[80] Ἔτι τοίνυν τοιοῦτό τι μέλλειν αὐτὸν ἀκούω λέγειν, ὅτι θαυμάζει τί
δήποτε Δημοσθένης αὐτοῦ κατηγορεῖ, Φωκέων δ' οὐδείς. Ὡς δὴ τοῦτ' ἔχει,
βέλτιον προακοῦσαι παρ' ἐμοῦ. Φωκέων τῶν ἐκπεπτωκότων οἱ μὲν οἶμαι
βέλτιστοι καὶ μετριώτατοι φυγάδες γεγενημένοι καὶ τοιαῦτα πεπονθότες
ἡσυχίαν ἄγουσι, καὶ οὐδεὶς ἂν αὐτῶν ἐθελήσειεν ὑπὲρ τῶν κοινῶν συμφορῶν
ἰδίαν ἔχθραν ἀνελέσθαι· οἱ δ' ὁτιοῦν ἂν ἀργυρίου ποιήσαντες τὸν δώσοντ'
οὐκ ἔχουσιν αὑτοῖς. (81) Οὐ γὰρ ἔγωγ' ἂν ἔδωκ' οὐδενὶ οὐδὲν ὥστε μοι
παραστάντας ἐνταυθὶ βοᾶν οἷα πεπόνθασιν· ἡ γὰρ ἀλήθεια καὶ τὰ πεπραγμέν'
αὐτὰ βοᾷ. Ἀλλὰ μὴν ὅ γε δῆμος ὁ τῶν Φωκέων οὕτω κακῶς καὶ ἐλεινῶς
διάκειται ὥστε μὴ περὶ τοῦ κατηγορεῖν ἑκάστῳ τὰς Ἀθήνησιν εὐθύνας εἶναι
τὸν λόγον, ἀλλὰ δουλεύειν καὶ τεθνάναι τῷ φόβῳ Θηβαίους καὶ τοὺς Φιλίππου
ξένους, οὓς ἀναγκάζονται τρέφειν, διῳκισμένοι κατὰ κώμας καὶ παρῃρημένοι
τὰ ὅπλα. (82) Μὴ δὴ ταῦτα λέγειν αὐτὸν ἐᾶτε, ἀλλ' ὡς οὐκ ἀπολώλασι Φωκεῖς
δεικνύναι, ἢ ὡς οὐχ ὑπέσχετο σώσειν αὐτοὺς Φίλιππον. Τοῦτο γάρ εἰσι
πρεσβείας εὔθυναι, τί πέπρακται; Τί ἀπήγγειλας; Εἰ μὲν ἀληθῆ, σῴζου· εἰ δὲ
ψευδῆ, δίκην δός. Εἰ δὲ μὴ πάρεισι Φωκεῖς, τί τοῦτο; Οὕτω γὰρ διέθηκας
αὐτούς, οἶμαι, τὸ μέρος σύ, ὥστε μήτε τοῖς φίλοις βοηθεῖν μήτε τοὺς
ἐχθροὺς ἀμύνεσθαι δύνασθαι.
(83) Καὶ μὴν ὅτι χωρὶς τῆς ἄλλης αἰσχύνης καὶ ἀδοξίας, ἣν τὰ πεπραγμέν'
ἔχει, καὶ μεγάλοι κίνδυνοι περιεστᾶσιν ἐκ τούτων τὴν πόλιν, ῥᾴδιον δεῖξαι.
Τίς γὰρ οὐκ οἶδεν ὑμῶν ὅτι τῷ Φωκέων πολέμῳ καὶ τῷ κυρίους εἶναι Πυλῶν
Φωκέας ἥ τ' ἀπὸ Θηβαίων ἄδει' ὑπῆρχεν ἡμῖν, καὶ τὸ μηδέποτ' ἐλθεῖν ἂν εἰς
Πελοπόννησον μηδ' εἰς Εὔβοιαν μηδ' εἰς τὴν Ἀττικὴν Φίλιππον (μηδὲ
Θηβαίους); (84) Ταύτην μέντοι τὴν ἀπὸ τοῦ τόπου καὶ τῶν πραγμάτων αὐτῶν
ἀσφάλειαν ὑπάρχουσαν τῇ πόλει ταῖς τούτων ἀπάταις καὶ ψευδολογίαις
πεισθέντες προήκασθ' ὑμεῖς, καὶ τετειχισμένην ὅπλοις καὶ πολέμῳ συνεχεῖ
καὶ πόλεσιν μεγάλαις συμμάχων ἀνδρῶν καὶ χώρᾳ πολλῇ περιείδετ'
ἀνασταθεῖσαν. Καὶ ματαία μὲν ἡ πρότερον βοήθει' εἰς Πύλας ὑμῖν γέγονεν, ἣν
μετὰ πλειόνων ἢ διακοσίων ταλάντων ἐποιήσασθε, ἂν λογίσησθε τὰς ἰδίας
δαπάνας τὰς τῶν στρατευσαμένων, μάταιαι δὲ καὶ αἱ κατὰ Θηβαίων ἐλπίδες.
(85) Ὃ δέ, πολλῶν ὄντων καὶ δεινῶν ὧν οὗτος ὑπηρέτηκε Φιλίππῳ, πλείστην
ὕβριν ὡς ἀληθῶς ἔχει κατὰ τῆς πόλεως καὶ ἁπάντων ὑμῶν, τοῦτ' ἀκούσατέ μου,
ὅτι τοῖς Θηβαίοις ἐγνωκότος ἐξ ἀρχῆς τοῦ Φιλίππου πάνθ' ἃ πεποίηκε ποιεῖν,
οὗτος ἀπαγγείλας τἀναντία καὶ φανεροὺς ἐπιδείξας ὑμᾶς οὐχὶ βουλομένους,
ὑμῖν μὲν τὴν ἔχθραν τὴν πρὸς Θηβαίους μείζω, Φιλίππῳ δὲ τὴν χάριν
πεποίηκεν. Πῶς ἂν οὖν ὑβριστικώτερον ἄνθρωπος ὑμῖν ἐχρήσατο;
(86) Λέγε δὴ τὸ ψήφισμα λαβὼν τὸ τοῦ Διοφάντου καὶ τὸ τοῦ Καλλισθένους,
ἵν' εἰδῆθ' ὅτι, ὅτε μὲν τὰ δέοντ' ἐποιεῖτε, θυσιῶν καὶ ἐπαίνων ἠξιοῦσθε
παρ' ὑμῖν αὐτοῖς καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις, ἐπειδὴ δ' ὑπὸ τούτων παρεκρούσθητε,
παῖδας καὶ γυναῖκας ἐκ τῶν ἀγρῶν κατεκομίζεσθε καὶ τὰ Ἡράκλει' ἐντὸς
τείχους θύειν ἐψηφίζεσθε, εἰρήνης οὔσης. Ὃ καὶ θαυμάζω, εἰ τὸν μηδὲ τοὺς
θεούς, καθ' ὃ πάτριον ἦν, τιμᾶσθαι ποιήσαντα, τοῦτον ἀτιμώρητον ἀφήσετε.
Λέγε τὸ ψήφισμα.
Ψήφισμα.
Ταῦτα μὲν τότ' ἄξι', ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, τῶν πεπραγμένων ἐψηφίσασθε. Λέγε
δὴ τὰ μετὰ ταῦτα.
Ψήφισμα.
(87) Ταῦτα τότ' ἐψηφίζεσθ' ὑμεῖς διὰ τούτους, οὐκ ἐπὶ ταύταις ταῖς ἐλπίσιν
οὔτε κατ' ἀρχὰς ποιησάμενοι τὴν εἰρήνην καὶ τὴν συμμαχίαν, οὔθ' ὕστερον
ἐγγράψαι πεισθέντες αὐτὴν « καὶ τοῖς ἐγγόνοις, » ἀλλ' ὡς θαυμάσι' ἡλίκα
πεισόμενοι διὰ τούτους ἀγαθά. Καὶ μὴν καὶ μετὰ ταῦθ' ὁσάκις πρὸς Πορθμῷ ἢ
πρὸς Μεγάροις ἀκούοντες δύναμιν Φιλίππου καὶ ξένους ἐθορυβεῖσθε, πάντες
ἐπίστασθε. Οὐ τοίνυν εἰ μήπω τῆς Ἀττικῆς ἐπιβαίνει, δεῖ σκοπεῖν οὐδὲ
ῥᾳθυμεῖν, ἀλλ' εἰ διὰ τούτους ἐξουσία γέγονεν αὐτῷ τοῦθ' ὅταν βούληται
ποιῆσαι, τοῦθ' ὁρᾶν, καὶ πρὸς ἐκεῖνο τὸ δεινὸν βλέπειν, καὶ τὸν αἴτιον καὶ
παρασκευάσαντα τὴν ἐξουσίαν ταύτην ἐκείνῳ μισεῖν καὶ τιμωρεῖσθαι.
(88) Οἶδα τοίνυν ὅτι τοὺς μὲν ὑπὲρ τῶν κατηγορημένων αὐτῶν λόγους Αἰσχίνης
φεύξεται, βουλόμενος δ' ὑμᾶς ὡς πορρωτάτω τῶν πεπραγμένων ἀπάγειν
διέξεισιν ἡλίκα πᾶσιν ἀνθρώποις ἀγάθ' ἐκ τῆς εἰρήνης γίγνεται καὶ
τοὐναντίον ἐκ τοῦ πολέμου κακά, καὶ ὅλως ἐγκώμι' εἰρήνης ἐρεῖ, καὶ τοιαῦτ'
ἀπολογήσεται. Ἔστι δὲ καὶ ταῦτα κατηγορήματα τούτου. Εἰ γὰρ ἡ τοῖς ἄλλοις
ἀγαθῶν αἰτία τοσούτων πραγμάτων καὶ ταραχῆς ἡμῖν αἰτία γέγονε, τί τις
εἶναι τοῦτο φῇ πλὴν ὅτι δῶρα λαβόντες οὗτοι καλὸν πρᾶγμα φύσει κακῶς
διέθηκαν; (89) « Τί δ'; Οὐ τριήρεις τριακόσιαι καὶ σκεύη ταύταις καὶ
χρήμαθ' ὑμῖν περίεστι καὶ περιέσται διὰ τὴν εἰρήνην; » Ἴσως ἂν εἴποι. Πρὸς
δὴ ταῦτ' ἐκεῖν' ὑμᾶς ὑπολαμβάνειν δεῖ, ὅτι καὶ τὰ Φιλίππου πράγματ' ἐκ τῆς
εἰρήνης γέγονεν εὐπορώτερα πολλῷ, καὶ κατασκευαῖς ὅπλων καὶ χώρας καὶ
προσόδων αἳ γεγόνασιν ἐκείνῳ μεγάλαι.
| [80] J'apprends encore qu'Eschine doit dire : Je suis étonné que
Démosthène m'accuse, quand la Phocide entière se tait. Il est bon de vous
en dire d'avance la raison. Parmi les Phocidiens expatriés, les uns (ce
sont les plus sages et les plus modérés) supportent en silence leur exil
et leurs douleurs; et pas un ne voudrait, pour venger le commun malheur,
affronter des haines personnelles ; les autres, prêts à tout faire pour de
l'argent, ne trouvent point qui leur en donne. (81) Pour moi, je ne
donnerais rien à aucun d'eux pour venir près de moi faire retentir ce lieu
du récit de leurs maux : les faits, trop véritables, retentissent
d'eux-mêmes. Quant à la population restante, sa misère est si déplorable
qu'aucun habitant ne peut même songer à se porter accusateur dans une
enquête contre des Athéniens. Distribués en bourgades, dépouillés de leurs
armes, asservis, ils meurent d'effroi sous la main des Thébains et du
mercenaire de Philippe, qu'ils sont forcés de nourrir. (82) Ne laissez
donc pas Eschine parler ainsi : mais qu'il démontre, on que les Phocidiens
n'ont pas été ruinés, ou qu'il n'a pas promis que Philippe les sauverait.
Oui, voici, sur l'ambassade, l'enquête tout entière : Qu'est- il arrivé?
qu'as-tu annoncé? Rapporteur véridique, sois absous; imposteur, sois puni.
Les Phocidiens ne se présentent pas : que conclure de là, sinon que tu les
as réduits, pour ta part, à ne pouvoir pas plus repousser leurs ennemis
que soutenir leurs amis?
(83) Mais il y a, dans cet événement, plus que de la honte, plus que du
déshonneur : il enveloppe Athènes de périls dont l'existence est facile à
prouver. Qui de vous ignore que les Phocidiens, par leur guerre, par la
pleine possession des Thermopyles, nous mettaient à couvert des Thébains,
et leur fermaient, ainsi qu'à Philippe, l'entrée du Péloponnèse, de
l'Eubée et de l'Attique? (84) Eh bien ! cette sécurité que la position des
lieux, que des hostilités même procuraient à la République, vous l'avez
sacrifiée aux déceptions et aux mensonges de ces traîtres ; ce rempart que
levaient autour de vous des armées nombreuses, une guerre continuelle, les
villes puissantes d'un peuple allié, de vastes contrées, vous l'avez
laissé abattre. Vainement avez-vous envoyé aux Thermopyles un premier
secours qui coûta plus de deux cents talents, si l'on compte les dépenses
personnelles; vainement aussi avez-vous espéré l'humiliation des Thébains.
(85) Parmi tant de criminels services que rendait Eschine à son
patron, voici le plus insultant pour la République et pour vous tous.
Philippe avait, des le principe, résolu de favoriser les Thébains dans
toutes ses opérations : en vous rapportant le contraire, en produisant au
grand jour votre aversion pour eux, l'accusé a fortifié leur haine contre
vous et leur attachement au monarque. Or pouvait-il, cet homme, vous
jouer plus insolemment?
(86) Prends et lis le décret de Diophante et celui de Callisthène. —
Vous allez le reconnaître, Athéniens : quand vous faisiez votre devoir, on
vous célébrait par des louanges, par des sacrifices, et dans vos murs et
chez les autres Hellènes; mais, lorsque des perfides vous eurent égarés,
il fallut retirer de la campagne les enfants et les femmes, il fallut, en
pleine paix, décréter que les fêtes d'Hercule seraient solennisées dans la
ville. Ah! ma surprise sera grande si vous ne punissez point celui
qui ne vous a pas même laissé honorer les Dieux, selon les rites de vos
ancêtres. — Lis.
Lecture du Décret de Diophante.
Tel fut alors, ô Athéniens ! votre décret : il était digne de vous. —
Poursuis.
Lecture du Décret de Callisthène.
(87) Voilà ce que, plus tard, ces hommes vous forçaient de statuer. Ah !
ce n'était pas dans cet espoir que vous aviez d'abord conclu la paix et
l'alliance, et qu'ensuite vous les étendîtes, par séduction, à vos
descendants : c'est parce que vous deviez en recueillir, par les mains des
députés, des avantages prodigieux. Cependant vous savez tous quel
bouleversement causa plus tard, parmi vous, chaque nouvelle de l'arrivée
de Philippe, avec son armée et ses étrangers soldés, près de Porthmos,
près de Mégare. Il ne foule pas encore le sol de l'Attique : mais il n'y a
là ni matière à examen, ni motif de sécurité. Peut-il, grâce à vos
députés, y entrer quand il voudra? voilà ce qu'il faut considérer, voilà
le péril qui doit fixer vos regards, et appeler sur son auteur, sur
l'intrigant qui a ménagé à Philippe un tel avantage, votre haine et votre
vengeance.
(88) Eschine, je le sais, évitera de répondre à mes accusations, et, pour
vous entraîner le plus loin possible des faits, il parcourra et tous les
avantages que la paix procure aux peuples, et tous les maux que la guerre
enfante ; pour toute justification, en un mot, il fera l'éloge de la paix.
Mais cet éloge même le condamne; car, si la paix, source de bonheur pour
les autres, est devenue pour nous la cause de tant de troubles et
d'embarras, que conclure de là? que, gagnés par des présents, ces hommes
ont vicié le bien même dans son essence. (89) Mais quoi! dira-t-il
peut-être, la paix ne vous laisse et ne vous assure- t-elle pas trois
cents trirèmes avec leurs agrès, et de l'argent dans le Trésor? A cela il
répondra que cette même paix a élevé Philippe bien plus haut, en
augmentant beaucoup, et ses munitions, et ses domaines, et ses finances.
Nous aussi, nous avons gagné, dans un sens : mais la force qui naît du
succès et des alliés, la force, instrument de succès nouveaux chez tous
les peuples, et pour eux-mêmes et pour de puissants amis, vendue chez nous
par les députés, elle s'est épuisée, elle s'est anéantie, tandis que celle
du prince, grandit et inspire la terreur.
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