[10,1174] (1174a) (1) Οὐδείς τ' ἂν ἕλοιτο ζῆν παιδίου διάνοιαν ἔχων διὰ βίου,
ἡδόμενος ἐφ' οἷς τὰ παιδία ὡς οἷόν τε μάλιστα, οὐδὲ χαίρειν ποιῶν τι τῶν
αἰσχίστων, μηδέποτε μέλλων λυπηθῆναι. Περὶ πολλά τε σπουδὴν ποιησαίμεθ'
(5) ἂν καὶ εἰ μηδεμίαν ἐπιφέροι ἡδονήν, οἷον ὁρᾶν, μνημονεύειν, εἰδέναι,
τὰς ἀρετὰς ἔχειν. Εἰ δ' ἐξ ἀνάγκης ἕπονται τούτοις ἡδοναί, οὐδὲν διαφέρει·
ἑλοίμεθα γὰρ ἂν ταῦτα καὶ εἰ μὴ γίνοιτ' ἀπ' αὐτῶν ἡδονή. Ὅτι μὲν οὖν οὔτε
τἀγαθὸν ἡ ἡδονὴ οὔτε πᾶσα αἱρετή, δῆλον ἔοικεν εἶναι, καὶ (10) ὅτι εἰσί
τινες αἱρεταὶ καθ' αὑτὰς διαφέρουσαι τῷ εἴδει ἢ ἀφ' ὧν. Τὰ μὲν οὖν
λεγόμενα περὶ τῆς ἡδονῆς καὶ λύπης ἱκανῶς εἰρήσθω.
IV. Τί δ' ἐστὶν ἢ ποῖόν τι, καταφανέστερον γένοιτ' ἂν ἀπ' ἀρχῆς
ἀναλαβοῦσιν. Δοκεῖ γὰρ ἡ μὲν ὅρασις καθ' ὁντινοῦν (15) χρόνον τελεία
εἶναι· οὐ γάρ ἐστιν ἐνδεὴς οὐδενὸς ὃ εἰς ὕστερον γινόμενον τελειώσει αὐτῆς
τὸ εἶδος· τοιούτῳ δ' ἔοικε καὶ ἡ ἡδονή. Ὅλον γάρ τι ἐστί, καὶ κατ' οὐδένα
χρόνον λάβοι τις ἂν ἡδονὴν ἧς ἐπὶ πλείω χρόνον γινομένης τελειωθήσεται τὸ
εἶδος. Διόπερ οὐδὲ κίνησίς ἐστιν. Ἐν χρόνῳ γὰρ πᾶσα κίνησις (20) καὶ
τέλους τινός, οἷον ἡ οἰκοδομική, καὶ τελεία ὅταν ποιήσῃ οὗ ἐφίεται. Ἢ ἐν
ἅπαντι δὴ τῷ χρόνῳ ἢ τούτῳ. Ἐν δὲ τοῖς μέρεσι καὶ τῷ χρόνῳ πᾶσαι ἀτελεῖς,
καὶ ἕτεραι τῷ εἴδει τῆς ὅλης καὶ ἀλλήλων. Ἡ γὰρ τῶν λίθων σύνθεσις ἑτέρα
τῆς τοῦ κίονος ῥαβδώσεως, καὶ αὗται τῆς τοῦ ναοῦ ποιήσεως· καὶ (25) ἡ μὲν
τοῦ ναοῦ τελεία (οὐδενὸς γὰρ ἐνδεὴς πρὸς τὸ προκείμενον), ἡ δὲ τῆς
κρηπῖδος καὶ τοῦ τριγλύφου ἀτελής· μέρους γὰρ ἑκατέρα. Τῷ εἴδει οὖν
διαφέρουσι, καὶ οὐκ ἔστιν ἐν ὁτῳοῦν χρόνῳ λαβεῖν κίνησιν τελείαν τῷ εἴδει,
ἀλλ' εἴπερ, ἐν τῷ ἅπαντι. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ βαδίσεως καὶ τῶν λοιπῶν. Εἰ
(30) γάρ ἐστιν ἡ φορὰ κίνησις πόθεν ποῖ, καὶ ταύτης διαφοραὶ κατ' εἴδη,
πτῆσις βάδισις ἅλσις καὶ τὰ τοιαῦτα. Οὐ μόνον δ' οὕτως, ἀλλὰ καὶ ἐν αὐτῇ
τῇ βαδίσει· τὸ γὰρ πόθεν ποῖ οὐ τὸ αὐτὸ ἐν τῷ σταδίῳ καὶ ἐν τῷ μέρει, καὶ
ἐν ἑτέρῳ μέρει καὶ ἐν ἑτέρῳ, οὐδὲ τὸ διεξιέναι τὴν γραμμὴν τήνδε κἀκείνην·
(1174b) (1) οὐ μόνον γὰρ γραμμὴν διαπορεύεται, ἀλλὰ καὶ ἐν τόπῳ οὖσαν, ἐν
ἑτέρῳ δ' αὕτη ἐκείνης. Δι' ἀκριβείας μὲν οὖν περὶ κινήσεως ἐν ἄλλοις
εἴρηται, ἔοικε δ' οὐκ ἐν ἅπαντι χρόνῳ τελεία εἶναι, ἀλλ' αἱ πολλαὶ ἀτελεῖς
καὶ διαφέρουσαι τῷ (5) εἴδει, εἴπερ τὸ πόθεν ποῖ εἰδοποιόν. Τῆς ἡδονῆς δ'
ἐν ὁτῳοῦν χρόνῳ τέλειον τὸ εἶδος. Δῆλον οὖν ὡς ἕτεραί τ' ἂν εἶεν ἀλλήλων,
καὶ τῶν ὅλων τι καὶ τελείων ἡ ἡδονή. Δόξειε δ' ἂν τοῦτο καὶ ἐκ τοῦ μὴ
ἐνδέχεσθαι κινεῖσθαι μὴ ἐν χρόνῳ, ἥδεσθαι δέ· τὸ γὰρ ἐν τῷ νῦν ὅλον τι. Ἐκ
τούτων δὲ δῆλον καὶ (10) ὅτι οὐ καλῶς λέγουσι κίνησιν ἢ γένεσιν εἶναι τὴν
ἡδονήν. Οὐ γὰρ πάντων ταῦτα λέγεται, ἀλλὰ τῶν μεριστῶν καὶ μὴ ὅλων· οὐδὲ
γὰρ ὁράσεώς ἐστι γένεσις οὐδὲ στιγμῆς οὐδὲ μονάδος, οὐδὲ τούτων οὐθὲν
κίνησις οὐδὲ γένεσις· οὐδὲ δὴ ἡδονῆς· ὅλον γάρ τι. Αἰσθήσεως δὲ πάσης πρὸς
τὸ αἰσθητὸν ἐνεργούσης, (15) τελείως δὲ τῆς εὖ διακειμένης πρὸς τὸ
κάλλιστον τῶν ὑπὸ τὴν αἴσθησιν ̔τοιοῦτον γὰρ μάλιστ' εἶναι δοκεῖ ἡ τελεία
ἐνέργεια· αὐτὴν δὲ λέγειν ἐνεργεῖν, ἢ ἐν ᾧ ἐστί, μηθὲν διαφερέτὠ, καθ'
ἑκάστην δὴ βελτίστη ἐστὶν ἡ ἐνέργεια τοῦ ἄριστα διακειμένου πρὸς τὸ
κράτιστον τῶν ὑπ' αὐτήν. Αὕτη δ' ἂν (20) τελειοτάτη εἴη καὶ ἡδίστη. Κατὰ
πᾶσαν γὰρ αἴσθησίν ἐστιν ἡδονή, ὁμοίως δὲ καὶ διάνοιαν καὶ θεωρίαν, ἡδίστη
δ' ἡ τελειοτάτη, τελειοτάτη δ' ἡ τοῦ εὖ ἔχοντος πρὸς τὸ σπουδαιότατον τῶν
ὑπ' αὐτήν· τελειοῖ δὲ τὴν ἐνέργειαν ἡ ἡδονή. Οὐ τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον ἥ τε
ἡδονὴ τελειοῖ καὶ τὸ αἰσθητόν τε (25) καὶ ἡ αἴσθησις, σπουδαῖα ὄντα, ὥσπερ
οὐδ' ἡ ὑγίεια καὶ ὁ ἰατρὸς ὁμοίως αἰτία ἐστὶ τοῦ ὑγιαίνειν. Καθ' ἑκάστην
δ' αἴσθησιν ὅτι γίνεται ἡδονή, δῆλον (φαμὲν γὰρ ὁράματα καὶ ἀκούσματα
εἶναι ἡδέα)· δῆλον δὲ καὶ ὅτι μάλιστα, ἐπειδὰν ἥ τε αἴσθησις ᾖ κρατίστη
καὶ πρὸς τοιοῦτον ἐνεργῇ· τοιούτων δ' (30) ὄντων τοῦ τε αἰσθητοῦ καὶ τοῦ
αἰσθανομένου, ἀεὶ ἔσται ἡδονὴ ὑπάρχοντός γε τοῦ τε ποιήσοντος καὶ τοῦ
πεισομένου. Τελειοῖ δὲ τὴν ἐνέργειαν ἡ ἡδονὴ οὐχ ὡς ἡ ἕξις ἐνυπάρχουσα,
ἀλλ' ὡς ἐπιγινόμενόν τι τέλος, οἷον τοῖς ἀκμαίοις ἡ ὥρα. Ἓως ἂν οὖν τό τε
νοητὸν ἢ αἰσθητὸν ᾖ οἷον δεῖ καὶ τὸ κρῖνον ἢ θεωροῦν,
| [10,1174] (1174a) Il n'y a même personne qui consentit à n'avoir toute sa vie que la raison et l'intelligence d'un enfant, se livrant aux jouissances que l'on
croit être le plus agréables à cet âge; ou qui voulût se plaire à faire
des choses infâmes, quand même il ne devrait jamais en résulter de peine
pour lui. Un grand nombre de choses pourraient même encore nous
intéresser, dussent-elles ne nous procurer aucun plaisir, comme voir, se
ressouvenir, avoir de la science, des vertus. Et il n'importe pas que le
plaisir accompagne toujours nécessairement ces divers actes de nos
facultés; car nous les préférerions encore, s'il n'en devait résulter
aucun plaisir.
Il paraît donc évident que ni la volupté n'est le bien par excellence, ni
toute volupté n'est désirable, et qu'il y a des plaisirs préférables en
eux-mêmes, mais qui diffèrent d'espèce, ou à raison des causes qui les
produisent. Mais en voilà assez sur la peine et le plaisir.
IV. Nous parviendrons, au reste, à connaître plus clairement quelle en est
l'essence et le caractère distinctif, en reprenant tout-à-fait la
question. Car le sens de la vue remplit ses fonctions dans un temps quel
qu'il soit; il n'a besoin de rien de plus pour mettre ultérieurement à
même de rendre complète l'espèce de sensation qu'il est destiné à avoir.
Or, il semble que le plaisir est quelque chose de pareil : car il est
toujours entier et complet; et, dans aucun moment, on ne saurait ressentir
un plaisir, qui, prolongé plus longtemps, devînt complet dans son espèce.
Voilà pourquoi il n'est pas un mouvement; car tout mouvement s'accomplit
dans un temps donné, et a une fin déterminée : tel est, par exemple, le
mouvement employé à construire une maison, lorsque ce qu'on voulait faire
a été exécuté. (Tout mouvement s'exécute donc) dans un intervalle de temps
tout entier, ou dans un moment déterminé; mais ceux qui se font dans des
parties (de cet intervalle) sont tous imparfaits, et diffèrent en espèce,
soit du tout, soit les uns des autres. Car, par exemple, la pose des
pierres et le travail nécessaire pour les cannelures des colonnes, exigent
des mouvements d'espèces différentes, et qui ne sont pas les mêmes que la
construction entière du temple; car son exécution complète est quelque
chose de définitif et de parfait, puisqu'il ne faut rien de plus pour le
but qu'on s'était proposé. Au contraire, les travaux des fondations, ceux
de l'exécution des triglyphes, donnent lieu à des mouvements imparfaits;
car ils ne sont relatifs qu'à des parties, et, par conséquent, ils
diffèrent d'espèce. En un mot, dans un temps quel qu'il soit, il ne se
trouve pas de mouvement parfait dans son espèce, à moins qu'on ne
considère comme tel l'ensemble de ceux qui ont contribué à l'exécution
d'un tout.
Il en sera ainsi du mouvement progressif, et de tous les autres. En
effet, le transport est un mouvement, soit qu'on parte d'un lieu, ou qu'on
aille dans un lieu, et ainsi des autres espèces dans ce genre, comme le
vol, la marche, le saut, et les autres (sortes de mouvements progressifs).
Et non seulement cela est vrai, en général; mais cela l'est même pour la
marche en particulier. Car, si l'on considère le point de départ et le
terme vers lequel on tend le mouvement ne sera pas le même dans le stade
et dans une partie du stade, ou dans telle ou telle autre partie. Il ne
sera pas le même pour décrire une ligne ou une autre : (1174b) car non
seulement on parcourt cette ligne, mais on la parcourt dans un lieu où
elle n'est plus la même que dans un autre. Mais nous avons traité ailleurs
ce sujet avec beaucoup de détail.
On voit donc que le mouvement n'est pas complet et parfait dans tout
intervalle de temps quel qu'il soit, mais que la plupart des mouvements
sont imparfaits et d'espèces diverses, si la considération du point de
départ et de la direction constituent des espèces différentes. Au
contraire, l'espèce du plaisir est parfaite et complète dans quelque
intervalle de temps que ce soit. La volupté et le mouvement sont donc des
choses essentiellement différentes l'une de l'autre ; la volupté est du
genre de celles qui sont entières et parfaites. C'est ce dont on peut se
convaincre, en considérant qu'il n'est pas possible que le mouvement
s'exécute sans la condition du temps; au lieu que le plaisir existe
indépendamment de cette condition; car celui qu'on éprouve dans le moment
actuel est quelque chose de complet et d'entier. Ce qui prouve aussi que
l'on a tort de dire que le plaisir soit mouvement ou génération; car cela
ne saurait se dire que des choses qui sont divisibles, et qui ne composent
point un tout. Ainsi l'on ne peut pas dire de la vue qu'elle soit
génération ; on ne peut le dire ni d'un point, ni d'une monade (unité) :
aucune de ces choses n'est donc ni génération ni mouvement, et, par
conséquent, la volupté ou le plaisir; car il est un tout indivisible.
Comme chacun de nos sens agit sur l'objet propre à l'affecter, et comme un
sens bien disposé agit d'une manière parfaite, quand il est affecté par le
plus beau des objets propres à faire impression sur lui (car c'est là
surtout ce qui semble constituer la perfection de l'action, et peu importe
qu'on attribue cette action au sens lui-même, ou à l'objet dont il est
affecté), on peut conclure de là qu'en chaque genre, l'action la plus
excellente est celle du sens le mieux disposé sur le plus admirable des
objets soumis à son action. Elle sera donc aussi la plus parfaite et la
plus agréable ; car chacun de nos sens est susceptible d'éprouver du
plaisir, et l'on peut en dire autant de nos facultés de réflexion et de
contemplation. L'action des sens la plus agréable est donc la plus
parfaite, et la plus parfaite est celle du sens le mieux disposé par
rapport à ce qu'il y a de plus accompli parmi les objets dont il reçoit
les impressions. Cependant, c'est le plaisir qui rend l'action parfaite,
mais non pas de la même manière que l'objet sensible rend le sens parfait,
quand l'un et l'autre sont dans une condition ou situation convenables; de
même que la santé et le médecin ne sont pas des causes qui contribuent, en
même manière, à la guérison.
Au reste, il est évident que le plaisir nous arrive par tous les sens,
puisque nous appelons agréables certaines sensations de la vue et de
l'ouïe; et il n'est pas moins évident qu'il sera d'autant plus vif que la
sensation elle-même aura plus de vivacité, et qu'elle sera excitée par un
objet de ce genre; et tant que l'objet sensible et l'être capable de
sentir seront dans une telle condition, le plaisir ne saurait manquer de
naître, puisque la cause propre à le produire et l'être capable de
l'éprouver seront en présence. Cependant, le plaisir ne rend pas l'action
complète, comme le ferait une disposition innée, mais comme une fin, un
complément qui survient (s'il le faut ainsi dire) comme la beauté chez
ceux qui sont dans la fleur de l'âge ; et tant que l'objet des sens ou
celui de l'intelligence d'une part, et de l'autre la faculté de juger, ou
la faculté de contemplation,
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