[4,2] CHAPITRE II.
ὅτι μὲν οὖν ἔστιν ὁ τόπος, δοκεῖ δῆλον εἶναι ἐκ τῆς ἀντιμεταστάσεως· ὅπου
γὰρ ἔστι νῦν ὕδωρ, ἐνταῦθα ἐξελθόντος ὥσπερ ἐξ ἀγγείου πάλιν ἀὴρ ἔνεστιν,
ὁτὲ δὲ τὸν αὐτὸν τόπον τοῦτον ἄλλο τι τῶν σωμάτων κατέχει· τοῦτο δὴ τῶν
ἐγγιγνομένων καὶ μεταβαλλόντων ἕτερον πάντων εἶναι δοκεῖ· ἐν ᾧ γὰρ ἀὴρ
ἔστι νῦν, ὕδωρ ἐν τούτῳ πρότερον ἦν, ὥστε δῆλον ὡς ἦν ὁ τόπος τι καὶ ἡ
χώρα ἕτερον ἀμφοῖν, εἰς ἣν καὶ ἐξ ἧς μετέβαλον. ἔτι δὲ αἱ φοραὶ τῶν
φυσικῶν σωμάτων καὶ ἁπλῶν, οἷον πυρὸς καὶ γῆς καὶ τῶν τοιούτων, οὐ μόνον
δηλοῦσιν ὅτι ἐστί τι ὁ τόπος, ἀλλ' ὅτι καὶ ἔχει τινὰ δύναμιν. φέρεται γὰρ
ἕκαστον εἰς τὸν αὑτοῦ τόπον μὴ κωλυόμενον, τὸ μὲν ἄνω τὸ δὲ κάτω· ταῦτα δ'
ἐστὶ τόπου μέρη καὶ εἴδη, τό τε ἄνω καὶ τὸ κάτω καὶ αἱ λοιπαὶ τῶν ἓξ
διαστάσεων. ἔστι δὲ τὰ τοιαῦτα οὐ μόνον πρὸς ἡμᾶς, τὸ ἄνω καὶ κάτω καὶ
δεξιὸν καὶ ἀριστερόν· ἡμῖν μὲν γὰρ οὐκ ἀεὶ τὸ αὐτό, ἀλλὰ κατὰ τὴν θέσιν,
ὅπως ἂν στραφῶμεν, γίγνεται (διὸ καὶ ταὐτὸ πολλάκις δεξιὸν καὶ ἀριστερὸν
καὶ ἄνω καὶ κάτω καὶ πρόσθεν καὶ ὄπισθεν), ἐν δὲ τῇ φύσει διώρισται χωρὶς
ἕκαστον. οὐ γὰρ ὅ τι ἔτυχέν ἐστι τὸ ἄνω, ἀλλ' ὅπου φέρεται τὸ πῦρ καὶ τὸ
κοῦφον· ὁμοίως δὲ καὶ τὸ κάτω οὐχ ὅ τι ἔτυχεν, ἀλλ' ὅπου τὰ ἔχοντα βάρος
καὶ τὰ γεηρά, ὡς οὐ τῇ θέσει διαφέροντα μόνον ἀλλὰ καὶ τῇ δυνάμει. δηλοῖ
δὲ καὶ τὰ μαθηματικά· οὐκ ὄντα γὰρ ἐν τόπῳ ὅμως κατὰ τὴν θέσιν τὴν πρὸς
ἡμᾶς ἔχει δεξιὰ καὶ ἀριστερὰ ὡς τὰ μόνον λεγόμενα διὰ θέσιν, οὐκ ἔχοντα
φύσει τούτων ἕκαστον. ἔτι οἱ τὸ κενὸν φάσκοντες εἶναι τόπον λέγουσιν· τὸ
γὰρ κενὸν τόπος ἂν εἴη ἐστερημένος σώματος.
ὅτι μὲν οὖν ἐστί τι ὁ τόπος παρὰ τὰ σώματα, καὶ πᾶν σῶμα αἰσθητὸν ἐν τόπῳ,
διὰ τούτων ἄν τις ὑπολάβοι· δόξειε δ' ἂν καὶ Ἡσίοδος ὀρθῶς λέγειν ποιήσας
πρῶτον τὸ χάος. λέγει γοῦν “πάντων μὲν πρώτιστα χάος γένετ', αὐτὰρ ἔπειτα
γαῖ' εὐρύστερνος,” ὡς δέον πρῶτον ὑπάρξαι χώραν τοῖς οὖσι, διὰ τὸ
νομίζειν, ὥσπερ οἱ πολλοί, πάντα εἶναί που καὶ ἐν τόπῳ. εἰ δ' ἐστὶ
τοιοῦτο, θαυμαστή τις ἂν εἴη ἡ τοῦ τόπου δύναμις καὶ προτέρα πάντων· οὗ
γὰρ ἄνευ τῶν ἄλλων οὐδὲν ἔστιν, ἐκεῖνο δ' ἄνευ τῶν ἄλλων, ἀνάγκη πρῶτον
εἶναι· οὐ γὰρ ἀπόλλυται ὁ τόπος τῶν ἐν αὐτῷ φθειρομένων.
| [4,2] CHAPITRE II.
§ 1. Une preuve manifeste de l'existence de l'espace, c'est
la succession des corps qui se remplacent mutuellement
dans un même lieu. Là où il y a de l'eau maintenant, arrive
de l'air quand l'eau sort de ce lieu, comme quand elle sort
par exemple d'un vase; et c'est un autre corps qui vient
occuper ce même lieu que le premier corps abandonne.
L'espace se distingue donc de toutes les choses qui sont en
lui et qui y changent; car là où actuellement il y a de l'air,
l'eau se trouvait antérieurement. Par conséquent, l'espace
ou le réceptacle qui contient successivement l'air et l'eau,
est différent de ces deux corps, espace où ils sont entrés et
d'où ils sont sortis.
§ 2. À un autre point de vue, les déplacements des corps
naturels et simples, le feu, la terre et les autres, ne
démontrent pas seulement que l'espace est quelque chose ;
mais ils démontrent en outre qu'il a une certaine propriété.
Ainsi chacun de ces éléments est porté, quand rien ne s'y
oppose, dans le lieu qui lui est propre. Celui-ci va en haut,
celui-là va en bas. Or le haut et le bas, et chacune des
autres directions, en tout au nombre de six, sont des
parties et des espèces de l'espace et du lieu.
§ 3. Mais ces directions ne sont pas seulement relatives à
nous, la droite et la gauche, le haut et le bas; car elles ne
restent pas constantes pour nous, et elles se diversifient
selon la position que nous prenons nous-mêmes en nous
tournant, puisque souvent une même chose est pour nous
à droite et à gauche, au-dessous et au-dessus, devant et
derrière. Dans la nature, au contraire, chacune de ces
positions est séparément déterminée. Le haut n'est pas un
lieu quelconque ; c'est le lieu où se dirige le feu, et en
général les corps légers. Le bas n'est pas davantage
arbitraire, et c'est le lieu où se dirigent tous les corps qui
ont de la pesanteur, et qui sont composés de terre. Par
conséquent, ces éléments ne diffèrent pas seulement par
leur position; ils diffèrent encore par leur propriété et leur
puissance.
§ 4. C'est bien là aussi ce que prouvent les mathématiques.
Les êtres dont elles s'occupent ne sont pas dans l'espace;
cependant par la position qu'ils occupent relativement à
nous, ils sont à droite et à gauche ; c'est la pensée seule
qui fait leur position, sans qu'ils en aient naturellement aucune.
§ 5. D'autre part, en admettant l'existence du vide, on
affirme aussi celle de l'espace, puisqu'on définit le vide, un
lieu, un espace, où il n'y a pas de corps.
§ 6. Ainsi, toutes ces raisons se réunissent pour prouver
que l'espace est quelque chose de réel indépendamment
des corps, et que tout corps sensible est dans l'espace.
§ 7. Aussi Hésiode parait-il avoir raison quand il place le
chaos à l'origine des choses, et quand il dit :
"Bien avant tout le reste, apparut le chaos;
Puis la terre au sein vaste"...
Le poète suppose donc qu'il faut avant tout pour les êtres
un lieu où ils se placent, et par là Hésiode se conforme à
l'opinion commune qui croit que toutes les choses sont
quelque part et dans l'espace. S'il en est ainsi, le lieu,
l'espace a une propriété merveilleuse et la première de
toutes en date ; car ce sans quoi rien de tout le reste ne
peut être, tandis qu'il existe lui-même sans le reste, est
nécessairement antérieur à tout, puisque l'espace n'est pas
détruit quand les choses qu'il renferme sont détruites.
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