HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Aristote, Physique, livre IV

Chapitre 14

  Chapitre 14

[4,14] CHAPITRE XIV. Ἐχόμενον δὲ τῶν εἰρημένων ἐστὶν ἐπελθεῖν περὶ χρόνου· πρῶτον δὲ καλῶς ἔχει διαπορῆσαι περὶ αὐτοῦ καὶ διὰ τῶν ἐξωτερικῶν λόγων, πότερον τῶν ὄντων ἐστὶν τῶν μὴ ὄντων, εἶτα τίς φύσις αὐτοῦ. ὅτι μὲν οὖν ὅλως οὐκ ἔστιν μόλις καὶ ἀμυδρῶς, ἐκ τῶνδέ τις ἂν ὑποπτεύσειεν. τὸ μὲν γὰρ αὐτοῦ γέγονε καὶ οὐκ ἔστιν, τὸ δὲ μέλλει καὶ οὔπω ἔστιν. ἐκ δὲ τούτων καὶ ἄπειρος καὶ ἀεὶ λαμβανόμενος χρόνος σύγκειται. τὸ δ' ἐκ μὴ ὄντων συγκείμενον ἀδύνατον ἂν εἶναι δόξειε μετέχειν οὐσίας. πρὸς δὲ τούτοις παντὸς μεριστοῦ, ἄνπερ , ἀνάγκη, ὅτε ἔστιν, ἤτοι πάντα τὰ μέρη εἶναι ἔνια· τοῦ δὲ χρόνου τὰ μὲν γέγονε τὰ δὲ μέλλει, ἔστι δ' οὐδέν, ὄντος μεριστοῦ. τὸ δὲ νῦν οὐ μέρος· μετρεῖ τε γὰρ τὸ μέρος, καὶ συγκεῖσθαι δεῖ τὸ ὅλον ἐκ τῶν μερῶν· δὲ χρόνος οὐ δοκεῖ συγκεῖσθαι ἐκ τῶν νῦν. ἔτι δὲ τὸ νῦν, φαίνεται διορίζειν τὸ παρελθὸν καὶ τὸ μέλλον, πότερον ἓν καὶ ταὐτὸν ἀεὶ διαμένει ἄλλο καὶ ἄλλο, οὐ ῥᾴδιον ἰδεῖν. εἰ μὲν γὰρ αἰεὶ ἕτερον καὶ ἕτερον, μηδὲν δ' ἐστὶ τῶν ἐν τῷ χρόνῳ ἄλλο καὶ ἄλλο μέρος ἅμα ( μὴ περιέχει, τὸ δὲ περιέχεται, ὥσπερ ἐλάττων χρόνος ὑπὸ τοῦ πλείονος), τὸ δὲ νῦν μὴ ὂν πρότερον δὲ ὂν ἀνάγκη ἐφθάρθαι ποτέ, καὶ τὰ νῦν ἅμα μὲν ἀλλήλοις οὐκ ἔσται, ἐφθάρθαι δὲ ἀνάγκη ἀεὶ τὸ πρότερον. ἐν αὑτῷ μὲν οὖν ἐφθάρθαι οὐχ οἷόν τε διὰ τὸ εἶναι τότε, ἐν ἄλλῳ δὲ νῦν ἐφθάρθαι τὸ πρότερον νῦν οὐκ ἐνδέχεται. ἔστω γὰρ ἀδύνατον ἐχόμενα εἶναι ἀλλήλων τὰ νῦν, ὥσπερ στιγμὴν στιγμῆς. εἴπερ οὖν ἐν τῷ ἐφεξῆς οὐκ ἔφθαρται ἀλλ' ἐν ἄλλῳ, ἐν τοῖς μεταξὺ {τοῖς} νῦν ἀπείροις οὖσιν ἅμα ἂν εἴη· τοῦτο δὲ ἀδύνατον. ἀλλὰ μὴν οὐδ' αἰεὶ τὸ αὐτὸ διαμένειν δυνατόν· οὐδενὸς γὰρ διαιρετοῦ πεπερασμένου ἓν πέρας ἔστιν, οὔτε ἂν ἐφ' ἓν συνεχὲς οὔτε ἂν ἐπὶ πλείω· τὸ δὲ νῦν πέρας ἐστίν, καὶ χρόνον ἔστι λαβεῖν πεπερασμένον. ἔτι εἰ τὸ ἅμα εἶναι κατὰ χρόνον καὶ μήτε πρότερον μήτε ὕστερον τὸ ἐν τῷ αὐτῷ εἶναι καὶ ἑνὶ {τῷ} νῦν ἐστιν, εἰ τά τε πρότερον καὶ τὰ ὕστερον ἐν τῷ νῦν τῳδί ἐστιν, ἅμα ἂν εἴη τὰ ἔτος γενόμενα μυριοστὸν τοῖς γενομένοις τήμερον, καὶ οὔτε πρότερον οὔτε ὕστερον οὐδὲν ἄλλο ἄλλου. περὶ μὲν οὖν τῶν ὑπαρχόντων αὐτῷ τοσαῦτ' ἔστω διηπορημένα· [4,14] CHAPITRE XIV. § 1. A la suite de tout ce qui vient d'être dit, il convient d'étudier le temps. En premier lieu, il sera bon de présenter les doutes que cette question soulève, et de la traiter, même par des arguments extérieurs et vulgaires, pour savoir si le temps doit être rangé parmi les choses qui sont ou celles qui ne sont pas; puis, ensuite, nous rechercherons quelle en est la nature. § 2. Voici quelques raisons qu'on pourrait alléguer pour prouver que le temps n'existe pas du tout, ou que s'il existe c'est d'une façon à peine sensible et très obscure. Ainsi, l'une des deux parties du temps a été et n'est plus; l'autre partie doit être et n'est pas encore. C'est pourtant de ces éléments que se composent et le temps infini et le temps qu'on doit compter dans une succession perpétuelle. Or, ce qui est composé d'éléments qui ne sont pas, semble ne jamais pouvoir être regardé comme possédant une existence véritable. § 3. Ajoutez que, pour tout objet divisible, il faut de toute nécessité, puisqu'il est divisible, que, quand cet objet existe, quelques-unes de ses parties ou même toutes ses parties existent aussi. Or, pour le temps, bien qu'il soit divisible, certaines parties ont été, d'autres seront, mais aucune n'est réellement. § 4. Mais l'instant, le présent n'est pas une partie du temps; car, d'un côté, la partie d'une chose sert à mesurer cette chose; et, d'un autre côté, le tout doit se composer de la réunion des parties. Or, il ne paraît pas que le temps se compose de présents, d'instants. § 5. De plus, cet instant, ce présent lui-même qui sépare et limite, à ce qu'il semble, le passé et le futur, est-il un? Reste-t-il toujours identique et immuable? Ou bien, est-il différent et sans cesse différent? Toutes questions qu'il n'est pas facile de résoudre. § 6. En effet, si l'instant est perpétuellement autre et toujours autre ; s'il ne peut pas y avoir dans le temps une seule de ses parties différentes qui coexiste avec une autre, sans d'ailleurs l'envelopper, tandis que l'autre est enveloppée par elle, comme un temps plus court est enveloppé dans un plus long; et si enfin l'instant qui n'est pas à présent, mais qui a précédemment été, doit nécessairement avoir péri à un moment donné, alors les instants successifs ne pourront jamais exister simultanément les uns avec les autres, puisque l'antérieur aura dû toujours nécessairement périr. Or, il n'est pas possible que l'instant ait péri en lui-même, puisqu'il existait alors; et il n'est pas possible davantage que l'instant antérieur ait péri dans un autre instant. Par conséquent, il faut admettre qu'il est impossible que les instants tiennent les uns aux autres, comme il est impossible que le point tienne au point. Si donc l'instant ne peut pas avoir été détruit dans celui qui l'a suivi, et s'il l'a été dans un autre, alors il aura pu durant les instants intermédiaires, qui sont en nombre infini, coexister avec eux ; or, c'est là une impossibilité. § 7. Mais il n'est pas non plus possible que ce soit éternellement le même instant qui demeure et subsiste; car, dans les divisibles, il n'est pas de chose finie qui n'ait qu'une seule limite, soit qu'elle n'ait de continuité qu'en un seul sens, soit qu'elle en ait en plusieurs sens. Mais l'instant est une limite, et il est facile de prendre un temps qui soit limité. § 8. Enfin, si coexister chronologiquement et n'être ni antérieur ni postérieur, c'est être dans le même temps, et, par conséquent, dans le même instant, et si les faits antérieurs et les faits postérieurs coexistent dans l'instant présent, alors il faut admettre que ce qui s'est passé il y a dix mille ans, est contemporain de ce qui passe aujourd'hui ; et il n'y a plus rien qui soit antérieur et postérieur à quoi que ce soit. § 9. Tels sont à peu près les doutes que peuvent faire naître l'existence et les propriétés du temps.


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Dernière mise à jour : 23/08/2007