[2,17] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΖ'.
§ 1. Ἐχόμενον δ´ ἂν εἴη ὑπὲρ αὐταρκείας εἰπεῖν καὶ τοῦ αὐτάρκους, πότερον
ὁ αὐτάρκης προσδεήσεται φιλίας, ἢ οὔ, ἀλλ´ αὐτὸς ἑαυτῷ αὐτάρκης
ἔσται καὶ κατὰ τοῦτο. Λέγουσι γὰρ τοιαῦτα καὶ οἱ ποιηταί·
ὅταν δ´ ὁ δαίμων εὖ διδῷ, τί δεῖ φίλων;
§ 2. Ὅθεν καὶ ἡ ἀπορία γίγνεται, πότερον ὁ πάντα τἀγαθὰ ἔχων καὶ ὢν
αὐτάρκης προσδεήσεται φίλου; Ἢ τότε καὶ μάλιστα; Τίνα γὰρ εὖ ποιήσει, ἢ
μετὰ τοῦ συμβιώσεται;
Οὐ γὰρ δὴ μόνος γε διάξει. Εἰ τοίνυν τούτων δεήσεται, ταῦτα δὲ μὴ
ἐνδέχεται ἄνευ φιλίας, προσδέοιτ´ ἂν ὁ αὐτάρκης φιλίας.
§ 3. Ἡ μὲν οὖν ἐν τοῖς λόγοις εἰωθυῖα ὁμοιότης λαμβάνεσθαι ἐκ τοῦ θεοῦ
οὔτ´ ἐκεῖ ὀρθῶς οὔτ´ ἂν ἐνταῦθα εἴη χρήσιμος· οὐ γὰρ εἰ ὁ θεός ἐστιν
αὐτάρκης καὶ μηδενὸς δεῖται, διὰ τοῦτ´ οὐδ´ ἡμεῖς οὐδενὸς δεησόμεθα.
§ 4. Ἔστι γὰρ καὶ τοιοῦτός τις λόγος ἐπὶ τοῦ θεοῦ λεγόμενος. Ἐπεὶ γάρ,
φησί, πάντα ἔχει τἀγαθὰ ὁ θεὸς καί ἐστιν αὐτάρκης, τί ποιήσει; Οὐ γὰρ
καθευδήσει. Θεάσεται δή τι, φησίν· τοῦτο γὰρ κάλλιστον καὶ οἰκειότατον. Τί
οὖν θεάσεται; Εἰ μὲν γὰρ ἄλλο τι θεάσεται, βέλτιον θεάσεταί τι αὑτοῦ. Ἀλλὰ
τοῦτ´ ἄτοπον, τὸ τοῦ θεοῦ ἄλλο τι εἶναι βέλτιον. Αὐτὸς ἑαυτὸν ἄρα
θεάσεται. Ἀλλ´ ἄτοπον· καὶ γὰρ ὁ ἄνθρωπος {ὃς) ἂν αὐτὸς ἑαυτὸν
κατασκοπῆται, ὡς ἀναισθήτῳ ἐπιτιμῶμεν. Ἄτοπος οὖν, φησίν, ὁ θεὸς ἔσται
αὐτὸς ἑαυτὸν θεώμενος.
§ 5. Τί μὲν οὖν ὁ θεὸς θεάσεται, ἀφείσθω· ὑπὲρ δὲ τῆς αὐταρκείας οὐ τῆς
τοῦ θεοῦ τὴν σκέψιν ποιούμεθα, ἀλλ´ ἀνθρωπίνης, πότερον ὁ αὐτάρκης
δεήσεται φιλίας ἢ οὔ; Εἰ δή τις ἐπὶ τὸν φίλον ἐπιβλέψας ἴδοι τί ἐστι καὶ
ὁποῖός τις ὁ φίλος, * * τοιοῦτος οἷος ἕτερος εἶναι ἐγώ, ἄν γε καὶ σφόδρα
φίλον ποιήσῃς, ὥσπερ τὸ λεγόμενον « ἄλλος οὗτος Ἡρακλῆς, ἄλλος φίλος ἐγώ.»
§ 6. Ἐπεὶ οὖν ἐστι καὶ χαλεπώτατον, ὥσπερ καὶ τῶν σοφῶν τινες εἰρήκασιν,
τὸ γνῶναι αὑτόν, καὶ ἥδιστον (τὸ γὰρ αὑτὸν εἰδέναι ἡδύ), αὐτοὶ μὲν οὖν
αὑτοὺς ἐξ αὑτῶν οὐ δυνάμεθα θεάσασθαι (ὅτι δ´ αὐτοὶ αὑτοὺς οὐ δυνάμεθα,
δῆλον ἐξ ὧν ἄλλοις ἐπιτιμῶμεν, αὐτοὶ δὲ λανθάνομεν ταὐτὰ ποιοῦντες·
§ 7. τοῦτο δὲ γίνεται δι´ εὔνοιαν ἢ διὰ πάθος· πολλοῖς δὲ ἡμῶν ταῦτα
ἐπισκοτεῖ πρὸς τὸ κρίνειν ὀρθῶς)· ὥσπερ οὖν ὅταν θέλωμεν αὐτοὶ αὑτῶν τὸ
πρόσωπον ἰδεῖν, εἰς τὸ κάτοπτρον ἐμβλέψαντες εἴδομεν, ὁμοίως καὶ ὅταν
αὐτοὶ αὑτοὺς βουληθῶμεν γνῶναι, εἰς τὸν φίλον ἰδόντες γνωρίσαιμεν ἄν· ἔστι
γάρ, ὡς φαμέν, ὁ φίλος ἕτερος ἐγώ.
§ 8. Εἰ οὖν ἡδὺ μὲν τὸ αὑτὸν εἰδέναι, τοῦτο δ´ οὐκ ἔστιν εἰδέναι ἄνευ
ἄλλου φίλου, δέοιτ´ ἂν ὁ αὐτάρκης φιλίας πρὸς τὸ αὐτὸς αὑτὸν γνωρίζειν.
§ 9. Ἔτι δὲ καὶ εἴπερ ἐστὶν καλόν, ὥσπερ ἐστίν, τὸ εὖ ποιεῖν ἔχοντα τὰ
παρὰ τῆς τύχης ἀγαθά, τίνα εὖ ποιήσει; Μετὰ τίνος δὲ συμβιώσεται; Οὐ γὰρ
δὴ μόνος γε διάξει· τὸ γὰρ συμβιοῦν ἡδὺ καὶ ἀναγκαῖον. Εἰ τοίνυν ταῦτα
καλὰ καὶ ἡδέα καὶ ἀναγκαῖα, ταῦτα δὲ μὴ ἐνδέχεται εἶναι ἄνευ φιλίας,
προσδέοιτ´ ἂν ὁ αὐτάρκης φιλίας.
| [2,17] CHAPITRE XVII.
§ 1. Une suite de ce qui précède, c'est de parler de l'indépendance, qui
se suffit complètement à elle-même, et de l'homme indépendant. L'homme
indépendant a-t-il ou non besoin d'amitié ? Ou bien restera-t-il
indépendant, et se suffira-t-il, même à l'égard de ces douces affections,
dont il pourra se passer ? Les poètes semblent le dire :
« Quand le ciel vous soutient, qu'a-t-on besoin d'amis? »
§ 2. Et de là vient cette question qu'on peut faire : Celui qui a tous les
biens en abondance, et qui se suffit à lui-même complètement, a-t-il
encore besoin d'un ami ? Ou bien n'est-ce pas surtout le cas d'avoir des
amis ? A qui fera-t-on du bien ? Avec qui vivra-t-on, puisque
certainement on ne vivra pas tout seul ? Mais si l'on a besoin de ces
affections, et si l'on ne peut les avoir sans l'amitié, l'homme
indépendant, tout en se suffisant à lui-même, a donc encore besoin d'aimer.
§ 3. La comparaison qu'on a tirée de la divinité, et qu'on répète si
souvent, n'est pas toujours fort juste quant à Dieu, ni très utilement
applicable quant à nous. Ce n'est pas parce que Dieu est indépendant, et
n'a besoin de quoique ce soit, que nous aussi nous saurions n'avoir besoin
de rien.
§ 4. Voici le raisonnement que l'on a fait plus d'une fois sur Dieu.
Si Dieu, dit-on, possède tous les biens, et s'il est souverainement
indépendant, que fera-t-il ? Il ne dormira pas apparemment. Il contemplera
les choses, répond-on ; car la contemplation est au monde ce qu'il y a de
plus relevé et de plus convenable à la nature divine. Mais, je le demande,
que pourra-t-il contempler ? S'il contemple quelqu'autre chose que
lui-même, cette chose sera donc meilleure que lui. Or, c'est une impiété
absurde de croire qu'il y ait dans l'univers quelque chose de supérieur à
Dieu. Donc, Dieu se contemplera lui-même. Mais ceci n'est pas moins
absurde ; car nous reprochons à l'homme qui reste ainsi à se contempler
lui-même, l'impassibilité dans laquelle il se plonge. Par conséquent,
dit-on, le Dieu qui se contemple lui-même est un Dieu absurde.
§ 5. Mais laissons de côté la question de savoir ce que Dieu contemplera.
Nous nous occupons ici non pas de l'indépendance de Dieu, mais de
l'indépendance de l'homme ; et nous demandons encore une fois si l'homme
qui, dans son indépendance, se suffit à lui-même, aura besoin d'amitié. Si
l'on étudie son ami, et qu'on se demande ce qu'il est, ce qu'est vraiment
l'ami, l'on se dira : « Mon ami est un autre moi-même ; » et pour exprimer
qu'on l'aime avec ardeur on répétera avec le proverbe : « C'est un autre
Hercule ; c'est un autre moi. »
§ 6. Or, il n'est rien de plus difficile, ainsi que l'ont dit quelques
sages, ni en même temps de plus doux, que de se connaître soi-même ; car
quel charme que de se connaître ! Mais nous ne pouvons point nous voir
nous-mêmes, en partant de nous ; et ce qui prouve bien notre complète
impuissance, c'est que nous reprochons souvent aux autres ce que nous
faisons personnellement.
§ 7. Notre erreur en ceci est causée, soit par la bienveillance naturelle
qu'on a toujours envers soi, soit par la passion qui nous aveugle. Et
c'est là, pour la plupart de nous, ce qui obscurcit et fausse notre
jugement. De même donc que quand nous voulons voir notre propre visage,
nous le voyons en nous regardant dans un miroir, tout de même aussi, quand
nous voulons nous connaître sincèrement, il faut regarder à notre ami, où
nous pourrons nous voir parfaitement ; car mon ami, je le répète, est un
autre moi-même.
§ 8. S'il est si doux de se connaître soi-même, et qu'on ne le puisse sans
un autre, qui soit votre ami, l'homme indépendant aura tout au moins
besoin de l'amitié pour se connaître lui-même.
§ 9. Ajoutez que, s'il est beau, comme il l'est en effet, de répandre
autour de soi les biens de la fortune quand on les possède, on peut se
demander : Sans ami, à qui l'homme indépendant pourra-t-il faire du bien ?
Avec qui vivra-t-il ? Certes il ne vivra pas tout seul ; car vivre avec
d'autres êtres semblables à soi est tout à la fois un plaisir et une
nécessité. Si ce sont là des choses qui sont tout ensemble belles,
agréables et nécessaires, et que l'amitié soit indispensable pour les
avoir, il s'ensuit que l'homme indépendant lui-même, tout indépendant
qu'il est, aura besoin d'amitié.
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