[2,12] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΒ'.
§ 1. Ὑπὲρ δὲ τοῦ κατὰ τὰς ἀρετὰς ὀρθῶς πράττειν εἴρηται μέν, οὐχ ἱκανῶς
δέ. Ἔφαμεν γὰρ τὸ κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον πράττειν· ἀλλ´ ἴσως ἄν τις αὐτὸ
τοῦτο ἀγνοῶν ἐρωτήσειεν, τὸ κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον τί ποτ´ ἐστί, καὶ ποῦ
ἐστιν ὁ ὀρθὸς λόγος;
§ 2. Ἔστιν οὖν κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον πράττειν, ὅταν τὸ ἄλογον μέρος τῆς
ψυχῆς μὴ κωλύῃ τὸ λογιστικὸν ἐνεργεῖν τὴν αὑτοῦ ἐνέργειαν. Τότε γὰρ ἡ
πρᾶξις ἔσται κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον. Ἐπειδὴ γάρ τι τῆς ψυχῆς τὸ μὲν χεῖρον
ἔχομεν τὸ δὲ βέλτιον, ἀεὶ δὲ τὸ χεῖρον τοῦ βελτίονος ἕνεκεν ἐστίν, ὥσπερ
ἐπὶ σώματος καὶ ψυχῆς τὸ σῶμα τῆς ψυχῆς ἕνεκεν, καὶ τότ´ ἐροῦμεν ἔχειν τὸ
σῶμα καλῶς, ὅταν οὕτως ἔχῃ ὥστε μὴ κωλύειν, ἀλλὰ καὶ συμβάλλεσθαι καὶ
συμπαρορμᾶν πρὸς τὸ τὴν ψυχὴν ἐπιτελεῖν τὸ αὑτῆς ἔργον (τὸ γὰρ χεῖρον τοῦ
βελτίονος ἕνεκεν, πρὸς τὸ συνεργεῖν τῷ βελτίονι)·
§ 3. ὅταν οὖν τὰ πάθη μὴ κωλύωσι τὸν νοῦν τὸ αὑτοῦ ἔργον ἐνεργεῖν, τότ´
ἔσται τὸ κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον γινόμενον. Ναί, ἀλλ´ ἴσως εἴποι τις ἄν, ὅταν
πῶς ἔχωσι τὰ πάθη, οὐ κωλύουσι, καὶ πότε οὕτως ἔχουσιν; Οὐ γὰρ οἶδα.
§ 4. Τὸ δὴ τοιοῦτον οὐκ ἔστιν εἰπεῖν ῥᾴδιον. Οὐδὲ γὰρ ὁ ἰατρός· ἀλλ´ ὅταν
εἴπῃ τῷ πυρέττοντι πτισάνην προσφέρεσθαι, τοῦ δὲ πυρέττειν πῶς αἰσθάνομαι;
Ὅταν, φησίν, ὁρᾷς ὠχρὸν ὄντα· τὸ δ´ ὠχρὸν πῶς εἰδήσω; Ἐνταῦθα δὴ συνιέτω ὁ
ἰατρός· εἰ γὰρ μὴ ἔχεις παρὰ σαυτῷ, φησί, τῶν γε τοιούτων αἴσθησιν, * *
οὐκ ἔτι.
§ 5. Ὡσαύτως ὑπὲρ τῶν ἄλλων κοινός ἐστι τῶν τοιούτων ὁ λόγος.
Ὁμοίως δ´ ἔχει καὶ ἐπὶ τῶν παθῶν τοῦ γνωρίζειν· δεῖ γὰρ αὐτὸν συμβάλλεσθαι
πρὸς αἴσθησίν τι.
§ 6. Ἐπιζητήσειε δ´ ἄν τις ἴσως καὶ τὸ τοιοῦτον· ἆρά γε ἔργῳ εἰδήσας ταῦτα
καὶ δὴ εὐδαίμων ἔσομαι; Οἴονται γάρ. Τὸ δ´ ἐστὶν οὐ τοιοῦτον. Οὐδεμία γὰρ
οὐδὲ τῶν ἄλλων ἐπιστημῶν παραδίδωσι τῷ μανθάνοντι τὴν χρῆσιν καὶ τὴν
ἐνέργειαν, ἀλλὰ τὴν ἕξιν μόνον· οὕτως οὐδ´ ἐνταῦθα παραδίδωσιν τὸ εἰδῆσαι
ταῦτα τὴν χρῆσιν (ἡ γὰρ εὐδαιμονία ἐστὶν ἐνέργεια, ὡς φαμέν), ἀλλὰ τὴν
ἕξιν, οὐδ´ ἐν τῷ εἰδέναι ἐξ ὧν ἐστιν ἡ εὐδαιμονία, ἀλλ´ ἐκ τοῦ τούτοις
χρήσασθαι.
§ 7. Τὴν δὲ χρῆσιν καὶ τὴν ἐνέργειαν τούτων οὐκ ἔστι ταύτης τῆς
πραγματείας τὸ παραδιδόναι· οὐδὲ γὰρ ἄλλη ἐπιστήμη οὐδεμία τὴν χρῆσιν
παραδίδωσιν, ἀλλὰ τὴν ἕξιν.
| [2,12] CHAPITRE XII.
§ 1. On a déjà vu plus haut ce que c'est qu'agir conformément aux vertus ;
mais cette théorie n'a pas été suffisamment développée. En effet, nous
avons dit que c'est se conduire suivant la droite raison; mais il est
possible que, ne sachant pas au juste ce qu'on doit entendre par là, on
demande ce que c'est que de se conformer à la droite raison, et en quoi
consiste la droite raison qu'on recommande.
§ 2. Agir suivant la droite raison, c'est agir de façon que la partie
irrationnelle de l'âme n'empêche pas la partie raisonnable d'accomplir
l'acte qui lui est propre; alors l'action qu'on fait est conforme à la
droite raison. Nous avons dans notre âme une partie qui est moins bonne,
et une autre partie qui est meilleure. Or, le pire est toujours fait en
vue du meilleur, comme, dans l'association de l'âme et du corps, le corps
est fait pour l'âme; et nous disons que le corps est en bon état quand il
n'est pas un obstacle à l'âme, et qu'au contraire il contribue et concourt
à lui faire accomplir l'acte qui lui est propre ; car le pire, je le
répète, est fait en vue du meilleur ; et il est destiné à agir de concert avec lui.
§ 3. Lors donc que les passions n'empêchent pas l'intelligence d'accomplir
sa fonction spéciale, les choses se passent suivant la droite raison.
« Oui, sans doute, cela est vrai, pourrait-on dire. Mais comment doivent
être les passions pour ne pas faire obstacle à l'âme ? et dans quel moment
sont elles ainsi disposées ? Voilà ce que je ne sais pas. »
§ 4. J'avoue que la chose n'est pas facile à dire. Mais le rôle du médecin
ne va pas non plus au-delà. Quand il ordonne de la tisane à un malade qui
a la fièvre, et qu'un disciple lui dit : « Mais comment est-ce que je
sentirai qu'un malade a la fièvre ? — Lorsque vous verrez qu'il est pâle,
répond-il. Mais comment verrai-je qu'il est pâle ? » — Que le médecin
comprenne alors qu'il ne peut pas aller plus loin, et qu'il réponde : « Si
vous n'avez pas à part vous le sentiment et la perception de ces choses,
je n'y puis rien faire. »
§ 5. Le même dialogue peut exactement s'appliquer dans une foule de
circonstances semblables ; et c'est absolument ainsi qu'on peut acquérir
la connaissance des passions ; il faut soi-même contribuer pour sa part à
les observer en les sentant.
§ 6. On peut encore se poser une autre question, et demander aussi :
« Mais quand je saurai cela, en effet serai-je heureux ? » C'est là du moins
en général ce qu'on croit ; mais c'est une erreur. Il n'y a pas une seule
science qui donne non plus à celui qui la possède l'usage et la pratique
actuelle et effective de son objet particulier ; elle ne lui donne que la
faculté de s'en servir. Ici non plus, savoir ces choses n'en donne pas
l'usage, puisque le bonheur, avons-nous dit, est un acte. Cela n'en donne
que la simple faculté ; et le bonheur ne consiste pas à connaître de quels
éléments le bonheur se compose; il consiste seulement à se servir de ces
éléments.
§ 7. Mais ce n'est pas le but du présent traité d'enseigner l'usage et la
pratique de ces choses ; et encore une fois, aucune autre science, pas
plus que celle-ci, ne donne l'usage direct des choses ; elle ne donne
jamais que la faculté d'en user.
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