[5,1314a] Καὶ γὰρ διὰ τοῦτο πονηρόφιλον ἡ τυραννίς· κολακευόμενοι γὰρ χαίρουσιν,
τοῦτο δ' οὐδ' ἂν εἷς ποιήσειε φρόνημα ἔχων ἐλεύθερον, ἀλλὰ φιλοῦσιν οἱ ἐπιεικεῖς,
ἢ οὐ κολακεύουσιν. Καὶ χρήσιμοι οἱ πονηροὶ εἰς τὰ πονηρά· ἥλῳ γὰρ ὁ ἧλος, ὥσπερ
ἡ παροιμία.
§ 7. Καὶ τὸ μηδενὶ χαίρειν σεμνῷ μηδ' ἐλευθέρῳ τυραννικόν (αὑτὸν γὰρ εἶναι
μόνον ἀξιοῖ τοιοῦτον ὁ τύραννος, ὁ δ' ἀντισεμνυνόμενος καὶ ἐλευθεριάζων
ἀφαιρεῖται τὴν ὑπεροχὴν καὶ τὸ δεσποτικὸν τῆς τυραννίδος· μισοῦσιν οὖν
ὥσπερ καταλύοντας τὴν ἀρχήν)· καὶ τὸ χρῆσθαι συσσίτοις καὶ συνημερευταῖς
ξενικοῖς μᾶλλον ἢ πολιτικοῖς τυραννικόν, ὡς τοὺς μὲν πολεμίους τοὺς δ' οὐκ
ἀντιποιουμένουσταῦτα καὶ τὰ τοιαῦτα τυραννικὰ μὲν καὶ σωτήρια τῆς ἀρχῆς,
οὐθὲν δ' ἐλλείπει μοχθηρίας. Ἔστι δ' ὡς εἰπεῖν πάντα ταῦτα περιειλημμένα
τρισὶν εἴδεσιν.
§ 8. Στοχάζεται γὰρ ἡ τυραννὶς τριῶν, ἑνὸς μὲν τοῦ μικρὰ φρονεῖν τοὺς
ἀρχομένους (οὐθενὶ γὰρ ἂν μικρόψυχος ἐπιβουλεύσειεν), δευτέρου δὲ τοῦ
διαπιστεῖν ἀλλήλοις (οὐ καταλύεται γὰρ πρότερον τυραννὶς πρὶν ἢ πιστεύσωσί
τινες ἑαυτοῖς· διὸ καὶ τοῖς ἐπιεικέσι πολεμοῦσιν ὡς βλαβεροῖς πρὸς τὴν
ἀρχὴν οὐ μόνον διὰ τὸ μὴ ἀξιοῦν ἄρχεσθαι δεσποτικῶς, ἀλλὰ καὶ διὰ τὸ
πιστοὺς καὶ ἑαυτοῖς καὶ τοῖς ἄλλοις εἶναι καὶ μὴ καταγορεύειν μήτε ἑαυτῶν
μήτε τῶν ἄλλων)· τρίτον δ' ἀδυναμία τῶν πραγμάτων (οὐθεὶς γὰρ ἐπιχειρεῖ
τοῖς ἀδυνάτοις, ὥστε οὐδὲ τυραννίδα καταλύειν μὴ δυνάμεως ὑπαρχούσης).
§ 9. Εἰς οὓς μὲν οὖν ὅρους ἀνάγεται τὰ βουλεύματα τῶν τυράννων, οὗτοι
τρεῖς τυγχάνουσιν ὄντες· πάντα γὰρ ἀναγάγοι τις ἂν τὰ τυραννικὰ πρὸς
ταύτας τὰς ὑποθέσεις, τὰ μὲν ὅπως μὴ πιστεύωσιν ἀλλήλοις, τὰ δ' ὅπως μὴ
δύνωνται, τὰ δ' ὅπως μικρὸν φρονῶσιν.
Ὁ μὲν οὖν εἷς τρόπος δι' οὗ γίγνεται σωτηρία ταῖς τυραννίσι τοιοῦτός ἐστιν·
§ 10. ὁ δ' ἕτερος σχεδὸν ἐξ ἐναντίας ἔχει τοῖς εἰρημένοις τὴν ἐπιμέλειαν.
Ἔστι δὲ λαβεῖν αὐτὸν ἐκ τῆς φθορᾶς τῆς τῶν βασιλειῶν. Ὥσπερ γὰρ τῆς
βασιλείας εἷς τρόπος τῆς φθορᾶς τὸ ποιεῖν τὴν ἀρχὴν τυραννικωτέραν, οὕτω
τῆς τυραννίδος σωτηρία τὸ ποιεῖν αὐτὴν βασιλικωτέραν, ἓν φυλάττοντα μόνον,
τὴν δύναμιν, ὅπως ἄρχῃ μὴ μόνον βουλομένων ἀλλὰ καὶ μὴ βουλομένων.
Προϊέμενος γὰρ καὶ τοῦτο προίίεται καὶ τὸ τυραννεῖν. Ἀλλὰ τοῦτο μὲν ὥσπερ
ὑπόθεσιν δεῖ μένειν, τὰ δ' ἄλλα τὰ μὲν ποιεῖν τὰ δὲ δοκεῖν ὑποκρινόμενον
τὸ βασιλικὸν καλῶς.
| [5,1314a] Aussi la tyrannie n'aime-t-elle que les méchants, précisément parce
qu'elle aime la flatterie, et qu'il n'est point de coeur libre qui s'y
abaisse. L'homme de bien sait aimer, mais il ne flatte pas. De plus, les
méchants sont d'un utile emploi dans des projets pervers : « Un clou
chasse l'autre », dit le proverbe.
§ 7. Le propre du tyran est de repousser tout ce qui porte une âme fière
et libre ; car il se croit seul capable de posséder ces hautes qualités;
et l'éclat dont brilleraient auprès de lui la magnanimité et
l'indépendance d'un autre, anéantirait cette supériorité de maître que la
tyrannie revendique pour elle seule. Le tyran hait donc ces nobles
natures, comme attentatoires à sa puissance. C'est encore l'usage du tyran
d'inviter à sa table et d'admettre dans son intimité des étrangers plutôt
que des nationaux; ceux-ci sont pour lui des ennemis ; ceux-là n'ont aucun
motif d'agir contre son autorité.
Toutes ces manoeuvres et tant d'autres du même genre, que la tyrannie
emploie pour se maintenir, sont d'une profonde perversité.
§ 8. En les résumant, on peut les classer sous trois chefs principaux, qui
sont le but permanent de la tyrannie : d'abord, l'abaissement moral des
sujets; car des âmes avilies ne pensent jamais à conspirer; en second
lieu, la défiance des citoyens les uns à l'égard des autres ; car la
tyrannie ne peut être renversée qu'autant que des citoyens ont assez
d'union pour se concerter. Aussi, le tyran poursuit-il les hommes de bien
comme les ennemis directs de sa puissance, non pas seulement parce que ces
hommes-là repoussent tout despotisme comme dégradant, mais encore parce
qu'ils ont foi en eux-mêmes et obtiennent la confiance des autres, et
qu'ils sont incapables de se trahir entre eux ou de trahir qui que ce
soit. Enfin, le troisième objet que poursuit la tyrannie, c'est
l'affaiblissement et l'appauvrissement des sujets ; car on n'entreprend
guères une chose impossible, ni par conséquent de détruire la tyrannie
quand on n'a pas les moyens de la renverser.
§ 9. Ainsi, toutes les préoccupations du tyran peuvent se diviser en trois
classes que nous venons d'indiquer, et l'on peut dire que toutes ses
ressources de salut se groupent autour de ces trois bases : la défiance
des citoyens entre eux, leur affaiblissement et leur dégradation morale.
Telle est donc la première méthode de conservation pour les tyrannies.
§ 10. Quant à la seconde, elle s'attache à des soins radicalement opposés
à tous ceux que nous venons d'indiquer. On peut la tirer de ce que nous
avons dit des causes qui ruinent les royautés; car de même que la royauté
compromet son autorité en voulant la rendre plus despotique, de même la
tyrannie assure la sienne en la rendant plus royale. Il n'est ici qu'un
point essentiel qu'elle ne doit jamais oublier : qu'elle ait toujours la
force nécessaire pour gouverner, non pas seulement avec l'assentiment
général, mais aussi malgré la volonté générale ; renoncer à ce point, ce
serait renoncer à la tyrannie même. Mais cette base une fois assurée, le
tyran peut pour tout le reste se conduire comme un véritable roi, ou du
moins en prendre adroitement toutes les apparences.
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