[11,9] CHAPITRE IX.
(5) Ἔστι δὲ τὸ μὲν ἐνεργείᾳ μόνον τὸ δὲ δυνάμει τὸ δὲ δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ, τὸ μὲν ὂν τὸ δὲ ποσὸν τὸ δὲ τῶν λοιπῶν.
§ 2. Οὐκ ἔστι δέ τις κίνησις παρὰ τὰ πράγματα· μεταβάλλει γὰρ ἀεὶ κατὰ τὰς τοῦ ὄντος κατηγορίας, κοινὸν δ' ἐπὶ τούτων οὐδέν ἐστιν ὃ οὐδ' ἐν μιᾷ κατηγορίᾳ. Ἕκαστον δὲ διχῶς (10) ὑπάρχει πᾶσιν (οἷον τὸ τόδε - τὸ μὲν γὰρ μορφὴ αὐτοῦ τὸ δὲ στέρησις - καὶ κατὰ τὸ ποιὸν τὸ μὲν λευκὸν τὸ δὲ μέλαν, καὶ κατὰ τὸ ποσὸν τὸ μὲν τέλειον τὸ δὲ ἀτελές, καὶ κατὰ φορὰν τὸ μὲν ἄνω τὸ δὲ κάτω, ἢ κοῦφον καὶ βαρύ᾿)· ὥστε κινήσεως καὶ μεταβολῆς τοσαῦτ' εἴδη ὅσα τοῦ ὄντος.
Διῃρημένου (15) δὲ καθ' ἕκαστον γένος τοῦ μὲν δυνάμει τοῦ δ' ἐντελεχείᾳ, τὴν τοῦ δυνάμει ᾗ τοιοῦτόν ἐστιν ἐνέργειαν λέγω κίνησιν. Ὅτι δ' ἀληθῆ λέγομεν, ἐνθένδε δῆλον· ὅταν γὰρ τὸ οἰκοδομητόν, ᾗ τοιοῦτον αὐτὸ λέγομεν εἶναι, ἐνεργείᾳ ᾖ, οἰκοδομεῖται, καὶ ἔστι τοῦτο οἰκοδόμησις· ὁμοίως μάθησις, ἰάτρευσις, βάδισις, (20) ἅλσις, γήρανσις, ἅδρυνσις.
§ 4. Συμβαίνει δὲ κινεῖσθαι ὅταν ἡ ἐντελέχεια ᾖ αὐτή, καὶ οὔτε πρότερον οὔθ' ὕστερον. Ἡ δὴ τοῦ δυνάμει ὄντος, ὅταν ἐντελεχείᾳ ὂν ἐνεργῇ, οὐχ ᾗ αὐτὸ ἀλλ' ᾗ κινητόν, κίνησίς ἐστιν. Λέγω δὲ τὸ ᾗ ὧδε. Ἔστι γὰρ ὁ χαλκὸς δυνάμει ἀνδριάς· ἀλλ' ὅμως οὐχ ἡ τοῦ (25) χαλκοῦ ἐντελέχεια, ᾗ χαλκός, κίνησίς ἐστιν. Οὐ γὰρ ταὐτὸν χαλκῷ εἶναι καὶ δυνάμει τινί, ἐπεὶ εἰ ταὐτὸν ἦν ἁπλῶς κατὰ τὸν λόγον, ἦν ἂν ἡ τοῦ χαλκοῦ ἐντελέχεια κίνησίς τις. Οὐκ ἔστι δὲ ταὐτό (δῆλον δ' ἐπὶ τῶν ἐναντίων· τὸ μὲν γὰρ δύνασθαι ὑγιαίνειν καὶ δύνασθαι κάμνειν οὐ ταὐτόν - καὶ γὰρ (30) ἂν τὸ ὑγιαίνειν καὶ τὸ κάμνειν ταὐτὸν ἦν - τὸ δ' ὑποκείμενον καὶ ὑγιαῖνον καὶ νοσοῦν, εἴθ' ὑγρότης εἴθ' αἷμα, ταὐτὸ καὶ ἕν). Ἐπεὶ δὲ οὐ τὸ αὐτό, ὥσπερ οὐδὲ χρῶμα ταὐτὸν καὶ ὁρατόν, ἡ τοῦ δυνατοῦ καὶ ᾗ δυνατὸν ἐντελέχεια κίνησίς ἐστιν.
(34) Ὅτι μὲν οὖν ἐστιν αὕτη, καὶ ὅτι συμβαίνει τότε κινεῖσθαι ὅταν ἡ ἐντελέχεια ᾖ αὐτή, καὶ οὔτε πρότερον οὔθ' ὕστερον, δῆλον (ἐνδέχεται γὰρ ἕκαστον ὁτὲ μὲν ἐνεργεῖν ὁτὲ δὲ μή, (1066a) (1) οἷον τὸ οἰκοδομητὸν ᾗ οἰκοδομητόν, καὶ ἡ τοῦ οἰκοδομητοῦ ἐνέργεια ᾗ οἰκοδομητὸν οἰκοδόμησίς ἐστιν· ἢ γὰρ τοῦτό ἐστιν, ἡ οἰκοδόμησις, ἡ ἐνέργεια, ἢ οἰκία· ἀλλ' ὅταν οἰκία ᾖ, οὐκέτι οἰκοδομητόν, (5) οἰκοδομεῖται δὲ τὸ οἰκοδομητόν· ἀνάγκη ἄρα οἰκοδόμησιν τὴν ἐνέργειαν εἶναι, ἡ δ' οἰκοδόμησις κίνησίς τις,
ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων κινήσεων)· ὅτι δὲ καλῶς εἴρηται, δῆλον ἐξ ὧν οἱ ἄλλοι λέγουσι περὶ αὐτῆς, καὶ ἐκ τοῦ μὴ ῥᾴδιον εἶναι διορίσαι ἄλλως αὐτήν. Οὔτε γὰρ ἐν ἄλλῳ (10) τις γένει δύναιτ' ἂν θεῖναι αὐτήν· δῆλον δ' ἐξ ὧν λέγουσιν· οἱ μὲν γὰρ ἑτερότητα καὶ ἀνισότητα καὶ τὸ μὴ ὄν, ὧν οὐδὲν ἀνάγκη κινεῖσθαι, ἀλλ' οὐδ' ἡ μεταβολὴ οὔτ' εἰς ταῦτα οὔτ' ἐκ τούτων μᾶλλον ἢ τῶν ἀντικειμένων. Αἴτιον δὲ τοῦ εἰς ταῦτα τιθέναι ὅτι ἀόριστόν τι δοκεῖ εἶναι ἡ κίνησις, τῆς δ' (15) ἑτέρας συστοιχίας αἱ ἀρχαὶ διὰ τὸ στερητικαὶ εἶναι ἀόριστοι· οὔτε γὰρ τόδε οὔτε τοιόνδε οὐδεμία αὐτῶν οὔτε τῶν λοιπῶν κατηγοριῶν.
Τοῦ δὲ δοκεῖν ἀόριστον εἶναι τὴν κίνησιν αἴτιον ὅτι οὔτ' εἰς δύναμιν τῶν ὄντων οὔτ' εἰς ἐνέργειαν ἔστι θεῖναι αὐτήν· οὔτε γὰρ τὸ δυνατὸν ποσὸν εἶναι κινεῖται ἐξ (20) ἀνάγκης, οὔτε τὸ ἐνεργείᾳ ποσόν, ἥ τε κίνησις ἐνέργεια μὲν εἶναι δοκεῖ τις, ἀτελὴς δέ· αἴτιον δ' ὅτι ἀτελὲς τὸ δυνατὸν οὗ ἐστὶν ἐνέργεια. Καὶ διὰ τοῦτο χαλεπὸν αὐτὴν λαβεῖν τί ἐστιν·
§ 10. ἢ γὰρ εἰς στέρησιν ἀνάγκη θεῖναι ἢ εἰς δύναμιν ἢ εἰς ἐνέργειαν ἁπλῆν, τούτων δ' οὐδὲν φαίνεται ἐνδεχόμενον, ὥστε (25) λείπεται τὸ λεχθὲν εἶναι, καὶ ἐνέργειαν καὶ μὴ ἐνέργειαν τὴν εἰρημένην, ἰδεῖν μὲν χαλεπὴν ἐνδεχομένην δ' εἶναι.
Καὶ ὅτι ἐστὶν ἡ κίνησις ἐν τῷ κινητῷ, δῆλον· ἐντελέχεια γάρ ἐστι τούτου ὑπὸ τοῦ κινητικοῦ. Καὶ ἡ τοῦ κινητικοῦ ἐνέργεια οὐκ ἄλλη ἐστίν. Δεῖ μὲν γὰρ εἶναι ἐντελέχειαν ἀμφοῖν· κινητικὸν (30) μὲν γάρ ἐστι τῷ δύνασθαι, κινοῦν δὲ τῷ ἐνεργεῖν, ἀλλ' ἔστιν ἐνεργητικὸν τοῦ κινητοῦ, ὥσθ' ὁμοίως μία ἡ ἀμφοῖν ἐνέργεια ὥσπερ τὸ αὐτὸ διάστημα ἓν πρὸς δύο καὶ δύο πρὸς ἕν, καὶ τὸ ἄναντες καὶ τὸ κάταντες, ἀλλὰ τὸ εἶναι οὐχ ἕν· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ κινοῦντος καὶ κινουμένου.
| [11,9] CHAPITRE IX.
Parmi les êtres, les uns sont en acte seulement, les autres seulement en puissance, d'autres en puissance et en acte tout à la fois ; il y a enfin l'être proprement dit, l'être sous le rapport de la quantité, et sous le rapport des autres catégories. Quant au mouvement, il n'existe pas en dehors des choses : c'est toujours relativement à quelqu'un des points de vue de l'être que s'opère le changement. Et le changement diffère non-seulement selon les différentes catégories, mais encore dans la même catégorie. Chaque catégorie est double dans les êtres : pour l'essence, par exemple, il y a la forme de l'objet et la privation de la forme ; pour la qualité, le blanc et le noir ; pour la quantité, le complet et l'incomplet; enfin l'objet monte ou descend, il est léger ou lourd, s'il s'agit de la vitesse. Il y a donc autant d'espèces de mouvement et de changement, que l'être a lui-même d'espèces.
Dans chaque genre d'êtres il y a l'être en puissance et l'être en acte. J'appelle mouvement l'actualité du possible en tant que possible ; et voici la preuve de l'exactitude de cette définition. C'est quand il y a 183 possibilité de construction, passant à l'acte en cette qualité même, que nous disons qu'il y a acte en tant qu'il y a construction, et c'est là ce qui constitue la construction. De même pour l'enseignement, la guérison d'une maladie, la rotation, la marche, le saut, la dégénérescence, la croissance. Il s'ensuit qu'il y a mouvement pendant la durée de cette sorte d'actualité, non auparavant, ni après ; et le mouvement est l'actualité de ce qui est en puissance, quand l'actualité se manifeste, non pas en tant que l'être est lui-même, mais en tant que mobile; et voici ce que j'entends par en tant que mobile. L'airain est statue en puissance ; toutefois l'actualité de l'airain en tant qu'airain n'est pas le mouvement qui produit la statue. La notion de l'airain n'implique pas la notion d'une puissance déterminée. S'il y avait entre ces notions identité absolue, essentielle, alors l'actualité de l'airain serait un certain mouvement. Mais il n'y a pas identité ; c'est ce que prouve l'examen des contraires. La puissance de se bien porter et celle d'être malade ne sont pas la même chose, sans quoi la santé et la maladie seraient identiques. Et pourtant le sujet de la santé et celui de la maladie ne sont qu'une seule et même chose, que ce soient les humeurs ou le sang. Puisqu'il n'y a pas identité dans le cas en question, et pas davantage entre la couleur et l'objet visible, il s'ensuit que l'actualité du possible en tant que possible constitue le mouvement.
Voilà ce que c'est que le mouvement ; et c'est pendant la durée de cette sorte d'actualité que l'objet se meut, et non point auparavant, ni plus tard : cela est 184 de toute évidence. Tout objet peut tantôt être, tantôt n'être pas en acte. (1066a) Ainsi, d'un côté ce qui peut être construit en tant que pouvant être construit; de l'autre, l'actualité de ce qui peut être construit en tant que pouvant être construit : c'est-là la construction. La construction est ou bien l'actualité même, ou bien la maison. Mais quand c'est une maison, la possibilité de construire n'existe plus : ce qui pouvait être construit est construit déjà. Il faut donc que l'acte véritable soit dans ce cas une construction ; or, la construction est un mouvement. Même raisonnement pour les autres mouvements.
Ce qui prouve que nous ne nous sommes point trompés, ce sont les systèmes des autres philosophes sur le mouvement, et la difficulté qu'ils éprouvent à le définir autrement que nous n'avons fait. Il serait impossible de le placer dans un autre genre que celui que nous lui avons assigné; on le voit assez à leurs paroles. Il en est qui appellent le mouvement une diversité, une inégalité, le non-être : toutes choses qui n'impliquent pas de nécessité le mouvement. Le changement ne se ramène pas plus à ces principes qu'à leurs opposés, et il n'en sort pas davantage. Ce qui fait que c'est aux principes négatifs qu'on le ramène, c'est que le mouvement semble quelque chose d'indéfini. Or, les principes qui composent la série négative sont indéfinis, parce qu'ils indiquent la privation, tandis que ni l'essence, ni la qualité, ne sont des principes indéfinis, ni aucune des autres catégories. La cause pour laquelle le mouvement semble indéfini, c'est qu'on ne peut le ramener ni à la puissance, ni à l'acte des êtres; car ni la quantité en puissance ne se meut nécessairement, ni la quantité en acte.
Le mouvement est donc, ce semble, une actualité, mais une actualité imparfaite, et la cause en est que la puissance passant à l'acte est une puissance imparfaite; voilà pourquoi il n'est pas facile de concevoir la nature du mouvement. On ne pouvait, en effet, le ramener qu'à la privation, ou à la puissance pure et simple, ou à l'acte pur et simple ; or, aucun de ces principes ne peut évidemment le constituer. Reste donc ce que nous avons dit, savoir, que le mouvement est une actualité, et n'est pas une actualité : chose difficile à comprendre, mais possible du moins.
Il est clair d'ailleurs que le mouvement existe dans l'objet mobile, car le mouvement est l'actualité de l'objet mobile produite par le moteur. De plus, l'actualité du moteur ne diffère pas de l'actualité du mobile. Il faut, pour qu'il y ait mouvement, qu'il y ait actualité de l'un ou de l'autre. Or, la puissance du moteur, c'est le principe du mouvement ; son actualité, c'est ce principe produisant le mouvement : mais ce mouvement, c'est l'actualité même de l'objet mobile. Il n'y a donc qu'une actualité unique pour l'un et pour l'autre. Il y a du reste la même distance de un à deux que de deux à un, du bas en haut que du haut en bas, sans qu'il y ait pourtant unité d'être entre ces 186 choses : tel est le rapport du moteur avec l'objet en mouvement.
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