[5,1315a] ἐὰν δεισιδαίμονα νομίζωσιν εἶναι τὸν ἄρχοντα καὶ φροντίζειν τῶν θεῶν,
καὶ ἐπιβουλεύουσιν ἧττον ὡς συμμάχους ἔχοντι καὶ τοὺς θεούς), δεῖ δὲ ἄνευ
ἀβελτερίας φαίνεσθαι τοιοῦτον· τούς τε ἀγαθοὺς περί τι γιγνομένους τινᾶν
οὕτως ὥστε μὴ νομίζειν ἄν ποτε τιμηθῆναι μᾶλλον ὑπὸ τῶν πολιτῶν αὐτονόμων
ὄντων, καὶ τὰς μὲν τοιαύτας τιμὰς ἀπονέμειν αὐτόν, τὰς δὲ κολάσεις δι'
ἑτέρων ἀρχόντων καὶ δικαστηρίων.
§ 16. Κοινὴ δὲ φυλακὴ πάσης μοναρχίας τὸ μηθένα ποιεῖν ἕνα μέγαν, ἀλλ'
εἴπερ, πλείους (τηρήσουσι γὰρ ἀλλήλους), ἐὰν δ' ἄρα τινὰ δέῃ ποιῆσαι
μέγαν, μή τοι τό γε ἦθος θρασύν (ἐπιθετικώτατον γὰρ τὸ τοιοῦτον ἦθος περὶ
πάσας τὰς πράξεις), κἂν τῆς δυνάμεώς τινα δοκῇ παραλύειν, ἐκ προσαγωγῆς
τοῦτο δρᾶν καὶ μὴ πᾶσαν ἀθρόαν ἀφαιρεῖσθαι τὴν ἐξουσίαν.
§ 17. Ἔτι δὲ πάσης μὲν ὕβρεως εἴργεσθαι, παρὰ πάσας δὲ δυεῖν, τῆς τε εἰς
τὰ σώματα κολάσεως καὶ τῆς εἰς τὴν ἡλικίαν. Μάλιστα δὲ ταύτην ποιητέον τὴν
εὐλάβειαν περὶ τοὺς φιλοτίμους· τὴν μὲν γὰρ εἰς τὰ χρήματα ὀλιγωρίαν οἱ
φιλοχρήματοι φέρουσι βαρέως, τὴν δ' εἰς ἀτιμίαν οἵ τε φιλότιμοι καὶ οἱ
ἐπιεικεῖς τῶν ἀνθρώπων. Διόπερ ἢ μὴ χρῆσθαι δεῖ τοῖς τοιούτοις, ἢ τὰς μὲν
κολάσεις πατρικῶς φαίνεσθαι ποιούμενον καὶ μὴ δι' ὀλιγωρίαν, τὰς δὲ πρὸς
τὴν ἡλικίαν ὁμιλίας δι' ἐρωτικὰς αἰτίας ἀλλὰ μὴ δι' ἐξουσίαν, ὅλως δὲ τὰς
δοκούσας ἀτιμίας ἐξωνεῖσθαι μείζοσι τιμαῖς.
§ 18. Τῶν δ' ἐπιχειρούντων ἐπὶ τὴν τοῦ σώματος διαφθορὰν οὗτοι φοβερώτατοι
καὶ δέονται πλείστης φυλακῆς ὅσοι μὴ προαιροῦνται περιποιεῖσθαι τὸ ζῆν
διαφθείραντες. Διὸ μάλιστα εὐλαβεῖσθαι δεῖ τοὺς ὑβρίζεσθαι νομίζοντας ἢ
αὑτοὺς ἢ ὧν κηδόμενοι τυγχάνουσιν· ἀφειδῶς γὰρ ἑαυτῶν ἔχουσιν οἱ διὰ θυμὸν
ἐπιχειροῦντες, καθάπερ καὶ Ἡράκλειτος εἶπε, χαλεπὸν φάσκων εἶναι θυμῷ
μάχεσθαι, ψυχῆς γὰρ ὠνεῖσθαι.
§ 19. Ἐπεὶ δ' αἱ πόλεις ἐκ δύο συνεστήκασι μορίων, ἔκ τε τῶν ἀπόρων
ἀνθρώπων καὶ τῶν εὐπόρων, μάλιστα μὲν ἀμφοτέρους ὑπολαμβάνειν δεῖ σῴζεσθαι
διὰ τὴν ἀρχήν, καὶ τοὺς ἑτέρους ὑπὸ τῶν ἑτέρων ἀδικεῖσθαι μηδέν, ὁπότεροι
δ' ἂν ὦσι κρείττους, τούτους ἰδίους μάλιστα ποιεῖσθαι τῆς ἀρχῆς, ὡς, ἂν
ὑπάρξῃ τοῦτο τοῖς πράγμασιν, οὔτε δούλων ἐλευθέρωσιν ἀνάγκη ποιεῖσθαι τὸν
τύραννον οὔτε ὅπλων παραίρεσιν· ἱκανὸν γὰρ θάτερον μέρος πρὸς τῇ δυνάμει
προστιθέμενον ὥστε κρείττους εἶναι τῶν ἐπιτιθεμένων.
§ 20. Περίεργον δὲ τὸ λέγειν καθ' ἕκαστον τῶν τοιούτων· ὁ γὰρ σκοπὸς φανερός,
| [5,1315a] qu'on croit religieusement livré à tous ses devoirs envers les dieux;
et l'on ose moins conspirer contre lui,
parce qu'on lui suppose le ciel même pour allié. Il faut toutefois que le
tyran se garde de pousser les apparences jusqu'à une ridicule
superstition. Quand un citoyen se distingue par quelque belle action, il
faut le combler de tant d'honneurs qu'il ne pense pas pouvoir en obtenir
davantage d'un peuple indépendant. Le tyran répartira en personne les
récompenses de ce genre, et laissera aux magistrats inférieurs et aux
tribunaux le soin des châtiments.
§ 16. Tout gouvernement monarchique, quel qu'il soit, doit se garder
d'accroître outre mesure la puissance d'un individu ; ou, si la chose est
inévitable, il faut alors prodiguer les mêmes dignités à plusieurs autres;
c'est le moyen de les maintenir mutuellement. S'il faut nécessairement
créer une de ces brillantes fortunes, que le tyran ne s'adresse pas du
moins à un homme audacieux ; car un coeur rempli d'audace est toujours
prêt à tout entreprendre; et s'il faut renverser quelque haute influence,
qu'il y procède par degrés, et qu'il ait soin de ne point détruire d'un
seul coup les fondements sur lesquels elle repose.
§ 17. Que le tyran, en ne se permettant jamais d'outrage d'aucun genre, en
évite deux surtout : c'est de porter la main sur qui que ce soit, et
d'insulter la jeunesse. Cette circonspection est particulièrement
nécessaire à l'égard des coeurs nobles et fiers. Les âmes cupides
souffrent impatiemment qu'on les froisse dans leurs intérêts d'argent;
mais les âmes fières et honnêtes souffrent bien davantage d'une atteinte
portée à leur honneur. De deux choses l'une : ou il faut renoncer à toute
vengeance contre des hommes de ce caractère, ou bien les punitions qu'on
leur inflige doivent sembler toutes paternelles, et non le résultat du
mépris. Si le tyran a quelques relations avec la jeunesse, il faut qu'il
paraisse ne céder qu'à sa passion, et non point abuser de son pouvoir. En
général, dès qu'il peut y avoir apparence de déshonneur, il faut que la
réparation l'emporte de beaucoup sur l'offense.
§ 18. Parmi les ennemis qui en veulent à la personne même du tyran,
ceux-là sont les plus dangereux et les plus à surveiller, qui ne tiennent
point à leur vie pourvu qu'ils aient la sienne. Aussi faut-il se garder
avec la plus grande attention des hommes qui se croient insultés dans leur
personne ou dans celle de gens qui leur sont chers. Quand on conspire par
ressentiment, on ne s'épargne pas soi-même, et ainsi que le dit Héraclite :
« Le ressentiment est bien difficile à combattre, car il met sa vie à l'enjeu ».
§ 19. Comme l'État se compose toujours de deux partis bien distincts, les
pauvres et les riches, il faut persuader aux uns et aux autres qu'ils ne
trouveront de garantie que dans le pouvoir, et prévenir entre eux toute
injustice mutuelle. Mais entre ces deux partis, le plus fort est toujours
celui qu'il faut prendre pour instrument du pouvoir, afin que, dans un cas
extrême, le tyran ne soit pas forcé ou de donner la liberté aux esclaves,
ou d'enlever les armes aux citoyens. Ce parti suffit toujours à lui seul
pour défendre l'autorité, dont il est l'appui, et pour lui assurer le
triomphe contre ceux qui l'attaquent.
§ 20. Du reste, nous croyons qu'il serait inutile d'entrer dans de plus
longs détails.
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