[5,1314b] § 11. Πρῶτον μὲν τοῦ δοκεῖν φροντίζειν τῶν κοινῶν, 1314b μήτε δαπανῶντα
δωρεὰς τοιαύτας ἐφ' αἷς τὰ πλήθη χαλεπαίνουσιν, ὅταν ἀπ' αὐτῶν μὲν
λαμβάνωσιν ἐργαζομένων καὶ πονούντων γλίσχρως, διδῶσι δ' ἑταίραις καὶ
ξένοις καὶ τεχνίταις ἀφθόνως, λόγον τε ἀποδιδόντα τῶν λαμβανομένων καὶ
δαπανωμένων, ὅπερ ἤδη πεποιήκασί τινες τῶν τυράννων (οὕτω γὰρ ἄν τις
διοικῶν οἰκονόμος ἀλλ' οὐ τύραννος εἶναι δόξειεν· οὐ δεῖ δὲ φοβεῖσθαι μή
ποτε ἀπορήσῃ χρημάτων κύριος ὢν τῆς πόλεως·
§ 12. ἀλλὰ τοῖς γ' ἐκτοπίζουσι τυράννοις ἀπὸ τῆς οἰκείας καὶ συμφέρει
τοῦτο μᾶλλον ἢ καταλιπεῖν ἀθροίσαντας· ἧττον γὰρ ἂν οἱ φυλάττοντες
ἐπιτιθεῖντο τοῖς πράγμασιν, εἰσὶ δὲ φοβερώτεροι τῶν τυράννων τοῖς
ἀποδημοῦσιν οἱ φυλάττοντες τῶν πολιτῶν· οἱ μὲν γὰρ συναποδημοῦσιν, οἱ δὲ
ὑπομένουσιν)· ἔπειτα τὰς εἰσφορὰς καὶ τὰς λειτουργίας δεῖ φαίνεσθαι τῆς τε
οἰκονομίας ἕνεκα συνάγοντα, κἄν ποτε δεηθῇ χρῆσθαι πρὸς τοὺς πολεμικοὺς
καιρούς, ὅλως τε αὑτὸν παρασκευάζειν φύλακα καὶ ταμίαν ὡς κοινῶν ἀλλὰ μὴ
ὡς ἰδίων·
§ 13. καὶ φαίνεσθαι μὴ χαλεπὸν ἀλλὰ σεμνόν, ἔτι δὲ τοιοῦτον ὥστε μὴ
φοβεῖσθαι τοὺς ἐντυγχάνοντας ἀλλὰ μᾶλλον αἰδεῖσθαι· τούτου μέντοι
τυγχάνειν οὐ ῥᾴδιον ὄντα εὐκαταφρόνητον, διὸ δεῖ κἂν μὴ τῶν ἄλλων ἀρετῶν
ἐπιμέλειαν ποιῆται ἀλλὰ τῆς πολεμικῆς, καὶ δόξαν ἐμποιεῖν περὶ αὑτοῦ
τοιαύτην· ἔτι δὲ μὴ μόνον αὐτὸν φαίνεσθαι μηδένα τῶν ἀρχομένων ὑβρίζοντα,
μήτε νέον μήτε νέαν, ἀλλὰ μηδ' ἄλλον μηδένα τῶν περὶ αὐτόν, ὁμοίως δὲ καὶ
τὰς οἰκείας ἔχειν γυναῖκας πρὸς τὰς ἄλλας, ὡς καὶ διὰ γυναικῶν ὕβρεις
πολλαὶ τυραννίδες ἀπολώλασιν·
§ 14. περί τε τὰς ἀπολαύσεις τὰς σωματικὰς τοὐναντίον ποιεῖν ἢ νῦν τινες
τῶν τυράννων ποιοῦσιν (οὐ γὰρ μόνον εὐθὺς ἕωθεν τοῦτο δρῶσιν, καὶ συνεχῶς
πολλὰς ἡμέρας, ἀλλὰ καὶ φαίνεσθαι τοῖς ἄλλοις βούλονται τοῦτο πράττοντες,
ἵν' ὡς εὐδαίμονας καὶ μακαρίους θαυμάσωσιν), ἀλλὰ μάλιστα μὲν μετριάζειν
τοῖς τοιούτοις, εἰ δὲ μή, τό γε φαίνεσθαι τοῖς ἄλλοις διαφεύγειν (οὔτε γὰρ
εὐεπίθετος οὔτ' εὐκαταφρόνητος ὁ νήφων, ἀλλ' ὁ μεθύων, οὐδ' ὁ ἄγρυπνος,
ἀλλ' ὁ καθεύδων
§ 15. τοὐναντίον τε ποιητέον τῶν πάλαι λεχθέντων σχεδὸν πάντων
(κατασκευάζειν γὰρ δεῖ καὶ κοσμεῖν τὴν πόλιν ὡς ἐπίτροπον ὄντα καὶ μὴ
τύραννον)· ἔτι δὲ τὰ πρὸς τοὺς θεοὺς φαίνεσθαι ἀεὶ σπουδάζοντα διαφερόντως
(ἧττόν τε γὰρ φοβοῦνται τὸ παθεῖν τι παράνομον ὑπὸ τῶν τοιούτων,
| [5,1314b] § 11. D'abord, il paraîtra s'occuper avec sollicitude des intérêts
publics, et il ne se montrera point follement dissipateur de ces riches
offrandes que le peuple a tant de peine à lui faire, et que le maître tire
des fatigues et de la sueur de ses sujets, pour les prodiguer à des
courtisanes, à des étrangers, à des artistes cupides. Le tyran rendra
compte des recettes et des dépenses de l'État, chose que du reste plus
d'un tyran a faite; car il a par là cet avantage de paraître un
administrateur plutôt qu'un despote; il n'a point à redouter d'ailleurs de
jamais manquer de fonds tant qu'il reste maître absolu du gouvernement.
§ 12. S'il vient à voyager loin de sa résidence, il vaut mieux avoir ainsi
placé son argent plutôt que de laisser derrière soi des trésors accumulés;
car alors ceux à la garde de qui il se confie sont moins tentés par ses
richesses. Lorsque le tyran se déplace, il redoute ceux qui le gardent
plus que les autres citoyens : ceux-là le suivent dans sa route, tandis
que ceux-ci restent dans la ville. D'un autre côté, en levant des impôts,
des redevances, il faut qu'il semble n'agir que dans l'intêrêt de
l'administration publique, et seulement pour préparer des ressources en
cas de guerre ; en un mot, il doit paraître le gardien et le trésorier de
la fortune générale et non de sa fortune personnelle.
§ 13. Il ne faut pas que le tyran se montre d'un difficile accès ;
toutefois son abord doit être grave, pour inspirer non la crainte, mais le
respect. La chose est du reste fort délicate; car le tyran est toujours
bien près d'être méprisé; mais, pour provoquer le respect, il doit, même
en faisant peu de cas des autres talents, tenir beaucoup au talent
politique, et se faire à cet égard une réputation inattaquable. De plus,
qu'il se garde bien lui-même, qu'il empêche soigneusement tous ceux qui
l'entourent d'insulter jamais la jeunesse de l'un ou l'autre sexe. Que les
femmes dont il dispose montrent la même réserve avec les autres femmes;
car les querelles féminines ont perdu plus d'une tyrannie.
§ 14. S'il aime le plaisir, qu'il ne s'y livre jamais comme le font
certains tyrans de notre époque, qui, non contents de se plonger dans les
jouissances dès le soleil levé et pendant plusieurs jour de suite, veulent
encore étaler leur licence sous les yeux de tous les citoyens, auxquels
ils prétendent faire admirer ainsi leur bonheur et leur félicité. C'est en
ceci surtout que le tyran doit user de modération; et s'il ne le peut,
qu'il sache au moins se dérober aux regards de la foule. L'homme qu'on
surprend sans peine et qu'on méprise, ce n'est point l'homme tempérant et
sobre, c'est l'homme ivre; ce n'est point celui qui veille, c'est celui qui dort.
§ 15. Le tyran prendra le contre-pied de toutes ces vieilles maximes qu'on
dit à l'usage de la tyrannie. Il faut qu'il embellisse la ville, comme
s'il en était l'administrateur et non le maître. Surtout qu'il affiche
avec le plus grand soin une piété exemplaire. On ne redoute pas autant
l'injustice de la part d'un homme
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