[2,16] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙϚ
§ 1. Πότερον δέ ποτε ὁ σπουδαῖος φιλήσει αὐτὸς ἑαυτὸν μάλιστα ἢ οὔ; Ἔστι
μὲν οὖν αὐτὸς αὑτὸν μάλιστα ὡς φιλήσει, ἔστι δ´ ὡς οὔ. Ἐπειδὴ γάρ φαμεν
τὸν σπουδαῖον ἐκστήσεσθαι τῶν ἀγαθῶν τῶν κατὰ τὸ συμφέρον τῷ φίλῳ, τὸν
φίλον μᾶλλον αὑτοῦ φιλήσει.
§ 2. Ναί, ἀλλ´ ᾗ τούτων ἐξιστάμενος τῷ φίλῳ αὑτῷ τὸ καλὸν περιποιεῖται,
ταύτῃ ἐξίσταται τῶν τοιούτων. Ἔστι μὲν οὖν ὡς τὸν φίλον αὐτὸς αὑτοῦ μᾶλλον
φιλεῖ, ἔστι δὲ ὡς αὐτὸς αὑτὸν μάλιστα· κατὰ μὲν γὰρ τὸ συμφέρον τὸν φίλον,
κατὰ δὲ τὸ καλὸν καὶ ἀγαθὸν αὐτὸς αὑτὸν μάλιστα· αὑτῷ γὰρ ταῦτα
περιποιεῖται κάλλιστα ὄντα.
§ 3. Ἔστι μὲν οὖν καὶ φιλάγαθος, οὐ φίλαυτος· μόνον γάρ, εἴπερ φιλεῖ αὐτὸς
ἑαυτόν, ὅτι ἀγαθός. Ὁ δὲ φαῦλος φίλαυτος· οὐδὲν γὰρ ἔχει δι´ ὃ φιλήσει
αὐτὸς ἑαυτὸν οἷον καλόν τι, ἀλλ´ ἄνευ τούτων αὐτὸς ἑαυτὸν φιλήσει, ᾗ
αὐτός. Διὸ καὶ οὗτος ἂν κυρίως λέγοιτο φίλαυτος.
| [2,16] CHAPITRE XVI.
§ 1. L'homme vertueux devra-t-il, ou ne devra-t-il pas s'aimer lui-même
par-dessus toute chose ? Dans un sens, ce sera lui-même qu'il aimera le
plus ; et dans un autre sens, ce ne sera pas lui. On peut nous rappeler ce
que nous venons de dire, à savoir que l'honnête homme cédera toujours à
son ami les biens qui ne sont qu'utiles; et à ce point de vue, il aimera
donc son ami plus qu'il ne s'aimera lui-même.
§ 2. Oui certes ; mais c'est toujours à la condition que, cédant à son ami
les avantages vulgaires, il gardera pour soi la part du beau et du bien,
qu'il lui fait ces concessions. Ainsi donc en ce sens, il aime son ami
davantage ; mais en un sens différent, il s'aime surtout lui-même. Il
préfère son ami, quand il ne s'agit que de l'utile; mais c'est lui-même
qu'il préfère à tout, quand il s'agit du bien et du beau ; et c'est à lui
seul qu'il attribue exclusivement ces choses, les plus belles de toutes.
§ 3. Il est donc ami du bien plutôt qu'ami de lui-même, et il ne s'aime
ainsi personnellement que parce qu'il est bon. Quant au méchant, il est
purement égoïste ; il n'a pas de motif par où il puisse s'aimer lui-même,
et par exemple, s'aimer comme quelque chose de bien ; mais sans aucune de
ces conditions, il s'aime lui-même en tant qu'il est lui; et c'est là, on
peut dire, le véritable égoïste.
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