δ´ ἕτερόν τι
βουλεύσομαι γενναιότερον ὑπὲρ ἐμαυτοῦ· βεβίωται γὰρ
ἤδη μοι καὶ πρὸς ἀρετὴν καὶ πρὸς εὐδοξίαν ἀποχρώντως
καὶ οὐκ ἂν ἀξιώσαιμι τῆς παρ´ ὑμῶν εὐνοίας
ψευσθείς, ἣν ἀντὶ παντὸς εἱλόμην ἀγαθοῦ, ζῆν αἰσχρῶς
ἐν ἄλλοις τισί. παραλάβετε δὴ τὰς ῥάβδους καὶ δότε,
εἰ βούλεσθε, τοῖς πατρικίοις· ἐγὼ δ´ ὑμῖν οὐκ ἐνοχλήσω παρών.
| [4,11] X. « ROMAINS, ce n'est pas aux petits-fils de Tarquin qu'on en veut,
et il ne s'agit pas seulement de détourner le péril qui les menace. J'ai sujet
moi-même de craindre pour ma {vie}, et je cours risque d'être opprimé
par mes ennemis parce que j'ai fait paraitre un zélé ardent pour la justice.
Les patriciens me tendent des pièges, il me revient de toutes parts que
quelques uns d'eux ont conjuré ma perte. Ce n'est pas qu'ils aient sujet de
se plaindre que je leur aie jamais fait aucun tort : mais ils sont irrités contre
moi parce que j'ai rendu quelques services au peuple et que je me
prépare à lui en rendre encore de plus important ; voilà ce qui les tient.
Les usuriers me font un crime de ce que j'empêche qu'ils ne dépouillent
les pauvres de leur liberté et qu'ils ne vous mettent dans les fers comme
de vils esclaves. Ceux, ci se plaignent que je leur enlevé leur patrimoine,
parce que je les oblige à restituer les terres du public qui vous
appartiennent à juste titre, puisque vous les avez acquises au prix de
votre sang. Ceux-là, qui jusqu'aujourd'hui {se sont exemptés de
contribuer aux frais de la guerre}, ne peuvent le résoudre à rendre le bien
d'autrui, et parce que le dénombrement que je veux faire les obligerait à
contribuer à proportion de leurs revenus, ils cherchent l'occasion de
décharger sur moi toute leur rage. Enfin ce qui les alarme tous, c'est que
je les mets dans la nécessité de vivre avec vous dans une parfaite égalité
selon les lois écrites, et que dépouillés de leurs prétendus droits ils ne
pourront plus à l'avenir traiter les pauvres en esclaves comme ils sont
{présentement}.
XI. CE sont là les sujets de mécontentement qui les aigrissent contre
moi. Voilà pourquoi ils se liguent ensemble dans le dessein de rappeler
les exilés et de mettre sur le trône les fils de Marcius, ces indignes
parricides de votre bon roi qui avait tant de zèle pour le bien de la
république, ces cruels assassins à qui vous avez interdit le feu et l'eau, et
qui en refusant de comparaitre à votre tribunal s'étaient déjà condamnés
eux-mêmes à un bannissement perpétuel pour le crime énorme qu'ils
avaient commis. Si l'on ne m'avait pas informé à temps de leurs entreprises
impies, avec une escorte de troupes étrangères ils devaient pendant la
nuit faire rentrer les exilés dans la ville. Vous pouvez juger vous-mêmes
ce qui en serait arrivé ; il n'est pas besoin de vous le dire. Devenus les
maîtres par le secours des patriciens, ils se seraient d'abord saisis de
moi, j'aurais été la première victime de leur vengeance, parce que je les ai
fait punir de leurs crimes et que je me suis déclaré tuteur des jeunes rois.
Après avoir déchargé sur moi tous les traits de leur fureur ils auraient
égorgé ces deux enfants avec tout ce qui reste de la famille et des amis
de Tarquin, nos femmes, nos mères, nos filles et toutes les personnes du
sexe auraient subi le joug d'une honteuse servitude ; en un mot rien
n'aurait échappé à la tyrannie de ces meurtriers.
XII. AINSI, Romains, si vous êtes dans la résolution de chasser les
enfants de vos bienfaiteurs et de leur enlever la couronne que leur aïeul
leur a laissée: si vous avez dessein de rappeler les assassins de votre roi
pour les mettre sur le trône, nous nous résolvons à tout. Mais accordez,
nous au moins une seule grâce au nom de tous les dieux et génies qui
prennent quelque soin de la vie des hommes et qui veillent sur leur
conduite. Nous vous en conjurons tous avec nos femmes et nos enfants.
Nous vous la demandons en mémoire des bienfaits dont Tarquin le grand,
père de ces jeunes princes vous a comblés, et en considération de
plusieurs avantages que j'ai voulu vous procurer autant qu'il était en moi.
Cette unique grâce que nous vous demandons avec tant
d'empressement, c'est de nous déclarer votre volonté. Si vous trouvez
quelqu'un qui ait plus de mérite que nous et qui soit plus digne de la
royauté, ces enfants avec tous les autres parents de Tarquin sont prêts à
quitter la ville de Rome. Pour moi je prendrai quel qu'autre parti {plus
généreux}. J'ai déjà assez vécu pour la gloire et pour la vertu, et si j'avais
le malheur de perdre votre amitié que j'estime plus que toute chose au
monde, je ne pourrais jamais me résoudre à trainer honteusement une vie
malheureuse dans une terre étrangère. Reprenez, donc les faisceaux,
donnez-les aux patriciens si c'est votre bon plaisir : ma présence ne vous
sera plus à charge. »
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