[6] Πρόσεχε σεαυτῷ· νηφάλιος ἔσο,
βουλευτικός, τῶν παρόντων φύλαξ, προνοητικὸς τοῦ μέλλοντος. Μὴ τὸ μὲν
ἤδη παρὸν διὰ ῥᾳθυμίας προΐεσο· τῶν δὲ μήτε ὄντων, μήτε ἐσομένων τυχόν,
ὡς ἐν χερσὶν ὄντων, τὴν ἀπόλαυσιν ὑποτίθεσο. Ἢ οὐχὶ φύσει ὑπάρχει τὸ
ἀρρώστημα τοῦτο τοῖς νέοις, κουφότητι γνώμης ἔχειν ἤδη νομίζειν τὰ
ἐλπισθέντα; Ὅταν γάρ ποτε ἠρεμίας λάβωνται, ἢ ἡσυχίας νυκτερινῆς,
ἀναπλάττουσιν ἑαυτοῖς φαντασίας ἀνυποστάτους, τῇ εὐκολίᾳ τῆς διανοίας
ἐπὶ πάντα φερόμενοι, ὑποτιθέμενοι περιφανείας βίου, γάμους λαμπρούς,
εὐπαιδίαν, γῆρας βαθύ, τὰς παρὰ πάντων τιμάς. Εἶτα μηδαμοῦ στῆναι τῶν
ἐλπίδων δυνάμενοι, πρὸς τὰ μέγιστα τῶν ἐν ἀνθρώποις ὑπερφυσῶνται.
Οἴκους κτῶνται καλοὺς καὶ μεγάλους· πληρώσαντες τούτους παντοδαπῶν
(p. 31) κειμηλίων, γῆν περιβάλλονται, ὅσην ἂν αὐτοῖς ἡ ματαιότης τῶν λογισμῶν
τῆς ὅλης κτίσεως ἀποτέμηται. Πάλιν τὰς ἐντεῦθεν εὐπορίας ταῖς τῆς
ματαιότητος ἀποθήκαις ἐναποκλείουσιν. Προστιθέασι τούτοις βοσκήματα,
οἰκετῶν πλῆθος ἀριθμὸν ὑπερβαῖνον, ἀρχὰς πολιτικάς, ἡγεμονίας ἐθνῶν,
στρατηγίας, πολέμους, τρόπαια, βασιλείαν αὐτήν. Ταῦτα πάντα τοῖς διακένοις τῆς
διανοίας ἀναπλασμοῖς ἐπελθόντες, ὑπὸ τῆς ἄγαν ἀνοίας ἀπολαύειν δοκοῦσι
τῶν ἐλπισθέντων ὡς ἤδη παρόντων καὶ ἐν ποσὶ κειμένων αὐτοῖς. Ἴδιον
ἀρρώστημα τοῦτο ἀργῆς καὶ ῥᾳθύμου ψυχῆς, ἐνύπνια βλέπειν ἐγρηγορότος
τοῦ σώματος. Ταύτην τοίνυν τὴν χαυνότητα τῆς διανοίας καὶ τὴν φλεγμονὴν
τῶν λογισμῶν καταπιέζων ὁ λόγος, καὶ οἷον χαλινῷ τινι ἀνακρούων τῆς
διανοίας τὸ ἄστατον, παραγγέλλει τὸ μέγα τοῦτο καὶ σοφὸν παράγγελμα·
Σεαυτῷ, φησί, πρόσεχε, μὴ ὑποτιθέμενος τὰ ἀνύπαρκτα, ἀλλὰ τὰ παρόντα
πρὸς τὸ συμφέρον διατιθέμενος.
| [6] Prenez garde à vous, ayez de la circonspection et de la prudence; conservez le
présent, prévoyez l'avenir. N'abandonnez point, par lâcheté, ce que vous avez entre
les mains, et ne vous repaissez point d'espérances chimériques qui, peut-être, ne se
réaliseront jamais. C’est la faiblesse des jeunes gens : la légèreté de leur esprit leur
persuade qu’ils possèdent déjà ce qu’ils espèrent. Dans la solitude et le sommeil, ils se
forgent mille visions qui les abusent; leur imagination mobile leur représente mille
choses à la fois. Ils se promettent une vie célèbre, d’illustres mariages, une brillante
famille, une vieillesse heureuse, des honneurs qui viennent de tous côtés. Ils ne s'en
tiennent pas là leurs espérances vont plus loin, et leur esprit exalté s'élève à ce qu’il y
a de plus grand parmi les hommes. Ils se bâtissent des maisons superbes qu’ils
remplissent de biens et de richesses : ils prennent sur tout le globe autant de terrain
que leur en donne la vanité de leurs pensées : ils en renferment les récoltes dans des
greniers imaginaires ; ils ajoutent à tout cela de nombreux troupeaux, une foule de
serviteurs, des dignités et des charges, des gouvernements de nations, des
commandements de troupes, des guerres, des trophées, des monarchies et des
empires. Les vaines illusions d'un esprit échauffé leur font parcourir toutes ces
prospérités ; et dans leur folie extrême, ils croient jouir des choses qu'ils espèrent,
comme s'ils les avaient déjà, comme si elles étaient entre leurs mains. C'est le propre
d'un esprit malade et oisif d'avoir des songes étant éveillé. C'est pour arrêter ces
pensées extravagantes, pour réprimer ces écarts de l'imagination, pour modérer ses
saillies, comme avec un frein, que l'Écriture nous donne ce grand et sage précepte :
Prenez garde à vous-même ; au lieu de vous promettre ce que vous n'avez pas,
employez à votre avantage ce que vous avez.
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