[10,1177] Οὐ δὴ τέλος ἡ ἀνάπαυσις· (1177a) (1) γίνεται γὰρ ἕνεκα τῆς ἐνεργείας.
Δοκεῖ δ' ὁ εὐδαίμων βίος κατ' ἀρετὴν εἶναι· οὗτος δὲ μετὰ σπουδῆς, ἀλλ' οὐκ ἐν
παιδιᾷ. Βελτίω τε λέγομεν τὰ σπουδαῖα τῶν γελοίων καὶ μετὰ παιδιᾶς, καὶ
τοῦ βελτίονος ἀεὶ καὶ (5) μορίου καὶ ἀνθρώπου σπουδαιοτέραν τὴν ἐνέργειαν·
ἡ δὲ τοῦ βελτίονος κρείττων καὶ εὐδαιμονικωτέρα ἤδη. Ἀπολαύσειέ τ' ἂν τῶν
σωματικῶν ἡδονῶν ὁ τυχὼν καὶ ἀνδράποδον οὐχ ἧττον τοῦ ἀρίστου· εὐδαιμονίας
δ' οὐδεὶς ἀνδραπόδῳ μεταδίδωσιν, εἰ μὴ καὶ βίου. Οὐ γὰρ ἐν ταῖς τοιαύταις
διαγωγαῖς ἡ (10) εὐδαιμονία, ἀλλ' ἐν ταῖς κατ' ἀρετὴν ἐνεργείαις, καθάπερ
καὶ πρότερον εἴρηται.
VII. Εἰ δ' ἐστὶν ἡ εὐδαιμονία κατ' ἀρετὴν ἐνέργεια, εὔλογον κατὰ τὴν
κρατίστην· αὕτη δ' ἂν εἴη τοῦ ἀρίστου. Εἴτε δὴ νοῦς τοῦτο εἴτε ἄλλο τι, ὃ
δὴ κατὰ φύσιν δοκεῖ ἄρχειν καὶ ἡγεῖσθαι (15) καὶ ἔννοιαν ἔχειν περὶ καλῶν
καὶ θείων, εἴτε θεῖον ὂν καὶ αὐτὸ εἴτε τῶν ἐν ἡμῖν τὸ θειότατον, ἡ τούτου
ἐνέργεια κατὰ τὴν οἰκείαν ἀρετὴν εἴη ἂν ἡ τελεία εὐδαιμονία. Ὅτι δ' ἐστὶ
θεωρητική, εἴρηται. Ὁμολογούμενον δὲ τοῦτ' ἂν δόξειεν εἶναι καὶ τοῖς
πρότερον καὶ τῷ ἀληθεῖ. Κρατίστη τε γὰρ (20) αὕτη ἐστὶν ἡ ἐνέργεια (καὶ
γὰρ ὁ νοῦς τῶν ἐν ἡμῖν, καὶ τῶν γνωστῶν, περὶ ἃ ὁ νοῦς)· ἔτι δὲ
συνεχεστάτη· θεωρεῖν (τε) γὰρ δυνάμεθα συνεχῶς μᾶλλον ἢ πράττειν ὁτιοῦν.
Οἰόμεθά τε δεῖν ἡδονὴν παραμεμῖχθαι τῇ εὐδαιμονίᾳ, ἡδίστη δὲ τῶν κατ'
ἀρετὴν ἐνεργειῶν ἡ κατὰ τὴν σοφίαν ὁμολογουμένως (25) ἐστίν· δοκεῖ γοῦν ἡ
φιλοσοφία θαυμαστὰς ἡδονὰς ἔχειν καθαρειότητι καὶ τῷ βεβαίῳ, εὔλογον δὲ
τοῖς εἰδόσι τῶν ζητούντων ἡδίω τὴν διαγωγὴν εἶναι. Ἥ τε λεγομένη αὐτάρκεια
περὶ τὴν θεωρητικὴν μάλιστ' ἂν εἴη· τῶν μὲν γὰρ πρὸς τὸ ζῆν ἀναγκαίων καὶ
σοφὸς καὶ δίκαιος καὶ οἱ λοιποὶ δέονται, (30) τοῖς δὲ τοιούτοις ἱκανῶς
κεχορηγημένων ὁ μὲν δίκαιος δεῖται πρὸς οὓς δικαιοπραγήσει καὶ μεθ' ὧν,
ὁμοίως δὲ καὶ ὁ σώφρων καὶ ὁ ἀνδρεῖος καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστος, ὁ δὲ σοφὸς
καὶ καθ' αὑτὸν ὢν δύναται θεωρεῖν, καὶ ὅσῳ ἂν σοφώτερος ᾖ, μᾶλλον· βέλτιον
δ' ἴσως συνεργοὺς ἔχων, ἀλλ' ὅμως αὐταρκέστατος. (1177b) (1) Δόξαι τ' ἂν
αὐτὴ μόνη δι' αὑτὴν ἀγαπᾶσθαι· οὐδὲν γὰρ ἀπ' αὐτῆς γίνεται παρὰ τὸ
θεωρῆσαι, ἀπὸ δὲ τῶν πρακτικῶν ἢ πλεῖον ἢ ἔλαττον περιποιούμεθα παρὰ τὴν
πρᾶξιν. Δοκεῖ τε ἡ εὐδαιμονία ἐν τῇ σχολῇ εἶναι· ἀσχολούμεθα (5) γὰρ ἵνα
σχολάζωμεν, καὶ πολεμοῦμεν ἵν' εἰρήνην ἄγωμεν. Τῶν μὲν οὖν πρακτικῶν
ἀρετῶν ἐν τοῖς πολιτικοῖς ἢ ἐν τοῖς πολεμικοῖς ἡ ἐνέργεια, αἱ δὲ περὶ
ταῦτα πράξεις δοκοῦσιν ἄσχολοι εἶναι, αἱ μὲν πολεμικαὶ καὶ παντελῶς
(οὐδεὶς γὰρ αἱρεῖται τὸ πολεμεῖν τοῦ πολεμεῖν ἕνεκα, οὐδὲ (10)
παρασκευάζει πόλεμον· δόξαι γὰρ ἂν παντελῶς μιαιφόνος τις εἶναι, εἰ τοὺς
φίλους πολεμίους ποιοῖτο, ἵνα μάχαι καὶ φόνοι γίνοιντο)· ἔστι δὲ καὶ ἡ τοῦ
πολιτικοῦ ἄσχολος, καὶ παρ' αὐτὸ τὸ πολιτεύεσθαι περιποιουμένη δυναστείας
καὶ τιμὰς ἢ τήν γε εὐδαιμονίαν αὑτῷ καὶ τοῖς πολίταις, ἑτέραν (15) οὖσαν
τῆς πολιτικῆς, ἣν καὶ ζητοῦμεν δῆλον ὡς ἑτέραν οὖσαν. Εἰ δὴ τῶν μὲν κατὰ
τὰς ἀρετὰς πράξεων αἱ πολιτικαὶ καὶ πολεμικαὶ κάλλει καὶ μεγέθει
προέχουσιν, αὗται δ' ἄσχολοι καὶ τέλους τινὸς ἐφίενται καὶ οὐ δι' αὑτὰς
αἱρεταί εἰσιν, ἡ δὲ τοῦ νοῦ ἐνέργεια σπουδῇ τε διαφέρειν δοκεῖ θεωρητικὴ
(20) οὖσα, καὶ παρ' αὑτὴν οὐδενὸς ἐφίεσθαι τέλους, καὶ ἔχειν τὴν ἡδονὴν
οἰκείαν (αὕτη δὲ συναύξει τὴν ἐνέργειαν), καὶ τὸ αὔταρκες δὴ καὶ
σχολαστικὸν καὶ ἄτρυτον ὡς ἀνθρώπῳ, καὶ ὅσα ἄλλα τῷ μακαρίῳ ἀπονέμεται, τὰ
κατὰ ταύτην τὴν ἐνέργειαν φαίνεται ὄντα· ἡ τελεία δὴ εὐδαιμονία αὕτη ἂν
εἴη ἀνθρώπου, (25) λαβοῦσα μῆκος βίου τέλειον· οὐδὲν γὰρ ἀτελές ἐστι τῶν
τῆς εὐδαιμονίας. Ὁ δὲ τοιοῦτος ἂν εἴη βίος κρείττων ἢ κατ' ἄνθρωπον· οὐ
γὰρ ᾗ ἄνθρωπός ἐστιν οὕτω βιώσεται, ἀλλ' ᾗ θεῖόν τι ἐν αὐτῷ ὑπάρχει· ὅσον
δὲ διαφέρει τοῦτο τοῦ συνθέτου, τοσοῦτον καὶ ἡ ἐνέργεια τῆς κατὰ τὴν ἄλλην
ἀρετήν. (30) Εἰ δὴ θεῖον ὁ νοῦς πρὸς τὸν ἄνθρωπον, καὶ ὁ κατὰ τοῦτον βίος
θεῖος πρὸς τὸν ἀνθρώπινον βίον.
Οὐ χρὴ δὲ κατὰ τοὺς παραινοῦντας ἀνθρώπινα
φρονεῖν ἄνθρωπον ὄντα οὐδὲ θνητὰ τὸν θνητόν, ἀλλ' ἐφ' ὅσον ἐνδέχεται
ἀθανατίζειν καὶ πάντα ποιεῖν πρὸς τὸ ζῆν κατὰ τὸ κράτιστον τῶν ἐν αὑτῷ· εἰ
γὰρ καὶ τῷ ὄγκῳ μικρόν ἐστι,
| [10,1177] Mais le délassement n'est pas un but, (1177a)
puisqu'au contraire, il est une préparation à l'action. D'ailleurs, on
regarde ordinairement comme heureuse une vie conforme à la vertu ; or, une
telle vie est accompagnée de travail et d'étude, et ne se compose pas
toute de divertissements ou de frivoles jeux. L'on dit encore, en général,
que les choses sérieuses valent mieux que celles qui ne sont que
plaisantes ou amusantes; et l'on regarde les actes de la partie de notre
être la plus précieuse, ou ceux de l'homme le plus estimable, comme
des actes plus sérieux; or, ce qui appartient à un être plus digne
d'estime et meilleur, est dès lors plus précieux et plus propre à nous
rendre heureux. Enfin, tout individu, quel qu'il soit d'ailleurs, même un
esclave, est aussi capable de jouir des plaisirs des sens que l'homme le
plus vertueux. Mais nul homme ne petit faire entrer un esclave en partage
du bonheur, s'il ne lui fait adopter aussi le genre de vie qui le
donne; car ce n'est pas dans de tels passe-temps que consiste le bonheur,
mais dans les actes qui sont conformes à la vertu, comme ou l'a déjà dit.
VII. Mais, si le bonheur est une manière d'agir toujours conforme à la
vertu, il est naturel de penser que ce doit être à la vertu la plus
parfaite, c'est-à-dire, à celle de l'homme le plus excellent. Que ce soit
donc l'esprit, ou quelque autre principe auquel appartient naturellement
l'empire et la prééminence, et qui semble comprendre en soi l'intelligence
de tout ce qu'il y a de sublime et de divin; que ce soit même un principe
divin, ou au moins ce qu'il y a en nous de plus divin, le parfait bonheur
ne saurait être que l'action de ce principe dirigée par la vertu qui lui
est propre; et nous avons déjà dit qu'elle est purement spéculative, on
contemplative. Au reste, cela semble s'accorder entièrement avec ce
que nous avons dit sur ce sujet, et avec la vérité : car cette action est,
en effet, la plus puissante, puisque l'entendement est ce qu'il y a en
nous de plus merveilleux, et qu'entre les choses qui peuvent être connues,
celles qu'il peut connaître sont les plus importantes. Son action est
aussi la plus continue ; car il nous est plus possible de nous livrer,
sans interruption, à la contemplation, que de faire sans cesse quelque
chose que ce soit. Nous pensons aussi qu'il fut que le bonheur soit
accompagné et, pour ainsi dire, mêlé de quelque plaisir : or, entre les
actes conformes à la vertu, ceux qui sont dirigés par la sagesse sont
incontestablement ceux qui nous causent le plus de joie; et, par
conséquent, la sagesse semble comprendre en soi les plaisirs les plus
ravissants par leur pureté et par la sécurité qui les accompagne ; et
il n'y a pas de doute que les hommes instruits passent leur temps d'une
manière plus agréable que ceux qui cherchent et qui ignorent.
D'un autre côté, ce qu'on a appelé la condition de se suffire à soi-même
se trouve surtout dans la vie contemplative : car l'homme juste et sage a
besoin, comme tous les autres hommes, de se procurer les choses
nécessaires à l'existence; mais, entre ceux qui en sont suffisamment
pourvus, l'homme juste a encore besoin de trouver des personnes envers qui
et avec qui il puisse pratiquer la justice, et il en sera de même de celui
qui est tempérant ou courageux, ou qui possède telle ou telle autre vertu
particulière; au lieu que le sage, même dans l'isolement le plus absolu,
peut encore se livrer à la contemplation, et le peut d'autant plus qu'il a
plus de sagesse. Peut-être néanmoins le pourrait-il mieux s'il associait
d'autres personnes à ses travaux; mais il est pourtant de tous les hommes
celui qui peut le plus se suffire à lui-même. (1177b) D'ailleurs, la vie
contemplative seule semble pouvoir nous charmer par elle-même, puisqu'elle
n'a point d'autre résultat que la contemplation, tandis que, dans la vie
active, il y a toujours, outre l'action, quelque produit dont on est plus
ou moins obligé de s'occuper.
Il semble aussi que le bonheur consiste dans le loisir; car nous ne
travaillons que pour nous procurer du loisir, et nous faisons la guerre
pour obtenir la paix. Aussi est-ce dans les travaux de la guerre et de
l'administration que se manifeste l'activité des vertus pratiques; et les
actions de cette espèce ne laissent aucun moment de loisir, surtout les
actions militaires. Car il n'y a personne qui veuille se préparer à la
guerre, et la faire uniquement pour le plaisir de la faire; ce serait une
horrible scélératesse que de semer la haine et la discorde entre des amis,
afin de susciter entre eux des combats et des meurtres. Mais le bonheur de
l'homme chargé de la conduite des affaires publiques lui laisse bien peu
de loisirs, et, outre les soins de l'administration, il est sans cesse
occupé à acquérir de la puissance et des honneurs, ou à se procurer à
lui-même et à ses concitoyens un bonheur tout différent de celui que donne
la vie purement contemplative, et que nous cherchons: il est évident
que c'est une tout autre espèce de bonheur.
Si donc, entre les actions qui sont conformes à la vertu, celles d'un
homme livré aux travaux de l'administration et de la guerre, l'emportent
par leur éclat et par leur importance, mais ne laissent aucun moment de
loisir, tendent toujours à quelque but, et ne sont nullement préférables
par elles-mêmes, tandis que l'activité de l'esprit, qui semble être d'une
nature plus noble, étant purement contemplative, n'ayant d'autre fin
qu'elle-même, et portant avec soi une volupté qui lui est propre, donne
plus d'énergie (a nos facultés); si la condition de se suffire à soi-même,
un loisir exempt de toute fatigue corporelle (autant que le comporte la
nature de l'homme), et tous les autres avantages qui caractérisent la
félicité parfaite, sont le partage de ce genre d'activité : il s'ensuit
que c'est elle qui est réellement le bonheur de l'homme, quand elle a
rempli toute la durée de sa vie; car rien d'imparfait ne peut être compté
parmi les éléments ou conditions du bonheur.
Cependant, une telle vie serait au-dessus de la condition humaine ; car ce
n'est pas comme homme qu'on pourrait vivre ainsi, mais comme ayant en soi
quelque chose de divin; et autant ce principe est supérieur à ce qui est
composé (d'un corps et d'une âme), autant l'opération (qui lui appartient
exclusivement) est au-dessus de celles qui dépendent des facultés d'un
autre ordre. Or, si l'esprit est quelque chose de divin par rapport à
l'homme, de même une telle vie est divine par rapport à la vie de l'homme.
Il ne faut donc pas suivre le conseil de ceux qui veulent qu'on n'ait que
des sentiments conformes à l'humanité, parce qu'on est homme, et qu'on
n'aspire qu'à la destinée d'une créature mortelle, puisqu'on est mortel ;
mais nous devons nous appliquer, autant qu'il est possible, à nous
rendre dignes de l'immortalité, et faire tous nos efforts pour conformer
notre vie à ce qu'il y a en nous de plus sublime. Car, si ce principe
divin est petit par l'espace qu'il occupe,
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