[10,1173] (1173a) (1) Ἃ γὰρ πᾶσι δοκεῖ,
ταῦτ' εἶναί φαμεν· ὁ δ' ἀναιρῶν ταύτην τὴν πίστιν οὐ πάνυ πιστότερα ἐρεῖ.
Εἰ μὲν γὰρ τὰ ἀνόητα ὀρέγεται αὐτῶν, ἦν ἄν τι λεγόμενον, εἰ δὲ καὶ τὰ
φρόνιμα, πῶς λέγοιεν ἄν τι; ἴσως δὲ καὶ ἐν τοῖς φαύλοις ἔστι τι φυσικὸν
ἀγαθὸν (5) κρεῖττον ἢ καθ' αὑτά, ὃ ἐφίεται τοῦ οἰκείου ἀγαθοῦ. Οὐκ ἔοικε
δὲ οὐδὲ περὶ τοῦ ἐναντίου καλῶς λέγεσθαι. Οὐ γάρ φασιν, εἰ ἡ λύπη κακόν
ἐστι, τὴν ἡδονὴν ἀγαθὸν εἶναι· ἀντικεῖσθαι γὰρ καὶ κακὸν κακῷ καὶ ἄμφω τῷ
μηδετέρῳ - λέγοντες ταῦτα οὐ κακῶς, οὐ μὴν ἐπί γε τῶν εἰρημένων
ἀληθεύοντες. (10) Ἀμφοῖν γὰρ ὄντοιν <τῶν> κακῶν καὶ φευκτὰ ἔδει ἄμφω
εἶναι, τῶν μηδετέρων δὲ μηδέτερον ἢ ὁμοίως· νῦν δὲ φαίνονται τὴν μὲν
φεύγοντες ὡς κακόν, τὴν δ' αἱρούμενοι ὡς ἀγαθόν· οὕτω δὴ καὶ ἀντίκειται.
III. Οὐ μὴν οὐδ' εἰ μὴ τῶν ποιοτήτων ἐστὶν ἡ ἡδονή, διὰ τοῦτ' οὐδὲ τῶν
ἀγαθῶν· οὐδὲ γὰρ αἱ τῆς (15) ἀρετῆς ἐνέργειαι ποιότητές εἰσιν, οὐδ' ἡ
εὐδαιμονία. Λέγουσι δὲ τὸ μὲν ἀγαθὸν ὡρίσθαι, τὴν δ' ἡδονὴν ἀόριστον
εἶναι, ὅτι δέχεται τὸ μᾶλλον καὶ (τὸ) ἧττον. Εἰ μὲν οὖν ἐκ τοῦ ἥδεσθαι
τοῦτο κρίνουσι, καὶ περὶ τὴν δικαιοσύνην καὶ τὰς ἄλλας ἀρετάς, καθ' ἃς
ἐναργῶς φασὶ μᾶλλον καὶ ἧττον τοὺς ποιοὺς ὑπάρχειν (20) καὶ <πράττειν>
κατὰ τὰς ἀρετάς, ἔσται ταὐτά· δίκαιοι γάρ εἰσι μᾶλλον καὶ ἀνδρεῖοι, ἔστι
δὲ καὶ δικαιοπραγεῖν καὶ σωφρονεῖν μᾶλλον καὶ ἧττον. Εἰ δὲ ταῖς ἡδοναῖς,
μή ποτ' οὐ λέγουσι τὸ αἴτιον, ἂν ὦσιν αἳ μὲν ἀμιγεῖς αἳ δὲ μικταί. Καὶ τί
κωλύει, καθάπερ ὑγίεια ὡρισμένη οὖσα δέχεται τὸ μᾶλλον (25) καὶ (τὸ)
ἧττον, οὕτω καὶ τὴν ἡδονήν; οὐ γὰρ ἡ αὐτὴ συμμετρία ἐν πᾶσίν ἐστιν, οὐδ'
ἐν τῷ αὐτῷ μία τις ἀεί, ἀλλ' ἀνιεμένη διαμένει ἕως τινός, καὶ διαφέρει τῷ
μᾶλλον καὶ ἧττον. Τοιοῦτον δὴ καὶ τὸ περὶ τὴν ἡδονὴν ἐνδέχεται εἶναι.
Τέλειόν τε τἀγαθὸν τιθέντες, τὰς δὲ κινήσεις καὶ τὰς γενέσεις (30)
ἀτελεῖς, τὴν ἡδονὴν κίνησιν καὶ γένεσιν ἀποφαίνειν πειρῶνται. Οὐ καλῶς δ'
ἐοίκασι λέγειν οὐδ' εἶναι κίνησιν. Πάσῃ γὰρ οἰκεῖον εἶναι δοκεῖ τάχος καὶ
βραδυτής, καὶ εἰ μὴ καθ' αὑτήν, οἷον τῇ τοῦ κόσμου, πρὸς ἄλλο· τῇ δ' ἡδονῇ
τούτων οὐδέτερον ὑπάρχει. Ἡσθῆναι μὲν γὰρ ἔστι ταχέως ὥσπερ ὀργισθῆναι,
(1173b) (1) ἥδεσθαι δ' οὔ, οὐδὲ πρὸς ἕτερον, βαδίζειν δὲ καὶ αὔξεσθαι καὶ
πάντα τὰ τοιαῦτα. Μεταβάλλειν μὲν οὖν εἰς τὴν ἡδονὴν ταχέως καὶ βραδέως
ἔστιν, ἐνεργεῖν δὲ κατ' αὐτὴν οὐκ ἔστι ταχέως, λέγω δ' ἥδεσθαι. Γένεσίς τε
πῶς ἂν εἴη; (5) Δοκεῖ γὰρ οὐκ ἐκ τοῦ τυχόντος τὸ τυχὸν γίνεσθαι, ἀλλ' ἐξ
οὗ γίνεται, εἰς τοῦτο διαλύεσθαι· καὶ οὗ γένεσις ἡ ἡδονή, τούτου ἡ λύπη
φθορά. Καὶ λέγουσι δὲ τὴν μὲν λύπην ἔνδειαν τοῦ κατὰ φύσιν εἶναι, τὴν δ'
ἡδονὴν ἀναπλήρωσιν. Ταῦτα δὲ σωματικά ἐστι τὰ πάθη. Εἰ δή ἐστι τοῦ κατὰ
φύσιν ἀναπλήρωσις (10) ἡ ἡδονή, ἐν ᾧ ἡ ἀναπλήρωσις, τοῦτ' ἂν καὶ ἥδοιτο·
τὸ σῶμα ἄρα· οὐ δοκεῖ δέ· οὐδ' ἔστιν ἄρα ἡ ἀναπλήρωσις ἡδονή, ἀλλὰ
γινομένης μὲν ἀναπληρώσεως ἥδοιτ' ἄν τις, καὶ †τεμνόμενος† λυποῖτο. Ἡ δόξα
δ' αὕτη δοκεῖ γεγενῆσθαι ἐκ τῶν περὶ τὴν τροφὴν λυπῶν καὶ ἡδονῶν· ἐνδεεῖς
γὰρ γενομένους (15) καὶ προλυπηθέντας ἥδεσθαι τῇ ἀναπληρώσει. Τοῦτο δ' οὐ
περὶ πάσας συμβαίνει τὰς ἡδονάς· ἄλυποι γάρ εἰσιν αἵ τε μαθηματικαὶ καὶ
τῶν κατὰ τὰς αἰσθήσεις αἱ διὰ τῆς ὀσφρήσεως, καὶ ἀκροάματα δὲ καὶ ὁράματα
πολλὰ καὶ μνῆμαι καὶ ἐλπίδες. Τίνος οὖν αὗται γενέσεις ἔσονται; οὐδενὸς
(20) γὰρ ἔνδεια γεγένηται, οὗ γένοιτ' ἂν ἀναπλήρωσις. Πρὸς δὲ τοὺς
προφέροντας τὰς ἐπονειδίστους τῶν ἡδονῶν λέγοι τις ἂν ὅτι οὐκ ἔστι ταῦθ'
ἡδέα (οὐ γὰρ εἰ τοῖς κακῶς διακειμένοις ἡδέα ἐστίν, οἰητέον αὐτὰ καὶ ἡδέα
εἶναι πλὴν τούτοις, καθάπερ οὐδὲ τὰ τοῖς κάμνουσιν ὑγιεινὰ ἢ γλυκέα ἢ
πικρά, οὐδ' αὖ (25) λευκὰ τὰ φαινόμενα τοῖς ὀφθαλμιῶσιν)· ἢ οὕτω λέγοι τις
ἄν, ὅτι αἱ μὲν ἡδοναὶ αἱρεταί εἰσιν, οὐ μὴν ἀπό γε τούτων, ὥσπερ καὶ τὸ
πλουτεῖν, προδόντι δ' οὔ, καὶ τὸ ὑγιαίνειν, οὐ μὴν ὁτιοῦν φαγόντι· ἢ τῷ
εἴδει διαφέρουσιν αἱ ἡδοναί· ἕτεραι γὰρ αἱ ἀπὸ τῶν καλῶν τῶν ἀπὸ τῶν
αἰσχρῶν, καὶ οὐκ ἔστιν ἡσθῆναι (30) τὴν τοῦ δικαίου μὴ ὄντα δίκαιον οὐδὲ
τὴν τοῦ μουσικοῦ μὴ ὄντα μουσικόν, ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Ἐμφανίζειν
δὲ δοκεῖ καὶ ὁ φίλος ἕτερος ὢν τοῦ κόλακος οὐκ οὖσαν ἀγαθὸν τὴν ἡδονὴν ἢ
διαφόρους εἴδει· ὃ μὲν γὰρ πρὸς τἀγαθὸν ὁμιλεῖν δοκεῖ, ὃ δὲ πρὸς ἡδονήν,
καὶ τῷ μὲν ὀνειδίζεται, τὸν δ' ἐπαινοῦσιν ὡς πρὸς ἕτερα ὁμιλοῦντα.
| [10,1173] (1173a)
car on doit croire à la réalité de ce qui est attesté par l'assentiment universel
; et celui qui renverse une telle croyance ne dira rien qui puisse mériter
plus de confiance. En effet, s'il n'y avait que les êtres dépourvus de
raison qui recherchassent la volupté, peut-être l'objection aurait-elle
quelque force; mais, si les créatures raisonnables éprouvent le même
attrait, alors que signifie-t-elle? Il se peut, au reste, qu'il y ait,
dans les êtres les plus abjects, un don naturel et supérieur à eux-mêmes,
qui les porte vers le bien qui leur est propre.
D'ailleurs, on ne réfute pas victorieusement l'argument en sens contraire
: car on nie que, si la douleur est un mal, le plaisir doive être un bien,
attendu, dit-on, qu'il peut se faire qu'un mal soit le contraire d'un
autre mal, et que l'un et l'autre ne soient le contraire d'aucun des deux
; en quoi on peut avoir raison : mais on n'objecte rien de solide et de
vrai contre ce qu'a dit Eudoxe. Car, si le plaisir et la douleur sont des
maux, il faut les fuir l'un et l'autre; si ni l'un ni l'autre ne sont des
maux, il ne faut fuir ni l'un ni l'autre, ou les fuir également tous deux.
Mais ici il semble bien évident qu'on évite l'un comme un mal, et qu'on
préfère l'autre comme étant un bien; et, de cette manière, ils sont
évidemment opposés l'un à l'autre.
III. Au reste, si la volupté n'est pas au rang des qualités, ce n'est pas
à dire pour cela qu'on ne puisse la mettre au nombre des biens; car
les actes de vertu ne sont pas des qualités, ni le bonheur non plus.
Mais, dit-on, le bien est quelque chose de fini; au lieu que la volupté
est quelque chose d'indéfini, parce qu'elle est susceptible de plus
et de moins. Si l'on en juge ainsi par les sentiments de joie que l'homme
peut éprouver, il faudra dire la même chose de la justice et des autres
vertus, ou qualités qui peuvent évidemment se trouver chez les hommes à
divers degrés. Car ils peuvent être plus ou moins justes ou courageux, et
l'on peut aussi être plus ou moins porté à faire des actes de justice et
de raison. Et si l'objection s'applique aux plaisirs mêmes, peut-être ne
touche-t-elle pas la véritable cause (de la difficulté), s'il est vrai
qu'il y ait des plaisirs purs, et d'autres qu'on pourrait appeler mixtes.
Mais pourquoi le plaisir n'admettrait-il pas des degrés en plus et en
moins, comme la santé, qui pourtant est bien quelque chose de fini et de
déterminé? Car elle ne conserve pas le même équilibre dans tous les
individus, ni chez le même homme, dans tous les moments; mais, quand elle
a subi quelque diminution, elle continue ainsi pendant un certain temps,
et elle est susceptible de degrés en plus et en moins : il est donc
possible qu'il en soit à peu près de même de la volupté.
D'un autre côté, après avoir établi que le bien (en soi) est quelque chose
de parfait, et que tout ce qui est génération et mouvement est imparfait,
on s'efforce de faire regarder la volupté comme un mouvement. Cependant,
on a tort encore de dire que la volupté soit un mouvement; car la vitesse
et la lenteur sont propres à toute espèce de mouvement, sinon au mouvement
absolu, tel que celui de l'univers, au moins au mouvement relatif : or, ni
l'un ni l'autre ne se trouvent dans la volupté. Car on peut bien éprouver
un accès de joie ou de colère subite (1173b) ; mais on ne peut pas
éprouver une volupté rapide, ni dont la vitesse soit comparable à une
autre vitesse. On peut marcher avec vitesse, et prendre un accroissement
rapide; mais produire les actes du plaisir, ou avoir du plaisir avec
vitesse, cela est impossible.
Ensuite, comment la volupté pourrait-elle être génération? Car une
existence quelconque n'est pas le produit d'un être quel qu'il soit; mais
tout être produit se résout dans les éléments dont il a été formé, et le
chagrin, ou la peine, est la corruption de ce dont le plaisir a été la
génération.
On dit aussi que la peine est une privation de ce qui est conforme à la
nature, et que le plaisir en est une satisfaction complète; mais ce
sont là des affections du corps. D'ailleurs, si le plaisir est la
satisfaction complète d'un besoin naturel, il faudra donc que ce qui
reçoit cette satisfaction ressente aussi le plaisir; et, dans ce cas, ce
sera le corps : cela ne semble pas probable. La volupté n'est donc pas une
telle satisfaction; mais il serait possible qu'on éprouvât de la joie,
quand cette satisfaction se produit ou s'opère, et qu'on ressentit de la
peine, quand elle devient un besoin. D'ailleurs, cette opinion vient,
selon toute apparence, des sensations agréables ou pénibles que nous donne
le besoin de nourriture, parce que, lorsque ce besoin se fait sentir, et
que nous le satisfaisons, une joie vive succède à la peine que nous avions
éprouvée d'abord. Mais cela n'a pas lieu à l'occasion de tous les plaisirs
: car ceux que nous procure l'instruction ne sont mêlés d'aucune peine,
et, entre ceux qui nous viennent des sens, le plaisir que nous font les
odeurs est dans ce cas, de même que ceux que nous donnent la vue et
l'ouïe, et aussi un grand nombre de souvenirs et d'espérances. De quoi
donc tous ces plaisirs seront-ils des générations? car il n'y a là aucun
vide à remplir, aucun besoin dont ils soient la satisfaction.
Quant à ceux qui font valoir comme une objection (contre la doctrine
d'Eudoxe) les voluptés infâmes, on pourrait leur répondre qu'elles ne sont
pas réellement des plaisirs. Car, de ce qu'elles plaisent aux hommes qui
ont des dispositions vicieuses, il n'en faut pas conclure qu'elles soient
absolument des plaisirs (excepté pour ceux-là) comme les aliments qui
semblent sains, ou sucrés, ou amers, à des gens malades, et les couleurs
qui paraissent blanches à ceux qui ont une maladie d'yeux, ne le sont pas
réellement. On pourrait répondre encore que les plaisirs sont désirables,
mais non pas quand ils viennent d'une telle cause; comme il est agréable
de posséder des richesses, mais non quand on les a acquises par la
trahison, et d'avoir de la santé, mais non pas quand on mange tout ce qui
se présente. Enfin, on pourrait dire qu'il y a des plaisirs d'espèces
différentes; qu'il y en a qui viennent d'une cause honorable et belle, et
d'autres d'une cause infâme et honteuse, et que celui qui n'est pas juste
ne saurait goûter la volupté de l'homme juste; ni celui qui n'est pas
musicien, la volupté du musicien habile, et ainsi des autres.
La différence qu'il y a entre l'ami et le flatteur semble même montrer
plus sensiblement que la volupté n'est pas le bien, ou du moins qu'elle
n'est pas de la même espèce, puisque l'un n'envisage, dans le commerce de
l'amitié, que le bien véritable, tandis que l'autre ne songe qu'au
plaisir, et qu'on blâme l'un, tandis qu'on loue l'autre, comme cultivant
l'amitié dans des vues entièrement différentes.
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