HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Aristote, Éthique à Nicomaque, livre VIII

Page 1159

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[8,1159] (1159a) (1) Δῆλον δὲ καὶ ἐπὶ τῶν βασιλέων· οὐδὲ γὰρ τούτοις ἀξιοῦσιν εἶναι φίλοι οἱ πολὺ καταδεέστεροι, οὐδὲ τοῖς ἀρίστοις σοφωτάτοις οἱ μηδενὸς ἄξιοι. Ἀκριβὴς μὲν οὖν ἐν τοῖς τοιούτοις οὐκ ἔστιν ὁρισμός, ἕως τίνος οἱ φίλοι· πολλῶν γὰρ ἀφαιρουμένων ἔτι (5) μένει, πολὺ δὲ χωρισθέντος, οἷον τοῦ θεοῦ, οὐκέτι. Ὅθεν καὶ ἀπορεῖται, μή ποτ' οὐ βούλονται οἱ φίλοι τοῖς φίλοις τὰ μέγιστα τῶν ἀγαθῶν, οἷον θεοὺς εἶναι· οὐ γὰρ ἔτι φίλοι ἔσονται αὐτοῖς, οὐδὲ δὴ ἀγαθά· οἱ γὰρ φίλοι ἀγαθά. Εἰ δὴ καλῶς εἴρηται ὅτι φίλος τῷ φίλῳ βούλεται τἀγαθὰ (10) ἐκείνου ἕνεκα, μένειν ἂν δέοι οἷός ποτ' ἐστὶν ἐκεῖνος· ἀνθρώπῳ δὴ ὄντι βουλήσεται τὰ μέγιστα ἀγαθά. Ἴσως δ' οὐ πάντα· αὑτῷ γὰρ μάλισθ' ἕκαστος βούλεται τἀγαθά. VIII. Οἱ πολλοὶ δὲ δοκοῦσι διὰ φιλοτιμίαν βούλεσθαι φιλεῖσθαι μᾶλλον φιλεῖν· διὸ φιλοκόλακες οἱ πολλοί· ὑπερεχόμενος γὰρ (15) φίλος κόλαξ, προσποιεῖται τοιοῦτος καὶ μᾶλλον φιλεῖν φιλεῖσθαι· τὸ δὲ φιλεῖσθαι ἐγγὺς εἶναι δοκεῖ τοῦ τιμᾶσθαι, οὗ δὴ οἱ πολλοὶ ἐφίενται. Οὐ δι' αὑτὸ δ' ἐοίκασιν αἱρεῖσθαι τὴν τιμήν, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός· χαίρουσι γὰρ οἱ μὲν πολλοὶ ὑπὸ τῶν ἐν ταῖς ἐξουσίαις τιμώμενοι (20) διὰ τὴν ἐλπίδα (οἴονται γὰρ τεύξεσθαι παρ' αὐτῶν, ἄν του δέωνται· ὡς δὴ σημείῳ τῆς εὐπαθείας χαίρουσι τῇ τιμῇοἱ δ' ὑπὸ τῶν ἐπιεικῶν καὶ εἰδότων ὀρεγόμενοι τιμῆς βεβαιῶσαι τὴν οἰκείαν δόξαν ἐφίενται περὶ αὑτῶν· χαίρουσι δή, ὅτι εἰσὶν ἀγαθοὶ πιστεύοντες τῇ τῶν λεγόντων κρίσει. (25) Τῷ φιλεῖσθαι δὲ καθ' αὑτὸ χαίρουσιν· διὸ δόξειεν ἂν κρεῖττον εἶναι τοῦ τιμᾶσθαι, καὶ φιλία καθ' αὑτὴν αἱρετὴ εἶναι. Δοκεῖ δ' ἐν τῷ φιλεῖν μᾶλλον ἐν τῷ φιλεῖσθαι εἶναι. Σημεῖον δ' αἱ μητέρες τῷ φιλεῖν χαίρουσαι· ἔνιαι γὰρ διδόασι τὰ ἑαυτῶν τρέφεσθαι, καὶ φιλοῦσι μὲν εἰδυῖαι, (30) ἀντιφιλεῖσθαι δ' οὐ ζητοῦσιν, ἐὰν ἀμφότερα μὴ ἐνδέχηται, ἀλλ' ἱκανὸν αὐταῖς ἔοικεν εἶναι ἐὰν ὁρῶσιν εὖ πράττοντας, καὶ αὐταὶ φιλοῦσιν αὐτοὺς κἂν ἐκεῖνοι μηδὲν ὧν μητρὶ προσήκει ἀπονέμωσι διὰ τὴν ἄγνοιαν. Μᾶλλον δὲ τῆς φιλίας οὔσης ἐν τῷ φιλεῖν, καὶ τῶν φιλοφίλων ἐπαινουμένων, φίλων (35) ἀρετὴ τὸ φιλεῖν ἔοικεν, ὥστ' ἐν οἷς τοῦτο γίνεται κατ' ἀξίαν, (1159b) (1) οὗτοι μόνιμοι φίλοι καὶ τούτων φιλία. Οὕτω δ' ἂν καὶ οἱ ἄνισοι μάλιστ' εἶεν φίλοι· ἰσάζοιντο γὰρ ἄν. δ' ἰσότης καὶ ὁμοιότης φιλότης, καὶ μάλιστα μὲν τῶν κατ' ἀρετὴν ὁμοιότης· μόνιμοι γὰρ ὄντες καθ' αὑτοὺς καὶ πρὸς ἀλλήλους (5) μένουσι, καὶ οὔτε δέονται φαύλων οὔθ' ὑπηρετοῦσι τοιαῦτα, ἀλλ' ὡς εἰπεῖν καὶ διακωλύουσιν· τῶν ἀγαθῶν γὰρ μήτ' αὐτοὺς ἁμαρτάνειν μήτε τοῖς φίλοις ἐπιτρέπειν. Οἱ δὲ μοχθηροὶ τὸ μὲν βέβαιον οὐκ ἔχουσιν· οὐδὲ γὰρ αὑτοῖς διαμένουσιν ὅμοιοι ὄντες· ἐπ' ὀλίγον δὲ χρόνον γίνονται φίλοι, (10) χαίροντες τῇ ἀλλήλων μοχθηρίᾳ. Οἱ χρήσιμοι δὲ καὶ ἡδεῖς ἐπὶ πλεῖον διαμένουσιν· ἕως γὰρ ἂν πορίζωσιν ἡδονὰς ὠφελείας ἀλλήλοις. Ἐξ ἐναντίων δὲ μάλιστα μὲν δοκεῖ διὰ τὸ χρήσιμον γίνεσθαι φιλία, οἷον πένης πλουσίῳ, ἀμαθὴς εἰδότι· οὗ γὰρ τυγχάνει τις ἐνδεὴς ὤν, τούτου ἐφιέμενος ἀντιδωρεῖται (15) ἄλλο. Ἐνταῦθα δ' ἄν τις ἕλκοι καὶ ἐραστὴν καὶ ἐρώμενον, καὶ καλὸν καὶ αἰσχρόν. Διὸ φαίνονται καὶ οἱ ἐρασταὶ γελοῖοι ἐνίοτε, ἀξιοῦντες φιλεῖσθαι ὡς φιλοῦσιν· ὁμοίως δὴ φιλητοὺς ὄντας ἴσως ἀξιωτέον, μηδὲν δὲ τοιοῦτον ἔχοντας γελοῖον. Ἴσως δὲ οὐδ' ἐφίεται τὸ ἐναντίον τοῦ ἐναντίου (20) καθ' αὑτό, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός, δ' ὄρεξις τοῦ μέσου ἐστίν· τοῦτο γὰρ ἀγαθόν, οἷον τῷ ξηρῷ οὐχ ὑγρῷ γενέσθαι ἀλλ' ἐπὶ τὸ μέσον ἐλθεῖν, καὶ τῷ θερμῷ καὶ τοῖς ἄλλοις ὁμοίως. Τῦτα μὲν οὖν ἀφείσθω· καὶ γάρ ἐστιν ἀλλοτριώτερα. IX. (25) Ἔοικε δέ, καθάπερ ἐν ἀρχῇ εἴρηται, περὶ ταὐτὰ καὶ ἐν τοῖς αὐτοῖς εἶναι τε φιλία καὶ τὸ δίκαιον. Ἐν ἁπάσῃ γὰρ κοινωνίᾳ δοκεῖ τι δίκαιον εἶναι, καὶ φιλία δέ· προσαγορεύουσι γοῦν ὡς φίλους τοὺς σύμπλους καὶ τοὺς συστρατιώτας, ὁμοίως δὲ καὶ τοὺς ἐν ταῖς ἄλλαις κοινωνίαις. Καθ' (30) ὅσον δὲ κοινωνοῦσιν, ἐπὶ τοσοῦτόν ἐστι φιλία· καὶ γὰρ τὸ δίκαιον. Καὶ παροιμία « κοινὰ τὰ φίλων, » ὀρθῶς· ἐν κοινωνίᾳ γὰρ φιλία. Ἔστι δ' ἀδελφοῖς μὲν καὶ ἑταίροις πάντα κοινά, τοῖς δ' ἄλλοις ἀφωρισμένα, καὶ τοῖς μὲν πλείω τοῖς δ' ἐλάττω· καὶ γὰρ τῶν φιλιῶν αἳ μὲν μᾶλλον (35) αἳ δ' ἧττον. Διαφέρει δὲ καὶ τὰ δίκαια· [8,1159] (1159a) Enfin, cela se voit encore à l'égard des rois; car les hommes qui sont fort au-dessous d'eux, ne songent pas à être comptés au rang de leurs amis; et ceux qui n'ont aucun talent, aucun mérite, n'ont point la même prétention, par rapport aux hommes d'un mérite supérieur ou d'une éminente vertu. Il n'est donc pas facile de marquer avec précision la limite en deçà ou au delà de laquelle l'amitié peut exister; car elle subsiste encore, quand on en a retranché beaucoup (des conditions qui semblaient la constituer). Il n'en est pas de même lorsqu'il y a trop de distance entre les individus ; l'amitié ne peut plus exister, comme ou le voit pour la Divinité (par rapport aux hommes). C'est ce qui a donné lieu à la question si les amis doivent souhaiter les plus grands de tous les biens à leurs amis, comme de devenir des dieux; car dès lors ils ne seront plus pour eux des amis, ni, par conséquent, des biens, puisque les amis sont des biens véritables. Si donc on a eu raison de dire qu'un ami veut du bien à son ami, uniquement pour lui-même, il faudrait qu'alors celui-ci, quel qu'il fût d'ailleurs, continuât toujours d'être le même. Quoi qu'il en soit, on souhaitera à son ami les plus grands biens que puisse comporter la condition humaine, mais peut-être pas tous; car chacun souhaite, surtout pour soi-même, les biens (proprement dits et dans un sens absolu). VIII. La plupart des hommes, par un sentiment d'ambition, semblent désirer qu'on les aime plutôt qu'ils ne veulent aimer les autres. Aussi accueille-t-on généralement les flatteurs; car un flatteur est, pour ainsi dire, un ami subalterne, ou du moins il affecte l'infériorité; il semble se contenter d'aimer plutôt qu'aspirer à être aimé : or, l'amitié qu'on inspire ressemble assez à l'estime et à la considération, sentiments dont la plupart des hommes sont avides. Au reste, ce n'est qu'à cause des accessoires, et par occasion, que l'on paraît ambitionner la considération, ce n'est pas directement et pour elle-même : car la plupart des hommes aiment à être considérés par ceux qui sont élevés en dignité, dans l'espoir qu'ils en obtiendront, au besoin, faveur et protection. C'est donc parce qu'elles sont les signes de cette faveur que l'on est communément flatté des marques d'honneur ou de considération qu'on obtient. Quant à ceux qui désirent d'obtenir l'estime des gens de bien et des justes appréciateurs du mérite, c'est surtout le désir de voir confirmer par là l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes, qui leur inspire ce sentiment. Ils sont donc flattés de se reconnaître pour des gens vertueux, se fondant, en cela, sur le jugement de ceux qui leur rendent ce témoignage; et ce qui les charme surtout, c'est le plaisir d'être aimés. D'où l'on pourrait conclure que l'amitié est préférable même à la considération, et que, quand elle est fondée sur la vertu, elle est désirable pour elle-même. Au reste, il semble qu'elle consiste à aimer plutôt qu'à être aimé; et ce qui le prouve, c'est la satisfaction que les mères trouvent à chérir leurs enfants. En effet, il y en a qui les donnent à nourrir à d'autres femmes, et qui les aiment sans chercher à en être aimées à leur tour, tant qu'il n'est pas possible qu'elles le soient encore; mais il leur suffit apparemment de voir leurs enfants heureux et contents, et elles les aiment même dans cet état où l'ignorance les empêche de rendre à une mère les devoirs et les sentiments qui lui sont dus. D'ailleurs, comme l'amitié consiste plus spécialement dans un sentiment de tendresse et d'amour, et que l'on applaudit surtout à ceux qui aiment leurs amis, il s'ensuit que le mérite propre de l'amitié consiste surtout à aimer. En sorte que chez ceux qui éprouvent ce sentiment, en proportion du mérite, (1159b) se trouve la constante et durable amitié. C'est ainsi qu'elle peut exister même entre des individus d'ailleurs inégaux; car c'est par ce moyen que l'égalité peut s'établir entre eux. Or, l'égalité et la ressemblance sont des conditions de l'amitié, surtout dans ceux qui se ressemblent sous le rapport de la vertu; car de tels hommes, ayant par eux-mêmes ce caractère de constance, le conservent aussi à l'égard les uns des autres. Ils n'ont aucun besoin de recourir à des actions viles ou méprisables; et non seulement ils ne se prêtent à rien de tel, mais ils empêchent, en quelque sorte, que leurs amis ne s'y laissent entraîner. Car le propre des hommes vertueux est de ne commettre eux-mêmes aucune faute grave, et de ne pas souffrir que leurs amis en commettent de telles. Quant aux gens vicieux, ils n'ont ni constance ni fermeté dans leurs résolutions, puisqu'ils ne sauraient demeurer semblables à eux-mêmes; et leurs attachements ne durent que très peu de temps, n'étant fondés que sur le plaisir qu'ils trouvent dans la perversité les uns des autres. Les attachements fondés sur l'utilité ou l'agrément, ont plus de durée; ils subsistent au moins tout le temps que les amis peuvent réciproquement se procurer des plaisirs, ou se rendre des services. Mais l'amitié fondée sur l'utilité, naît plutôt de l'opposition ou du contraste, par exemple, entre un homme pauvre et un homme riche, entre le savant et l'ignorant. Car celui qui reconnaît qu'une chose lui manque, est porté à la désirer, et à donner quelque autre chose en échange. On pourrait ranger dans cette classe, l'amant et l'aimé, le beau et le laid; et c'est ce qui fait quelquefois paraître les amoureux ridicules, quand ils ont la prétention d'être aimés comme ils aiment; prétention peut-être assez fondée chez les personnes qui sont également aimables, mais ridicule dans celles qui n'ont rien de propre à justifier un pareil sentiment. Peut-être, au reste, les contraires ne sont-ils attirés l'un vers l'autre que par accident, et non pas en vertu de leur nature; peut-être la tendance la plus naturelle est-elle celle qui porte les êtres vers un certain milieu, puisque c'est là qu'est le bien ou le bon proprement dit. Par exemple, le sec ne tend pas à devenir humide, mais à un état intermédiaire; il en est de même du chaud, et des autres qualités physiques. Mais ne nous arrêtons pas à ces considérations, qui sont trop étrangères au sujet qui nous occupe. IX. L'amitié et la justice semblent, comme on l'a dit au commencement, se rapporter aux mêmes objets, et avoir des caractères communs; car l'une et l'autre se retrouvent dans tout ce qui établit quelque communication entre les hommes. Aussi appelle-t-on quelquefois amis ceux avec qui l'on navigue dans le même vaisseau, avec qui l'on fait la guerre dans la même armée, et pareillement avec qui l'on a des intérêts et des circonstances communes et propres à rapprocher les hommes entre eux. L'amitié même se mesure sur la quantité des rapports communs ; car la justice y intervient aussi dans la même proportion. Et le proverbe « Entre amis, tout est commun,» est, à cet égard, d'une parfaite justesse. Tout est commun, par exemple, entre frères et entre compagnons de plaisir; mais, dans les autres rapports, cette communauté a des limites : il y a plus de choses communes dans certains cas, et moins dans d'autres; car l'amitié est susceptible de différents degrés. Le juste (ou le droit) diffère également;


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Dernière mise à jour : 29/05/2008