[10,1172] Ἀριστοτέλους - Ἠθικὰ Νικομάχεια - Βιβλίον Κ.
I. (1172a) Μετὰ δὲ ταῦτα περὶ ἡδονῆς ἴσως ἕπεται διελθεῖν. (20) Μάλιστα
γὰρ δοκεῖ συνῳκειῶσθαι τῷ γένει ἡμῶν, διὸ παιδεύουσι τοὺς νέους
οἰακίζοντες ἡδονῇ καὶ λύπῃ· δοκεῖ δὲ καὶ πρὸς τὴν τοῦ ἤθους ἀρετὴν
μέγιστον εἶναι τὸ χαίρειν οἷς δεῖ καὶ μισεῖν ἃ δεῖ. Διατείνει γὰρ ταῦτα
διὰ παντὸς τοῦ βίου, ῥοπὴν ἔχοντα καὶ δύναμιν πρὸς ἀρετήν τε καὶ τὸν
εὐδαίμονα (25) βίον· τὰ μὲν γὰρ ἡδέα προαιροῦνται, τὰ δὲ λυπηρὰ φεύγουσιν·
ὑπὲρ δὲ τῶν τοιούτων ἥκιστ' ἂν δόξειε παρετέον εἶναι, ἄλλως τε καὶ πολλὴν
ἐχόντων ἀμφισβήτησιν. Οἳ μὲν γὰρ τἀγαθὸν ἡδονὴν λέγουσιν, οἳ δ' ἐξ
ἐναντίας κομιδῇ φαῦλον, οἳ μὲν ἴσως πεπεισμένοι οὕτω καὶ ἔχειν, οἳ δὲ
οἰόμενοι βέλτιον (30) εἶναι πρὸς τὸν βίον ἡμῶν ἀποφαίνειν τὴν ἡδονὴν τῶν
φαύλων, καὶ εἰ μὴ ἐστίν· ῥέπειν γὰρ τοὺς πολλοὺς πρὸς αὐτὴν καὶ δουλεύειν
ταῖς ἡδοναῖς, διὸ δεῖν εἰς τοὐναντίον ἄγειν· ἐλθεῖν γὰρ ἂν οὕτως ἐπὶ τὸ
μέσον. Μή ποτε δὲ οὐ καλῶς τοῦτο λέγεται. Οἱ γὰρ περὶ τῶν ἐν τοῖς πάθεσι
καὶ (35) ταῖς πράξεσι λόγοι ἧττόν εἰσι πιστοὶ τῶν ἔργων· ὅταν οὖν
διαφωνῶσι τοῖς κατὰ τὴν αἴσθησιν, καταφρονούμενοι καὶ τἀληθὲς
προσαναιροῦσιν· (1172b) (1) ὁ γὰρ ψέγων τὴν ἡδονήν, ὀφθείς ποτ' ἐφιέμενος,
ἀποκλίνειν δοκεῖ πρὸς αὐτὴν ὡς τοιαύτην οὖσαν ἅπασαν· τὸ διορίζειν γὰρ οὐκ
ἔστι τῶν πολλῶν. Ἐοίκασιν οὖν οἱ ἀληθεῖς τῶν λόγων οὐ μόνον πρὸς τὸ
εἰδέναι (5) χρησιμώτατοι εἶναι, ἀλλὰ καὶ πρὸς τὸν βίον· συνῳδοὶ γὰρ ὄντες
τοῖς ἔργοις πιστεύονται, διὸ προτρέπονται τοὺς συνιέντας ζῆν κατ' αὐτούς.
Τῶν μὲν οὖν τοιούτων ἅλις· τὰ δ' εἰρημένα περὶ τῆς ἡδονῆς ἐπέλθωμεν.
II. Εὔδοξος μὲν οὖν τὴν ἡδονὴν τἀγαθὸν ᾤετ' εἶναι διὰ τὸ (10) πάνθ' ὁρᾶν
ἐφιέμενα αὐτῆς, καὶ ἔλλογα καὶ ἄλογα, ἐν πᾶσι δ' εἶναι τὸ αἱρετὸν τὸ
ἐπιεικές, καὶ τὸ μάλιστα κράτιστον· τὸ δὴ πάντ' ἐπὶ ταὐτὸ φέρεσθαι μηνύειν
ὡς πᾶσι τοῦτο ἄριστον ὄν (ἕκαστον γὰρ τὸ αὑτῷ ἀγαθὸν εὑρίσκειν, ὥσπερ καὶ
τροφήν), τὸ δὲ πᾶσιν ἀγαθόν, καὶ οὗ πάντ' ἐφίεται, τἀγαθὸν (15) εἶναι.
Ἐπιστεύοντο δ' οἱ λόγοι διὰ τὴν τοῦ ἤθους ἀρετὴν μᾶλλον ἢ δι' αὑτούς·
διαφερόντως γὰρ ἐδόκει σώφρων εἶναι· οὐ δὴ ὡς φίλος τῆς ἡδονῆς ἐδόκει
ταῦτα λέγειν, ἀλλ' οὕτως ἔχειν κατ' ἀλήθειαν. Οὐχ ἧττον δ' ᾤετ' εἶναι
φανερὸν ἐκ τοῦ ἐναντίου· τὴν γὰρ λύπην καθ' αὑτὸ πᾶσι φευκτὸν εἶναι, (20)
ὁμοίως δὴ τοὐναντίον αἱρετόν· μάλιστα δ' εἶναι αἱρετὸν ὃ μὴ δι' ἕτερον
μηδ' ἑτέρου χάριν αἱρούμεθα· τοιοῦτο δ' ὁμολογουμένως εἶναι τὴν ἡδονήν·
οὐδένα γὰρ ἐπερωτᾶν τίνος ἕνεκα ἥδεται, ὡς καθ' αὑτὴν οὖσαν αἱρετὴν τὴν
ἡδονήν. Προστιθεμένην τε ὁτῳοῦν τῶν ἀγαθῶν αἱρετώτερον ποιεῖν, οἷον τῷ
(25) δικαιοπραγεῖν καὶ σωφρονεῖν, αὔξεσθαι δὲ τὸ ἀγαθὸν αὑτῷ. Ἔοικε δὴ
οὗτός γε ὁ λόγος τῶν ἀγαθῶν αὐτὴν ἀποφαίνειν, καὶ οὐδὲν μᾶλλον ἑτέρου· πᾶν
γὰρ μεθ' ἑτέρου ἀγαθοῦ αἱρετώτερον ἢ μονούμενον. Τοιούτῳ δὴ λόγῳ καὶ
Πλάτων ἀναιρεῖ ὅτι οὐκ ἔστιν ἡδονὴ τἀγαθόν· αἱρετώτερον γὰρ εἶναι (30) τὸν
ἡδὺν βίον μετὰ φρονήσεως ἢ χωρίς, εἰ δὲ τὸ μικτὸν κρεῖττον, οὐκ εἶναι τὴν
ἡδονὴν τἀγαθόν· οὐδενὸς γὰρ προστεθέντος αὐτῷ τἀγαθὸν αἱρετώτερον
γίνεσθαι. Δῆλον δ' ὡς οὐδ' ἄλλο οὐδὲν τἀγαθὸν ἂν εἴη, ὃ μετά τινος τῶν
καθ' αὑτὸ ἀγαθῶν αἱρετώτερον γίνεται. Τί οὖν ἐστὶ τοιοῦτον, οὗ καὶ (35)
ἡμεῖς κοινωνοῦμεν; τοιοῦτον γὰρ ἐπιζητεῖται. Οἱ δ' ἐνιστάμενοι ὡς οὐκ
ἀγαθὸν οὗ πάντ' ἐφίεται, μὴ οὐθὲν λέγουσιν.
| [10,1172] LIVRE X.
I. (1172a) Il est peut-être à propos de traiter à présent du plaisir; car
c'est une affection qui semble tout-à-fait appropriée à notre espèce.
Voilà pourquoi le plaisir et la peine sont les moyens dont on se sert,
dans l'éducation de la jeunesse, pour la gouverner. Le point le plus
important, par rapport à la vertu morale, est, ce semble, qu'on aime ce
qui doit plaire, et qu'on haïsse ce qui est digne d'aversion; car ces
sentiments s'étendent sur l'existence toute entière, et ont une grande
influence sur la vertu et sur le bonheur de la vie, puisqu'on préfère ce
qui donne du plaisir, et qu'on fuit ce qui cause de la peine. Or, on doit
d'autant moins passer ce sujet sous silence, qu'il présente plusieurs
difficultés à résoudre.
En effet, les uns prétendent que la volupté est le bien par excellence;
les autres soutiennent, au contraire, qu'elle est de tout point funeste et
méprisable; soit que ceux-là croient qu'elle est réellement un bien, soit
que ceux-ci aient pensé qu'il y avait plus d'avantage, pour la vie
humaine, à ranger la volupté parmi les maux, quand même elle n'en serait
pas un. Car, comme la plupart des hommes penchent de ce côté, et se
rendent esclaves des voluptés, ils ont cru qu'il fallait les pousser en
sens contraire, et que c'était le moyen de les faire arriver au juste milieu.
Mais peut-être qu'on a tort de tenir ce langage : car, en fait de passions
et d'actions, les discours sont moins croyables que les faits; et,
lorsqu'ils sont en contradiction avec la manière de sentir universelle, le
discrédit où ils tombent entraîne dans leur ruine la vérité elle-même.
(1172b) En effet, quand on a vu celui qui affectait de blâmer les
plaisirs, en rechercher quelques-uns, on est porté à croire qu'il est
entraîné vers eux, parce que tous sont réellement désirables : car il
n'appartient pas à tout le monde de discerner avec justesse (ceux qui le
sont de ceux qui ne le sont pas).
La vérité, dans le langage, est donc très utile, non seulement pour la
science, mais même pour la conduite de la vie : car les discours inspirent
de la confiance, quand ils sont d'accord avec les faits; et, par cette
raison, ils déterminent ceux qui les ont bien compris, à vivre d'une
manière conforme à ce qu'ils expriment.
Mais en voilà assez sur cet article ; examinons maintenant ce qui a été
dit (par les philosophes) au sujet de la volupté.
II. Eudoxe donc la considérait comme le bien absolu, parce qu'il
voyait que tous les êtres cherchent avec ardeur le plaisir, tant ceux qui
ont la raison en partage, que ceux qui en sont dépourvus; parce qu'en tout
on préfère ce qui est bon, et que (par conséquent) ce qu'on désire le plus
doit être ce qu'il y a de plus excellent; parce que l'entrainement
universel, qui porte tous les êtres vers le plaisir, lui semblait être un
indice de l'excellence de sa nature, puisque chaque être trouve toujours
ce qui lui est bon (dans tout le reste), comme en fait d'aliments; enfin,
parce que ce qui est bon pour tous, et que tous désirent avec ardeur, est
le bien par excellence.
On avait confiance dans ces discours, plutôt à cause des vertus morales de
leur auteur, qu'à cause de leur vérité propre; car il passait pour un
personnage d'une éminente sagesse. Ce n'était donc pas comme ami de la
volupté qu'il semblait tenir un pareil langage, mais parce qu'il le
croyait véritable.
La chose ne lui semblait pas moins évidente, en la considérant sous le
point de vue opposé. Car la douleur est par elle-même ce que tout être
doit fuir; et le contraire, ce qu'on doit préférer : or, ce qu'on préfère
surtout, c'est ce qu'on ne recherche jamais en vue d'autre chose; et telle
est, d'après le sentiment universel, la volupté. Car personne ne demande
pourquoi on a du plaisir, attendu qu'on recherche le plaisir pour
lui-même. Ajouté à quelque autre bien que ce soit, par exemple, aux actes
de justice et de sagesse, il leur donne plus d'attrait; en un mot, le bien
s'accroît, en quelque sorte, par lui-même.
Toutefois ce raisonnement peut prouver que le plaisir est au nombre des
biens, mais non pas qu'il soit plus excellent qu'un autre; car tout bien,
ajouté à un autre, aura plus de prix que s'il était seul. Platon même
prouve, par de semblables raisons, que la volupté n'est pas le souverain
bien, puisqu'une vie agréable, lorsque la prudence s'y joint, doit
être préférée à une vie dépourvue de raison. Or, si le mélange de ces deux
choses a plus de prix, il s'ensuit que la volupté n'est pas le bien
suprême: car rien de ce qu'on pourrait ajouter à un tel bien, ne pourrait
lui donner plus de prix; et il est évident que toute autre chose, qui,
ajoutée à quelqu'une de celles qui sont des biens par elles-mêmes, la
rendrait préférable, ne saurait être le bien par excellence. Quelle est
donc la chose de ce genre qui puisse être notre partage? Car voilà ce que
l'on cherche.
Objecter, comme on l'a fait, que le bien par excellence n'est pas l'objet
des désirs de tous les êtres, c'est presque ne rien dire :
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