[10,1176] (1176a) (1) Διαφέρει δὲ ἡ ὄψις ἁφῆς καθαρειότητι,
καὶ ἀκοὴ καὶ ὄσφρησις γεύσεως· ὁμοίως δὴ διαφέρουσι καὶ αἱ ἡδοναί,
καὶ τούτων αἱ περὶ τὴν διάνοιαν, καὶ ἑκάτεραι ἀλλήλων. Δοκεῖ δ'
εἶναι ἑκάστῳ ζῴῳ καὶ ἡδονὴ οἰκεία, ὥσπερ καὶ ἔργον· ἡ γὰρ κατὰ τὴν
ἐνέργειαν. (5) Καὶ ἐφ' ἑκάστῳ δὲ θεωροῦντι τοῦτ' ἂν φανείη· ἑτέρα γὰρ
ἵππου ἡδονὴ καὶ κυνὸς καὶ ἀνθρώπου, καθάπερ Ἡράκλειτός φησιν ὄνους σύρματ'
ἂν ἑλέσθαι μᾶλλον ἢ χρυσόν· ἥδιον γὰρ χρυσοῦ τροφὴ ὄνοις. Αἱ μὲν οὖν τῶν
ἑτέρων τῷ εἴδει διαφέρουσιν εἴδει, τὰς δὲ τῶν αὐτῶν ἀδιαφόρους εὔλογον
εἶναι. (10) Διαλλάττουσι δ' οὐ σμικρὸν ἐπί γε τῶν ἀνθρώπων· τὰ γὰρ αὐτὰ
τοὺς μὲν τέρπει τοὺς δὲ λυπεῖ, καὶ τοῖς μὲν λυπηρὰ καὶ μισητά ἐστι τοῖς δὲ
ἡδέα καὶ φιλητά. Καὶ ἐπὶ γλυκέων δὲ τοῦτο συμβαίνει· οὐ γὰρ τὰ αὐτὰ δοκεῖ
τῷ πυρέττοντι καὶ τῷ ὑγιαίνοντι, οὐδὲ θερμὸν εἶναι τῷ ἀσθενεῖ καὶ τῷ (15)
εὐεκτικῷ. Ὁμοίως δὲ τοῦτο καὶ ἐφ' ἑτέρων συμβαίνει. Δοκεῖ δ' ἐν ἅπασι τοῖς
τοιούτοις εἶναι τὸ φαινόμενον τῷ σπουδαίῳ. Εἰ δὲ τοῦτο καλῶς λέγεται,
καθάπερ δοκεῖ, καὶ ἔστιν ἑκάστου μέτρον ἡ ἀρετὴ καὶ ἁγαθός, ᾗ τοιοῦτος,
καὶ ἡδοναὶ εἶεν ἂν αἱ τούτῳ φαινόμεναι καὶ ἡδέα οἷς οὗτος χαίρει. (20) Τὰ
δὲ τούτῳ δυσχερῆ εἴ τῳ φαίνεται ἡδέα, οὐδὲν θαυμαστόν· πολλαὶ γὰρ φθοραὶ
καὶ λῦμαι ἀνθρώπων γίνονται· ἡδέα δ' οὐκ ἔστιν, ἀλλὰ τούτοις καὶ οὕτω
διακειμένοις. Τὰς μὲν οὖν ὁμολογουμένως αἰσχρὰς δῆλον ὡς οὐ φατέον ἡδονὰς
εἶναι, πλὴν τοῖς διεφθαρμένοις· τῶν δ' ἐπιεικῶν εἶναι δοκουσῶν ποίαν ἢ
(25) τίνα φατέον τοῦ ἀνθρώπου εἶναι; ἢ ἐκ τῶν ἐνεργειῶν δῆλον; ταύταις γὰρ
ἕπονται αἱ ἡδοναί. Εἴτ' οὖν μία ἐστὶν εἴτε πλείους αἱ τοῦ τελείου καὶ
μακαρίου ἀνδρός, αἱ ταύτας τελειοῦσαι ἡδοναὶ κυρίως λέγοιντ' ἂν ἀνθρώπου
ἡδοναὶ εἶναι, αἱ δὲ λοιπαὶ δευτέρως καὶ πολλοστῶς, ὥσπερ αἱ ἐνέργειαι.
VI. (30) Εἰρημένων δὲ τῶν περὶ τὰς ἀρετάς τε καὶ φιλίας καὶ ἡδονάς, λοιπὸν
περὶ εὐδαιμονίας τύπῳ διελθεῖν, ἐπειδὴ τέλος αὐτὴν τίθεμεν τῶν ἀνθρωπίνων.
Ἀναλαβοῦσι δὴ τὰ προειρημένα συντομώτερος ἂν εἴη ὁ λόγος. Εἴπομεν δὴ ὅτι
οὐκ ἔστιν ἕξις· καὶ γὰρ τῷ καθεύδοντι διὰ βίου ὑπάρχοι ἄν, φυτῶν (35)
ζῶντι βίον, καὶ τῷ δυστυχοῦντι τὰ μέγιστα. (1176b) (1) Εἰ δὴ ταῦτα μὴ
ἀρέσκει, ἀλλὰ μᾶλλον εἰς ἐνέργειάν τινα θετέον, καθάπερ ἐν τοῖς πρότερον
εἴρηται, τῶν δ' ἐνεργειῶν αἳ μέν εἰσιν ἀναγκαῖαι καὶ δι' ἕτερα αἱρεταὶ αἳ
δὲ καθ' αὑτάς, δῆλον ὅτι τὴν εὐδαιμονίαν τῶν καθ' αὑτὰς αἱρετῶν τινὰ
θετέον καὶ (5) οὐ τῶν δι' ἄλλο· οὐδενὸς γὰρ ἐνδεὴς ἡ εὐδαιμονία ἀλλ'
αὐτάρκης. Καθ' αὑτὰς δ' εἰσὶν αἱρεταὶ ἀφ' ὧν μηδὲν ἐπιζητεῖται παρὰ τὴν
ἐνέργειαν. Τοιαῦται δ' εἶναι δοκοῦσιν αἱ κατ' ἀρετὴν πράξεις· τὰ γὰρ καλὰ
καὶ σπουδαῖα πράττειν τῶν δι' αὑτὰ αἱρετῶν. Καὶ τῶν παιδιῶν δὲ αἱ ἡδεῖαι·
οὐ γὰρ δι' (10) ἕτερα αὐτὰς αἱροῦνται· βλάπτονται γὰρ ἀπ' αὐτῶν μᾶλλον ἢ
ὠφελοῦνται, ἀμελοῦντες τῶν σωμάτων καὶ τῆς κτήσεως. Καταφεύγουσι δ' ἐπὶ
τὰς τοιαύτας διαγωγὰς τῶν εὐδαιμονιζομένων οἱ πολλοί, διὸ παρὰ τοῖς
τυράννοις εὐδοκιμοῦσιν οἱ ἐν ταῖς τοιαύταις διαγωγαῖς εὐτράπελοι· ὧν γὰρ
ἐφίενται, (15) ἐν τούτοις παρέχουσι σφᾶς αὐτοὺς ἡδεῖς, δέονται δὲ
τοιούτων. Δοκεῖ μὲν οὖν εὐδαιμονικὰ ταῦτα εἶναι διὰ τὸ τοὺς ἐν δυναστείαις
ἐν τούτοις ἀποσχολάζειν, οὐδὲν δ' ἴσως σημεῖον οἱ τοιοῦτοί εἰσιν· οὐ γὰρ
ἐν τῷ δυναστεύειν ἡ ἀρετὴ οὐδ' ὁ νοῦς, ἀφ' ὧν αἱ σπουδαῖαι ἐνέργειαι· οὐδ'
εἰ ἄγευστοι οὗτοι ὄντες (20) ἡδονῆς εἰλικρινοῦς καὶ ἐλευθερίου ἐπὶ τὰς
σωματικὰς καταφεύγουσιν, διὰ τοῦτο ταύτας οἰητέον αἱρετωτέρας εἶναι· καὶ
γὰρ οἱ παῖδες τὰ παρ' αὑτοῖς τιμώμενα κράτιστα οἴονται εἶναι. Εὔλογον δή,
ὥσπερ παισὶ καὶ ἀνδράσιν ἕτερα φαίνεται τίμια, οὕτω καὶ φαύλοις καὶ
ἐπιεικέσιν. Καθάπερ οὖν (25) πολλάκις εἴρηται, καὶ τίμια καὶ ἡδέα ἐστὶ τὰ
τῷ σπουδαίῳ τοιαῦτα ὄντα· ἑκάστῳ δ' ἡ κατὰ τὴν οἰκείαν ἕξιν αἱρετωτάτη
ἐνέργεια, καὶ τῷ σπουδαίῳ δὴ ἡ κατὰ τὴν ἀρετήν. Οὐκ ἐν παιδιᾷ ἄρα ἡ
εὐδαιμονία· καὶ γὰρ ἄτοπον τὸ τέλος εἶναι παιδιάν, καὶ πραγματεύεσθαι καὶ
κακοπαθεῖν τὸν βίον (30) ἅπαντα τοῦ παίζειν χάριν. Ἅπαντα γὰρ ὡς εἰπεῖν
ἑτέρου ἕνεκα αἱρούμεθα πλὴν τῆς εὐδαιμονίας· τέλος γὰρ αὕτη. Σπουδάζειν δὲ
καὶ πονεῖν παιδιᾶς χάριν ἠλίθιον φαίνεται καὶ λίαν παιδικόν. Παίζειν δ'
ὅπως σπουδάζῃ, κατ' Ἀνάχαρσιν, ὀρθῶς ἔχειν δοκεῖ· ἀναπαύσει γὰρ ἔοικεν ἡ
παιδιά, ἀδυνατοῦντες (35) δὲ συνεχῶς πονεῖν ἀναπαύσεως δέονται.
| [10,1176] (1176a)
La vue diffère du toucher par la pureté et la netteté (des impressions), l'ouïe
et l'odorat diffèrent du goût, et, par conséquent aussi, les plaisirs (que
donnent ces sensations diverses) ne sont pas les mêmes; et ceux que
produit la pensée, diffèrent également de ceux des sens, et les uns et les
autres sont distingués entre eux.
Il semble aussi que chaque animal ait des plaisirs, comme des fonctions,
qui lui sont exclusivement propres; car le plaisir tient à la nature des
actes. C'est ce dont on peut se convaincre en observant chaque animal en
particulier : car le plaisir du cheval n'est pas le même que celui du
chien, ou de l'homme, comme le remarque Héraclite, lorsqu'il dit que
« L'âne préfère l'herbe rude et grossière à l'or », parce qu'en effet, le
foin (ou les chardons) plaisent plus à cet animal que l'or. Ainsi donc il
y a différence spécifique de plaisirs pour les animaux d'espèces
différentes, et l'on a tout lieu de croire que, pour les mêmes espèces
d'animaux, les plaisirs sont aussi les mêmes.
Mais il n'en est pas ainsi, à beaucoup près, pour l'espèce humaine : les
mêmes objets y plaisent aux uns, et y déplaisent aux autres; ils sont
odieux et insupportables à ceux-ci, aimables et pleins de charmes pour
ceux-là. Cela a lieu même pour les saveurs sucrées; car elles ne
produisent pas la même impression sur l'homme malade et sur celui qui est
en bonne santé; une température chaude, pour un homme faible et débile, ne
l'est pas également pour celui qui est fort et vigoureux; et l'on peut
appliquer la même observation à beaucoup d'autres choses.
Mais le vrai, le réel, semble devoir être, en général, ce qui paraît tel
à l'homme sage et vertueux; et, si cette assertion est fondée (comme elle
le semble, et comme elle l'est en effet), la vertu et l'homme de bien, en
tant qu'il est tel, devront être comme la mesure de la réalité en tout
genre.
Les plaisirs (véritables) seront ceux qui lui paraîtront des plaisirs; les
objets véritablement agréables, ceux qui lui plairont. Mais, si ceux qui
lui déplaisent, paraissent faire plaisir à quelqu'un, il ne faut pas en
être surpris : car l'homme est sujet à la dépravation ou à la corruption
de bien des manières; et il n'y a que des êtres ainsi corrompus ou
dépravés à qui de tels objets puissent paraître agréables.
Il ne faut donc pas hésiter à déclarer que ce qui est reconnu pour infâme
ne saurait être un plaisir que pour des hommes dépravés. Mais, entre les
plaisirs qui semblent conformes à la vertu, quel est celui qu'il faut
déclarer propre à l'homme ? Ne le doit-on pas reconnaître aux actions? car
les plaisirs en sont un accessoire indispensable. Soit donc qu'il n'y ait
qu'une action unique, soit qu'il y en ait plusieurs qui appartiennent à
l'homme vertueux et parfaitement heureux, les plaisirs propres à donner à
de telles actions leur degré de perfection, pourront proprement être
appelés les plaisirs de l'homme; les autres ne mériteront ce nom que d'une
manière secondaire, ou relative, et non absolue, comme les actions
auxquelles ils se joignent.
VI. Après avoir parlé des vertus, des amitiés et des plaisirs, il nous
reste à traiter sommairement du bonheur, puisque nous admettons qu'il est
la fin de toutes les choses humaines. Reprenant donc ce qui a été dit
précédemment sur ce sujet, nous pouvons en donner une description ou
définition plus abrégée. Or, nous avons dit qu'il n'est pas une habitude,
ou une disposition ; car alors il pourrait être le partage d'un homme
enseveli toute sa vie dans un profond sommeil, et n'ayant qu'une existence
purement végétative, ou de celui qui serait plongé dans les plus grandes
infortunes. (1176b) Si donc on ne saurait se contenter de cette
définition, s'il faut plutôt faire consister le bonheur dans une certaine
activité, comme on l'a dit précédemment, et si, entre les actions ou
opérations, il y en a qui sont comme des moyens indispensables, et qu'on
ne peut préférer que comme conduisant à quelque but ultérieur, et d'autres
que l'on doit préférer pour elles-mêmes, il est évident qu'il faut ranger
le bonheur dans cette dernière classe, et non pas dans celle des choses
que l'on préfère pour une autre fin : car le bonheur n'a besoin de rien,
mais se suffit à lui-même.
On peut regarder comme préférables par elles-mêmes, les actions dans
lesquelles on ne cherche rien de plus que l'activité même : et telles
sont, à ce qu'il semble, celles qui sont conformes à la vertu (car faire
des choses honnêtes et vertueuses, est du nombre des actions préférables
en elles-mêmes). (On peut aussi ranger dans cette classe) les
divertissements ou les jeux agréables; car on ne les préfère pas comme
moyens d'arriver à d'autres choses : au contraire, ils sont plutôt
nuisibles qu'utiles, nous faisant négliger le soin de notre santé et celui
de notre fortune. Cependant, la plupart de ceux dont on vante la félicité
ont recours à de tels amusements, et c'est ce qui fait que les hommes qui
s'y montrent ingénieux, et qui savent s'y prêter, jouissent d'une grande
considération auprès des tyrans. Car ceux-ci se montrent favorables et
bienveillants dans les choses qui sont l'objet de leurs désirs; ils ont
besoin de pareilles distractions, et elles passent pour des moyens de
bonheur, parce qu'on voit que les hommes élevés au pouvoir en sont
incessamment occupés.
Mais peut-être n'est-ce pas là une preuve (en faveur de cette opinion);
car ni la vertu ni l'esprit ou l'intelligence, d'où procèdent les actions
honorables et dignes d'estime, ne se trouvent dans l'exercice d'une grande
puissance : et, parce que ceux qui la possèdent, faute d'avoir jamais
connu le charme d'une volupté pure et digne d'un homme libre, ont recours
aux plaisirs des sens, ce n'est pas un motif pour croire qu'ils méritent,
en effet, la préférence. Car, enfin, les enfants aussi s'imaginent que les
choses qui les intéressent ont réellement une grande importance. Il est
donc raisonnable et juste, puisque les choses qui méritent l'estime des
hommes d'un âge mûr, sont tout autres que celles qui intéressent
l'enfance, qu'il y ait également quelque différence entre les goûts des
gens de mérite ou de vertu, et ceux des hommes vils ou méprisables. Or,
comme on l'a déjà dit bien des fois, il n'y a de réellement important
et agréable que ce qui l'est aux yeux de l'homme de bien : mais les
actions que chacun préfère à toutes les autres, sont celles qui sont le
plus conformes à sa nature et à ses dispositions propres; et, par
conséquent, celles qui obtiennent la préférence de l'homme vertueux, sont
les actions conformes à la vertu.
Le bonheur ne se trouve donc pas dans de frivoles amusements: car il
serait absurde d'en faire le but de toute sa vie, de ne s'occuper et de ne
prendre de la peine que dans la vue de s'amuser. Il n'y a rien, pour ainsi
dire, que nous ne recherchions en vue de quelque autre chose, excepté le
bonheur, parce qu'il est la fin, ou le but, par excellence. Ce serait donc
une sorte de stupidité, et une puérilité excessive, que de ne se proposer,
dans ses travaux et dans ses occupations les plus sérieuses, d'autre objet
que l'amusement. « Jouer, afin d'être capable des occupations sérieuses,»
comme dit Anacharsis, est, ce semble, une maxime fort sage; car le jeu est
une sorte de délassement, et l'on en a besoin, parce qu'on ne peut pas
travailler sans cesse.
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