[1,3] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Γ'.
§ 1. Ἀρχὴ δὲ οἰκειοτάτη πασῶν, ἐπειδὴ πολλαχῶς λέγεται τὸ ὄν, πῶς λέγουσιν
οἱ λέγοντες εἶναι ἓν τὰ πάντα, πότερον οὐσίαν τὰ πάντα ἢ ποσὰ ἢ ποιά, καὶ
πάλιν πότερον οὐσίαν μίαν τὰ πάντα, οἷον ἄνθρωπον ἕνα ἢ ἵππον ἕνα ἢ ψυχὴν
μίαν, ἢ ποιὸν ἓν δὲ τοῦτο, οἷον λευκὸν ἢ θερμὸν ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν
τοιούτων. Ταῦτα γὰρ πάντα διαφέρει τε πολὺ καὶ ἀδύνατα λέγειν.
§ 2. Εἰ μὲν γὰρ ἔσται καὶ οὐσία καὶ ποιὸν καὶ ποσόν, καὶ ταῦτα εἴτ'
ἀπολελυμένα ἀπ' ἀλλήλων εἴτε μή, πολλὰ τὰ ὄντα·
§ 3. εἰ δὲ πάντα ποιὸν ἢ ποσόν, εἴτ' οὔσης οὐσίας εἴτε μὴ οὔσης, ἄτοπον,
εἰ δεῖ ἄτοπον λέγειν τὸ ἀδύνατον. Οὐθὲν γὰρ τῶν ἄλλων χωριστόν ἐστι παρὰ
τὴν οὐσίαν· πάντα γὰρ καθ' ὑποκειμένου λέγεται τῆς οὐσίας.
§ 4. Μέλισσος δὲ τὸ ὂν ἄπειρον εἶναί φησιν. Ποσὸν ἄρα τι τὸ ὄν· τὸ γὰρ
ἄπειρον ἐν τῷ ποσῷ, οὐσίαν δὲ ἄπειρον εἶναι ἢ ποιότητα ἢ πάθος οὐκ
ἐνδέχεται εἰ μὴ κατὰ συμβεβηκός, εἰ ἅμα καὶ ποσὰ ἄττα εἶεν· ὁ γὰρ τοῦ
ἀπείρου λόγος τῷ ποσῷ προσχρῆται, ἀλλ' οὐκ οὐσίᾳ οὐδὲ τῷ ποιῷ. Εἰ μὲν
τοίνυν καὶ οὐσία ἔστι καὶ ποσόν, δύο καὶ οὐχ ἓν τὸ ὄν·
§ 5. εἰ δ' οὐσία μόνον, οὐκ ἄπειρον, οὐδὲ μέγεθος ἕξει οὐδέν· ποσὸν γάρ τι
ἔσται.
§ 6. Ἔτι ἐπεὶ καὶ αὐτὸ τὸ ἓν πολλαχῶς λέγεται ὥσπερ καὶ τὸ ὄν, σκεπτέον
τίνα τρόπον λέγουσιν εἶναι ἓν τὸ πᾶν. Λέγεται δ' ἓν ἢ τὸ συνεχὲς ἢ τὸ
ἀδιαίρετον ἢ ὧν ὁ λόγος ὁ αὐτὸς καὶ εἷς ὁ τοῦ τί ἦν εἶναι, ὥσπερ μέθυ καὶ
οἶνος.
§ 7. Εἰ μὲν τοίνυν συνεχές, πολλὰ τὸ ἕν· εἰς ἄπειρον γὰρ διαιρετὸν τὸ
συνεχές.
§ 8. (Ἔχει δ' ἀπορίαν περὶ τοῦ μέρους καὶ τοῦ ὅλου, ἴσως δὲ οὐ πρὸς τὸν
λόγον ἀλλ' αὐτὴν καθ' αὑτήν, πότερον ἓν ἢ πλείω τὸ μέρος καὶ τὸ ὅλον, καὶ
πῶς ἓν ἢ πλείω, καὶ εἰ πλείω, πῶς πλείω, καὶ περὶ τῶν μερῶν τῶν μὴ
συνεχῶν· καὶ εἰ τῷ ὅλῳ ἓν ἑκάτερον ὡς ἀδιαίρετον, ὅτι καὶ αὐτὰ αὑτοῖς.)
§ 9. Ἀλλὰ μὴν εἰ ὡς ἀδιαίρετον, οὐθὲν ἔσται ποσὸν οὐδὲ ποιόν, οὐδὲ δὴ
ἄπειρον τὸ ὄν, ὥσπερ Μέλισσός φησιν, οὐδὲ πεπερασμένον, ὥσπερ Παρμενίδης·
τὸ γὰρ πέρας ἀδιαίρετον, οὐ τὸ πεπερασμένον.
§ 10. Ἀλλὰ μὴν εἰ τῷ λόγῳ ἓν τὰ ὄντα πάντα ὡς λώπιον καὶ ἱμάτιον, τὸν
Ἡρακλείτου λόγον συμβαίνει λέγειν αὐτοῖς· ταὐτὸν γὰρ ἔσται ἀγαθῷ καὶ κακῷ
εἶναι, καὶ ἀγαθῷ καὶ μὴ ἀγαθῷ εἶναι – ὥστε ταὐτὸν ἔσται ἀγαθὸν καὶ οὐκ
ἀγαθόν, καὶ ἄνθρωπος καὶ ἵππος, καὶ οὐ περὶ τοῦ ἓν εἶναι τὰ ὄντα ὁ λόγος
ἔσται ἀλλὰ περὶ τοῦ μηδέν – καὶ τὸ τοιῳδὶ εἶναι καὶ τοσῳδὶ ταὐτόν.
§ 11. Ἐθορυβοῦντο δὲ καὶ οἱ ὕστεροι τῶν ἀρχαίων ὅπως μὴ ἅμα γένηται αὐτοῖς
τὸ αὐτὸ ἓν καὶ πολλά. Διὸ οἱ μὲν τὸ ἐστὶν ἀφεῖλον, ὥσπερ Λυκόφρων, οἱ δὲ
τὴν λέξιν μετερρύθμιζον, ὅτι ὁ ἄνθρωπος οὐ λευκός ἐστιν ἀλλὰ λελεύκωται,
οὐδὲ βαδίζων ἐστὶν ἀλλὰ βαδίζει, ἵνα μή ποτε τὸ ἐστὶ προσάπτοντες πολλὰ
εἶναι ποιῶσι τὸ ἕν, ὡς μοναχῶς λεγομένου τοῦ ἑνὸς ἢ τοῦ ὄντος.
§ 12. Πολλὰ δὲ τὰ ὄντα ἢ λόγῳ (οἷον ἄλλο τὸ λευκῷ εἶναι καὶ μουσικῷ, τὸ δ'
αὐτὸ ἄμφω· πολλὰ ἄρα τὸ ἕν) ἢ διαιρέσει, ὥσπερ τὸ ὅλον καὶ τὰ μέρη.
ἐνταῦθα δὲ ἤδη ἠπόρουν, καὶ ὡμολόγουν τὸ ἓν πολλὰ εἶναι – ὥσπερ οὐκ
ἐνδεχόμενον ταὐτὸν ἕν τε καὶ πολλὰ εἶναι, μὴ τἀντικείμενα δέ· ἔστι γὰρ τὸ
ἓν καὶ δυνάμει καὶ ἐντελεχείᾳ.
§ 13. Τόν τε δὴ τρόπον τοῦτον ἐπιοῦσιν ἀδύνατον φαίνεται τὰ ὄντα ἓν εἶναι.
| [1,3] CHAPITRE III.
§ 1. Comme le mot d'Être reçoit plusieurs acceptions, notre point de
départ le plus convenable sera d'examiner d'abord ce qu'on entend
quand on dit que l'être est un. Comprend-on par là que tout l'être est
substance, ou bien que tout l'être est ou quantité ou qualité ? Si tout est
substance dans l'être, comprend-on que c'est une substance unique qui
est tout l'être ? et, par exemple, un homme un, un cheval un, une âme
une, qui serait la substance de tout l'être ? Si tout est qualité dans l'être,
comprend-on que c'est une qualité unique ? et, par exemple, que c'est le
blanc, le chaud, ou telle autre qualité du même genre ? Ce sont-là des
points de vue très différents ; mais ils sont tous également impossibles à
soutenir.
§ 2. En effet, si l'être est substance et quantité et qualité, que
d'ailleurs la qualité, la quantité et la substance soient indépendantes et
séparées les unes des autres ou ne le soient pas, il en résulte toujours
qu'il y a plusieurs sortes d'êtres.
§ 3. Si l'on dit que les êtres tout entiers sont qualité ou quantité, en
admettant d'ailleurs ou en rejetant la substance, c'est une opinion
absurde, si l'on peut qualifier d'absurde ce qui est impossible ; car rien ne
peut exister séparément, si ce n'est la substance, puisque tout le reste se
dit comme attribut de la substance qui est le seul support.
§ 4. Mélissus soutient que l'être est infini ; à ses yeux, l'être est donc
une certaine quantité, puisque l'infini est dans la quantité. Or, la
substance, pas plus que la qualité ou l'affection, ne saurait jamais être
infinie, si ce n'est accidentellement, c'est-à-dire à moins d'être en même
temps considérée comme des quantités à un certain point de vue. La
définition de l'infini emprunte l'idée de quantité, mais ne suppose point
celle de substance, ni celle de qualité. Si donc l'être est à la fois
substance et quantité, dès lors il est deux et non plus un.
§ 5. Si l'être n'est que substance, il n'est plus infini ; il n'a même plus
de grandeur quelconque ; car il faudrait qu'il fût une quantité.
§ 6. D'une autre part, comme le mot Un se prend en plusieurs
acceptions tout aussi bien que le mot Être, il faut examiner à ce nouveau
point de vue en quel sens on dit que tout l'être est un. Un se dit pour
exprimer qu'une chose est continue ou qu'elle est indivisible ; ou ce mot
s'applique aux choses dont la définition essentielle, destinée à expliquer
ce qu'elles sont, est une seule et même définition, comme, par exemple,
la définition du Jus de la treille et celle du Vin.
§ 7. Si par Un on entend continu, l'être alors est multiple, puisque le
continu est divisible à l'infini.
§ 8. Mais ici l'on élève sur les rapports de la partie et du tout une
question qui, sans tenir peut-être bien directement à notre sujet, mérite
néanmoins par elle-même qu'on l'examine, c'est de savoir si le tout et la
partie sont une seule chose ou plusieurs choses ; de quelle manière ils
sont ou une seule chose ou plusieurs ; en supposant que ce sont
plusieurs choses, comment cette multiplicité a lieu, recherche qui peut
également s'appliquer à des parties non continues ; et enfin si chacune
de ces parties, en tant qu'indivisible, est une avec le tout, attendu que
chacune de ces parties constitue aussi une unité par elle-même.
§ 9. Si l'être est un en tant qu'indivisible, il n'est plus alors ni quantité
ni qualité, et il cesse d'être infini comme le croit Mélissus. Il n'est pas
davantage fini, comme le soutient Parménide, puisque c'est la fin, la
limite seule qui est indivisible, et non point du tout le fini lui-même.
§ 10. Si l'on dit que tous les êtres peuvent être un, parce qu'ils
auraient une définition commune, comme, par exemple, Vêtement et
Habit se définissent de même, on ne fait plus alors que reproduire
l'opinion d'Héraclite. Désormais tout se confond ; le bien se confond avec
le mal, ce qui n'est pas bon avec ce qui est bon ; le bien et ce qui n'est
pas bien sont identiques ; l'homme et le cheval sont tout un. Mais alors
ce n'est plus affirmer vraiment que tous les êtres sont un, c'est affirmer
qu'ils ne sont rien, et que la qualité et la quantité sont identiques.
§ 11. Du reste, les plus récents, tout aussi bien que les anciens, se
sont beaucoup troublés de la crainte de prêter tout ensemble à une
même chose l'unité et la multiplicité. Pour échapper à cette contradiction,
les uns ont supprimé le verbe d'existence et retranché le mot Est, comme
Lycophron. Les autres ont atténué l'expression pour la mettre en
harmonie avec leurs idées ; et pour ne pas dire que l'homme cet blanc,
ils disaient qu'il blanchit ; au lieu de dire qu'il est marchant, ils disaient
qu'il marche ; et tout cela pour éviter, en admettant le mot Est, de faire
plusieurs êtres de ce qui est un, supposant sans doute que l'Un et l'Etre
ne peuvent avoir qu'une seule acception.
§ 12. Mais les êtres sont multiples, d'abord par leur définition ; car la
définition de blanc, par exemple, est autre que celle de musicien, bien
que ces deux qualités puissent appartenir à un seul et même être ; et,
par conséquent, l'Un est multiple ; ou bien les êtres sont multiples aussi
par la division, comme le tout et les parties. Sur ce dernier point, les
philosophes dont nous parlons s'embarrassaient fort, et ils avouaient que
l'Un est multiple, comme si la même chose ne pouvait pas être une et
plusieurs à la fois, en ce sens seulement qu'elle ne peut avoir à la fois les
qualités opposées, puisque l'Un peut exister et en simple puissance, et
en réalité complète ou entéléchie.
§ 13. En suivant la méthode qui vient d'être exposée, on peut
conclure qu'il est impossible que les êtres soient un seul et même être.
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