[11,10] CHAPITRE X.
(35) Τὸ δ' ἄπειρον ἢ τὸ ἀδύνατον διελθεῖν τῷ μὴ πεφυκέναι διιέναι, καθάπερ ἡ φωνὴ ἀόρατος, ἢ τὸ διέξοδον ἔχον ἀτελεύτητον, ἢ ὃ μόλις, ἢ ὃ πεφυκὸς ἔχειν μὴ ἔχει διέξοδον ἢ πέρας· ἔτι προσθέσει ἢ ἀφαιρέσει ἢ ἄμφω.
(1066b) (1) Χωριστὸν μὲν δὴ αὐτό τι ὂν οὐχ οἷόν τ' εἶναι· εἰ γὰρ μήτε μέγεθος μήτε πλῆθος, οὐσία δ' αὐτὸ τὸ ἄπειρον καὶ μὴ συμβεβηκός, ἀδιαίρετον ἔσται (τὸ γὰρ διαιρετὸν ἢ μέγεθος ἢ πλῆθος), εἰ (5) δὲ ἀδιαίρετον, οὐκ ἄπειρον, εἰ μὴ καθάπερ ἡ φωνὴ ἀόρατος· ἀλλ' οὐχ οὕτω λέγουσιν οὐδ' ἡμεῖς ζητοῦμεν, ἀλλ' ὡς ἀδιέξοδον. Ἔτι πῶς ἐνδέχεται καθ' αὑτὸ εἶναι ἄπειρον, εἰ μὴ καὶ ἀριθμὸς καὶ μέγεθος, ὧν πάθος τὸ ἄπειρον; Ἔτι εἰ κατὰ συμβεβηκός, οὐκ ἂν εἴη στοιχεῖον τῶν ὄντων (10) ᾗ ἄπειρον, ὥσπερ οὐδὲ τὸ ἀόρατον τῆς διαλέκτου, καίτοι ἡ φωνὴ ἀόρατος. Καὶ ὅτι οὐκ ἔστιν ἐνεργείᾳ εἶναι τὸ ἄπειρον, δῆλον. Ἔσται γὰρ ὁτιοῦν αὐτοῦ ἄπειρον μέρος τὸ λαμβανόμενον (τὸ γὰρ ἀπείρῳ εἶναι καὶ ἄπειρον τὸ αὐτό, εἴπερ οὐσία τὸ ἄπειρον καὶ μὴ καθ' ὑποκειμένου), ὥστε ἢ ἀδιαίρετον, ἢ εἰς (15) ἄπειρα διαιρετόν, εἰ μεριστόν· πολλὰ δ' εἶναι τὸ αὐτὸ ἀδύνατον ἄπειρα (ὥσπερ γὰρ ἀέρος ἀὴρ μέρος, οὕτως ἄπειρον ἀπείρου, εἰ ἔστιν οὐσία καὶ ἀρχή)· ἀμέριστον ἄρα καὶ ἀδιαίρετον. Ἀλλὰ ἀδύνατον τὸ ἐντελεχείᾳ ὂν ἄπειρον (ποσὸν γὰρ εἶναι ἀνάγκη)· κατὰ συμβεβηκὸς ἄρα ὑπάρχει. Ἀλλ' εἰ οὕτως, εἴρηται ὅτι οὐκ ἐνδέχεται εἶναι ἀρχήν, ἀλλ' ἐκεῖνο ᾧ συμβέβηκε, τὸν ἀέρα ἢ τὸ ἄρτιον.
Αὕτη μὲν οὖν ἡ ζήτησις καθόλου, ὅτι δ' ἐν τοῖς αἰσθητοῖς οὐκ ἔστιν, ἐνθένδε δῆλον·
εἰ γὰρ σώματος λόγος τὸ ἐπιπέδοις ὡρισμένον, οὐκ εἴη ἂν ἄπειρον σῶμα οὔτ' αἰσθητὸν οὔτε νοητόν, οὐδ' ἀριθμὸς ὡς (25) κεχωρισμένος καὶ ἄπειρος· ἀριθμητὸν γὰρ ὁ ἀριθμὸς ἢ τὸ ἔχον ἀριθμόν. Φυσικῶς δὲ ἐκ τῶνδε δῆλον· οὔτε γὰρ σύνθετον οἷόν τ' εἶναι οὔθ' ἁπλοῦν. Σύνθετον μὲν γὰρ οὐκ ἔσται σῶμα, εἰ πεπέρανται τῷ πλήθει τὰ στοιχεῖα (δεῖ γὰρ ἰσάζειν τὰ ἐναντία καὶ μὴ εἶναι ἓν αὐτῶν ἄπειρον· εἰ γὰρ ὁτῳοῦν (30) λείπεται ἡ θατέρου σώματος δύναμις, φθαρήσεται ὑπὸ τοῦ ἀπείρου τὸ πεπερασμένον· ἕκαστον δ' ἄπειρον εἶναι ἀδύνατον, σῶμα γάρ ἐστι τὸ πάντῃ ἔχον διάστασιν, ἄπειρον δὲ τὸ ἀπεράντως διεστηκός, ὥστ' εἰ τὸ ἄπειρον σῶμα, πάντῃ ἔσται ἄπειρον)·
οὐδὲ ἓν δὲ καὶ ἁπλοῦν ἐνδέχεται τὸ ἄπειρον εἶναι (35) σῶμα, οὔθ' ὡς λέγουσί τινες, παρὰ τὰ στοιχεῖα ἐξ οὗ γεννῶσι ταῦτα (οὐκ ἔστι γὰρ τοιοῦτο σῶμα παρὰ τὰ στοιχεῖα· ἅπαν γάρ, ἐξ οὗ ἐστί, καὶ διαλύεται εἰς τοῦτο, οὐ φαίνεται δὲ τοῦτο παρὰ τὰ ἁπλᾶ σώματα), (1067a) (1) οὐδὲ πῦρ οὐδ' ἄλλο τῶν στοιχείων οὐθέν· χωρὶς γὰρ τοῦ ἄπειρον εἶναί τι αὐτῶν, ἀδύνατον τὸ ἅπαν, κἂν ᾖ πεπερασμένον, ἢ εἶναι ἢ γίγνεσθαι ἕν τι αὐτῶν, ὥσπερ Ἡράκλειτός φησιν ἅπαντα γίγνεσθαί ποτε (5) πῦρ.
Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τοῦ ἑνὸς ὃ ποιοῦσι παρὰ τὰ στοιχεῖα οἱ φυσικοί· πᾶν γὰρ μεταβάλλει ἐξ ἐναντίου, οἷον ἐκ θερμοῦ εἰς ψυχρόν. Ἔτι τὸ αἰσθητὸν σῶμα πού, καὶ ὁ αὐτὸς τόπος ὅλου καὶ μορίου, οἷον τῆς γῆς, ὥστ' εἰ μὲν ὁμοειδές, ἀκίνητον ἔσται ἢ ἀεὶ οἰσθήσεται, τοῦτο δὲ (10) ἀδύνατον ντί γὰρ μᾶλλον κάτω ἢ ἄνω ἢ ὁπουοῦν; Οἷον εἰ βῶλος εἴη, ποῦ αὕτη κινήσεται ἢ μενεῖ; Ὁ γὰρ τόπος τοῦ συγγενοῦς αὐτῇ σώματος ἄπειρος· καθέξει οὖν τὸν ὅλον τόπον; Καὶ πῶς; Τίς οὖν ἡ μονὴ καὶ ἡ κίνησις; Ἢ πανταχοῦ μενεῖ - οὐ κινηθήσεται ἄρα, ἢ πανταχοῦ κινηθήσεται (15) - οὐκ ἄρα στήσεταἰ· εἰ δ' ἀνόμοιον τὸ πᾶν, ἀνόμοιοι καὶ οἱ τόποι, καὶ πρῶτον μὲν οὐχ ἓν τὸ σῶμα τοῦ παντὸς ἀλλ' ἢ τῷ ἅπτεσθαι, εἶτα ἢ πεπερασμένα ταῦτ' ἔσται ἢ ἄπειρα εἴδει. Πεπερασμένα μὲν οὖν οὐχ οἷόν τε (ἔσται γὰρ τὰ μὲν ἄπειρα τὰ δ' οὔ, εἰ τὸ πᾶν ἄπειρον, οἷον πῦρ ἢ ὕδωρ· (20) φθορὰ δὲ τὸ τοιοῦτον τοῖς ἐναντίοις)· εἰ δ' ἄπειρα καὶ ἁπλᾶ, καὶ οἱ τόποι ἄπειροι καὶ ἔσται ἄπειρα στοιχεῖα· εἰ δὲ τοῦτ' ἀδύνατον καὶ οἱ τόποι πεπερασμένοι, καὶ τὸ πᾶν ἀνάγκη πεπεράνθαι.
Ὅλως δ' ἀδύνατον ἄπειρον εἶναι σῶμα καὶ τόπον τοῖς σώμασιν, εἰ πᾶν σῶμα αἰσθητὸν ἢ βάρος ἔχει (25) ἢ κουφότητα· ἢ γὰρ ἐπὶ τὸ μέσον ἢ ἄνω οἰσθήσεται, ἀδύνατον δὲ τὸ ἄπειρον ἢ πᾶν ἢ τὸ ἥμισυ ὁποτερονοῦν πεπονθέναι· πῶς γὰρ διελεῖς; Ἢ πῶς τοῦ ἀπείρου ἔσται τὸ μὲν κάτω τὸ δ' ἄνω, ἢ ἔσχατον καὶ μέσον; Ἔτι πᾶν σῶμα αἰσθητὸν ἐν τόπῳ, τόπου δὲ εἴδη ἕξ, ἀδύνατον δ' ἐν τῷ (30) ἀπείρῳ σώματι ταῦτ' εἶναι. Ὅλως δ' εἰ ἀδύνατον τόπον ἄπειρον εἶναι, καὶ σῶμα ἀδύνατον· τὸ γὰρ ἐν τόπῳ πού, τοῦτο δὲ σημαίνει ἢ ἄνω ἢ κάτω ἢ τῶν λοιπῶν τι, τούτων δ' ἕκαστον πέρας τι.
Τὸ δ' ἄπειρον οὐ ταὐτὸν ἐν μεγέθει καὶ κινήσει καὶ χρόνῳ ὡς μία τις φύσις, ἀλλὰ τὸ ὕστερον (35) λέγεται κατὰ τὸ πρότερον, οἷον κίνησις κατὰ τὸ μέγεθος ἐφ' οὗ κινεῖται ἢ ἀλλοιοῦται ἢ αὔξεται, χρόνος δὲ διὰ τὴν κίνησιν.
| [11,10] CHAPITRE X.
L'infini est ou ce qu'on ne peut parcourir, parce qu'il est dans sa nature de n'être point parcouru, au même titre que le son est invisible; ou ce qu'on ne peut achever de parcourir ; ou bien ce qu'on ne parcourt que difficilement ; ou enfin ce qui n'a ni terme ni limite, quoique de sa nature susceptible d'en avoir. Il y a encore l'infini par addition ou par soustraction, ou par addition et soustraction tout à la fois.
187 (1066b) L'infini ne saurait avoir une existence indépendante, être quelque chose par lui-même, et en même temps être un objet sensible. En effet, s'il n'est ni une grandeur, ni une chose multiple, s'il est l'infini substantiellement et non pas accidentellement, il doit être indivisible, tout divisible étant ou une grandeur, ou une multitude. Mais s'il est indivisible, il n'est pas infini, si ce n'est au même titre que le son est invisible. Or, ce n'est jamais de cet infini qu'on parle, ce n'est pas de celui-là que nous nous occupons ; c'est de l'infini sans limite. Comment d'ailleurs est-il possible que l'infini existe en soi, quand le nombre et la grandeur, dont l'infini n'est qu'un mode, n'existent pas en eux-mêmes ? Du reste, si l'infini est accidentel, il ne saurait être, en tant qu'infini, l'élément des êtres ; pas plus que l'invisible n'est l'élément du langage, nonobstant l'invisibilité du son. Enfin, l'infini ne peut évidemment exister en acte, car alors toute partie quelconque prise dans l'infini serait elle-même infinie, y ayant identité entre l'essence de l'infini et l'infini, si l'infini a une existence substantielle, et n'est point l'attribut d'un sujet. L'infini sera donc ou bien indivisible, ou bien divisible, susceptible d'être partagé en infinis. Or, un grand nombre d'infinis ne peuvent être le même infini, car l'infini serait une partie de l'infini, comme l'air est une partie de l'air, si l'infini était une essence et un principe. L'infini ne peut 188 donc être partagé, il est indivisible. Ce qui existe en acte ne saurait être infini, car il y a nécessairement quantité dans ce qui existe en acte. L'infini est donc accidentel. Mais nous avons dit qu'alors il ne pouvait être un principe, que le principe, c'est ce dont l'infini est un accident, l'air, le nombre pair.
Telles sont les considérations générales relatives à l'infini; nous allons montrer que l'infini ne fait point partie des objets sensibles.
Un être limité par des plans, voilà la notion du corps; il n'y a donc pas de corps infini, soit sensible, soit intelligible. Le nombre lui-même, quoiqu'indépendant, n'est pas infini car le nombre, car tout ce qui a un nombre peut se compter. Si nous passons aux objets physiques, voici la preuve qu'il n'y a pas de corps infini. Ce ne pourrait être ni un corps composé ni un corps simple. Ce n'est pas un corps composé, dès lors que les corps composants sont en nombre limité. Il faut, en effet, qu'il y ait dans le composé équilibre entre les éléments contraires; aucun d'eux ne doit être infini. Si de deux corps constituants l'un était d'une façon quelconque inférieur en puissance, le fini serait absorbé par l'infini. Il est d'ailleurs impossible que chacun des éléments soit infini. Le corps est ce qui a dimension dans tous les sens, et l'infini ce dont la dimension est sans borne : s'il y avait un corps infini, il serait donc infini dans tous les sens.
L'infini ne saurait pas être davantage un corps un 186 et simple, ni, comme quelques-uns le prétendent, quelque chose en dehors des éléments, et d'où proviennent les éléments. Il n'existe pas de pareil corps en dehors des éléments, car tous les corps se résolvent, et voilà tout, dans les eléments d'où ils proviennent. (1067a) Evidemment il n'y a pas, en dehors des corps simples, un élément tel que celui-là, le feu, par exemple, ou tout autre élément ; car il faudrait qu'il fût infini, pour que le tout, même fini, pût être ou devenir cet élément, comme dans le cas dont parle Héraclite. Le tout, dit-il, devient feu dans certaines circonstances.
Même raisonnement pour cette unité que les physiciens placent en dehors des éléments. Tout changement se fait du contraire au contraire, du froid au chaud, par exemple. Puis, le corps sensible occupe un lieu déterminé, et c'est le même lieu qui contient le tout et ses parties : le tout et les parties de la terre sont dans le même lieu. Si donc le tout est homogène, ou il sera immobile, ou bien il aura un perpétuel mouvement. Mais la dernière supposition est impossible. Pourquoi irait-il en haut plutôt qu'en bas, ou dans une direction quelconque ? Si le tout était une masse de terre, par exemple, dans quel endroit pourrait-elle se mouvoir ou rester immobile ? Le lieu que cette masse occupe, le lieu de ce corps infini est infini ; elle le remplirait donc tout entier. Et comment 190 en peut-il être ainsi ? Quelle peut être, dans ce cas, l'immobilité, quel peut être le mouvement ? Y aurait-il immobilité dans toutes les parties du lieu ? Il n'y aurait donc jamais de mouvement. Y a-t-il, au contraire, mouvement dans toutes les parties du lieu ? Il n'y aurait donc jamais de repos. Mais s'il y a hétérogénéité dans le tout, les lieux sont entre eux dans le même rapport que les parties qu'ils contiennent. Et d'abord, il n'y a pas unité dans le corps qui constitue le tout, sinon unité par contact. Ensuite, ou le nombre des espèces de corps qui le composent est fini, ou bien il est infini. Or, il n'est pas possible que ce nombre soit fini ; sans cela il y aurait des corps infinis, d'autres qui ne le seraient pas, le tout étant infini : le feu, par exemple, le serait, ou bien l'eau. Or, une telle supposition, c'est la destruction des corps finis. Mais si le nombre des espèces de corps est infini, et s'ils sont simples, il y aura une infinité d'espèces de lieux, une infinité d'espèces d'éléments. Or, cela est impossible : le nombre des espèces de lieux est fini donc le nombre des espèces de corps qui composent le tout est nécessairement fini.
En général, un corps ne saurait être infini, et pas plus que les corps, le lieu qui contient les corps ; puisque tout corps sensible est ou pesant, ou léger. Le 191 corps infini aurait un mouvement soit horizontal, soit de bas en haut. Mais ni l'infini tout entier ne saurait être susceptible d'un tel mouvement, ni la moitié de l'infini, ni une partie quelconque de l'infini. Comment établir la distinction, et par quel moyen déterminer que ceci est le bas de l'infini, ceci le haut, la fin, le milieu ? D'ailleurs, tout corps sensible est dans un lieu. Or, il y a six espèces de lieu. Où les trouver dans le cas de l'existence d'un corps infini ? En un mot, s'il est impossible que le lieu soit infini, il est impossible que le corps le soit lui-même. Ce qui est dans un lieu est quelque part ; c'est-à-dire qu'il est en haut, ou en bas, ou dans un des autres lieux. Or, chacun de ces lieux est lui-même une limite.
Il n'y a pas identité entre l'infini dans la grandeur, l'infini dans le mouvement, et l'infini dans le temps ; ce n'est pas là une seule et même nature. De ces trois infinis, celui qui suit est dit infini par son rapport avec celui qui précède. C'est par son rapport avec la grandeur qui subit un mouvement, une altération, une augmentation, que le mouvement est dit 192 infini. Le temps est infini par son rapport avec le mouvement.
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