[11,3] CHAPITRE III.
Ἐπεὶ δ' ἐστὶν ἡ τοῦ φιλοσόφου ἐπιστήμη τοῦ ὄντος ᾗ ὂν καθόλου καὶ οὐ κατὰ μέρος, τὸ δ' ὂν πολλαχῶς καὶ οὐ καθ' ἕνα λέγεται τρόπον· εἰ μὲν οὖν ὁμωνύμως κατὰ δὲ κοινὸν μηδέν, οὐκ ἔστιν ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην (οὐ γὰρ ἓν γένος (35) τῶν τοιούτων), εἰ δὲ κατά τι κοινόν, εἴη ἂν ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην. Ἔοικε δὴ τὸν εἰρημένον λέγεσθαι τρόπον καθάπερ τό τε ἰατρικὸν καὶ ὑγιεινόν· καὶ γὰρ τούτων ἑκάτερον πολλαχῶς λέγομεν. (1061a) (1) Λέγεται δὲ τοῦτον τὸν τρόπον ἕκαστον τῷ τὸ μὲν πρὸς τὴν ἰατρικὴν ἐπιστήμην ἀνάγεσθαί πως τὸ δὲ πρὸς ὑγίειαν τὸ δ' ἄλλως, πρὸς ταὐτὸ δ' ἕκαστον. Ἰατρικὸς γὰρ λόγος καὶ μαχαίριον λέγεται τῷ τὸ μὲν ἀπὸ τῆς ἰατρικῆς ἐπιστήμης (5) εἶναι τὸ δὲ ταύτῃ χρήσιμον. Ὁμοίως δὲ καὶ ὑγιεινόν· τὸ μὲν γὰρ ὅτι σημαντικὸν ὑγιείας τὸ δ' ὅτι ποιητικόν. Ὁ δ' αὐτὸς τρόπος καὶ ἐπὶ τῶν λοιπῶν. Τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον καὶ τὸ ὂν ἅπαν λέγεται· τῷ γὰρ τοῦ ὄντος ᾗ ὂν πάθος ἢ ἕξις ἢ διάθεσις ἢ κίνησις ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν τοιούτων (10) εἶναι λέγεται ἕκαστον αὐτῶν ὄν.
Ἐπεὶ δὲ παντὸς τοῦ ὄντος πρὸς ἕν τι καὶ κοινὸν ἡ ἀναγωγὴ γίγνεται, καὶ τῶν ἐναντιώσεων ἑκάστη πρὸς τὰς πρώτας διαφορὰς καὶ ἐναντιώσεις ἀναχθήσεται τοῦ ὄντος, εἴτε πλῆθος καὶ ἓν εἴθ' ὁμοιότης καὶ ἀνομοιότης αἱ πρῶται τοῦ ὄντος εἰσὶ διαφοραί, εἴτ' (15) ἄλλαι τινές· ἔστωσαν γὰρ αὗται τεθεωρημέναι. Διαφέρει δ' οὐδὲν τὴν τοῦ ὄντος ἀναγωγὴν πρὸς τὸ ὂν ἢ πρὸς τὸ ἓν γίγνεσθαι. Καὶ γὰρ εἰ μὴ ταὐτὸν ἄλλο δ' ἐστίν, ἀντιστρέφει γε· τό τε γὰρ ἓν καὶ ὄν πως, τό τε ὂν ἕν.
Ἐπεὶ δ' ἐστὶ τὰ ἐναντία πάντα τῆς αὐτῆς καὶ μιᾶς ἐπιστήμης θεωρῆσαι, λέγεται (20) δ' ἕκαστον αὐτῶν κατὰ στέρησιν - καίτοι γ' ἔνια ἀπορήσειέ τις ἂν πῶς λέγεται κατὰ στέρησιν, ὧν ἔστιν ἀνὰ μέσον τι, καθάπερ ἀδίκου καὶ δικαίου - περὶ πάντα δὴ τὰ τοιαῦτα τὴν στέρησιν δεῖ τιθέναι μὴ τοῦ ὅλου λόγου, τοῦ τελευταίου δὲ εἴδους· οἷον εἰ ἔστιν ὁ δίκαιος καθ' ἕξιν τινὰ (25) πειθαρχικὸς τοῖς νόμοις, οὐ πάντως ὁ ἄδικος ἔσται τοῦ ὅλου στερούμενος λόγου, περὶ δὲ τὸ πείθεσθαι τοῖς νόμοις ἐκλείπων πῃ, καὶ ταύτῃ ἡ στέρησις ὑπάρξει αὐτῷ· τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Καθάπερ δ' ὁ μαθηματικὸς περὶ τὰ ἐξ ἀφαιρέσεως τὴν θεωρίαν ποιεῖται (περιελὼν γὰρ πάντα (30) τὰ αἰσθητὰ θεωρεῖ, οἷον βάρος καὶ κουφότητα καὶ σκληρότητα καὶ τοὐναντίον, ἔτι δὲ καὶ θερμότητα καὶ ψυχρότητα καὶ τὰς ἄλλας αἰσθητὰς ἐναντιώσεις, μόνον δὲ καταλείπει τὸ ποσὸν καὶ συνεχές, τῶν μὲν ἐφ' ἓν τῶν δ' ἐπὶ δύο τῶν δ' ἐπὶ τρία, καὶ τὰ πάθη τὰ τούτων ᾗ ποσά ἐστι (35) καὶ συνεχῆ, καὶ οὐ καθ' ἕτερόν τι θεωρεῖ, καὶ τῶν μὲν τὰς πρὸς ἄλληλα θέσεις σκοπεῖ καὶ τὰ ταύταις ὑπάρχοντα, (1061b) (1) τῶν δὲ τὰς συμμετρίας καὶ ἀσυμμετρίας, τῶν δὲ τοὺς λόγους, ἀλλ' ὅμως μίαν πάντων καὶ τὴν αὐτὴν τίθεμεν ἐπιστήμην τὴν γεωμετρικήν), τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον ἔχει καὶ περὶ τὸ ὄν. Τὰ γὰρ τούτῳ συμβεβηκότα καθ' ὅσον ἐστὶν ὄν, καὶ τὰς (5) ἐναντιώσεις αὐτοῦ ᾗ ὄν, οὐκ ἄλλης ἐπιστήμης ἢ φιλοσοφίας θεωρῆσαι. Τῇ φυσικῇ μὲν γὰρ οὐχ ᾗ ὄντα, μᾶλλον δ' ᾗ κινήσεως μετέχει, τὴν θεωρίαν τις ἀπονείμειεν ἄν· ἥ γε μὴν διαλεκτικὴ καὶ ἡ σοφιστικὴ τῶν συμβεβηκότων μέν εἰσι τοῖς οὖσιν, οὐχ ᾗ δ' ὄντα οὐδὲ περὶ τὸ ὂν αὐτὸ καθ' ὅσον (10) ὄν ἐστιν·
ὥστε λείπεται τὸν φιλοσόφον, καθ' ὅσον ὄντ' ἐστίν, εἶναι περὶ τὰ λεχθέντα θεωρητικόν. Ἐπεὶ δὲ τό τε ὂν ἅπαν καθ' ἕν τι καὶ κοινὸν λέγεται πολλαχῶς λεγόμενον, καὶ τἀναντία τὸν αὐτὸν τρόπον νεἰς τὰς πρώτας γὰρ ἐναντιώσεις καὶ διαφορὰς τοῦ ὄντος ἀνάγεταἰ, τὰ δὲ τοιαῦτα δυνατὸν (15) ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην εἶναι, διαλύοιτ' ἂν ἡ κατ' ἀρχὰς ἀπορία λεχθεῖσα, λέγω δ' ἐν ᾗ διηπορεῖτο πῶς ἔσται πολλῶν καὶ διαφόρων ὄντων τῷ γένει μία τις ἐπιστήμη.
| [11,3] CHAPITRE III.
La science du philosophe est la science de l'être en tant qu'être, dans toutes ces acceptions, et non pas sous un point de vue particulier. L'être n'a pas une signification unique, mais s'entend de plusieurs manières ; or, s'il n'y a analogie que de nom, et s'il n'y a pas au fond un genre commun, l'être n'est pas du domaine d'une seule science, n'y ayant pas, entre les diverses sortes d'être, unité de genre. Mais s'il y a aussi rapport fondamental, alors l'étude de l'être appartiendra à une seule science. (1061a) Ce que nous avons dit qui avait lieu pour le médical et pour le sain, a lieu aussi, ce serait-ce, pour l'être. Médical et sain se prennent l'un et l'autre sous plusieurs acceptions : on donne ces noms à tout ce qui peut se ramener de telle façon, ou de telle autre, soit à la science médicale, soit à la santé ; mais toutes les significations de chacun de 163 ces mots se rapportent à une même chose. On donne le nom de médical et à la notion de la maladie et au scalpel, parce que l'une vient de la science médicale, et que l'autre est utile dans cette science. De même pour le sain : tel objet reçoit le nom de sain parce qu'il est l'indice dela santé, tel autre parce qu'il la produit ; et de même pour les choses analogues. De même enfin pour tous les autres modes de l'être. Chacun de ces modes est appelé être, ou parce qu'il est une qualité, un état de l'être en tant qu'être, ou parce qu'il est une disposition, un mouvement, ou quelqu'un des autres attributs de ce genre.
Toutes les acceptions de l'être peuvent se ramener à une seule acception commune; toutes les contrariétés se peuvent ramener aux premières différences, aux contrariétés de l'être, soit qu'on regarde comme premières différences de l'être la pluralité et l'unité, la similitude et la dissimilitude, ou bien quelques autres différences : question que nous n'avons plus besoin d'examiner. Peu importe que l'on ramène les divers modes de l'être, à l'être ou à l'unité. Supposé même que l'unité et l'être ne soient pas identiques, mais différents, ils peuvent cependant se remplacer l'un l'autre : l'unité est, sous un point de vue, l'être, et l'être, l'unité.
Puisqu'une seule et même science embrasse tous les contraires, et que dans tous les contraires il y a privation, on pourrait se poser cette difficulté : Comment, dans certains cas, y a-t-il privation, y ayant un 164 intermédiaire entre les contraires, entre le juste et l'injuste, par exemple ? Dans tous les cas, il faut dire qu'il n'y a pas, pour l'intermédiaire, privation complète de chacun des extrêmes ; cela n'a lieu que pour les extrêmes entre eux. Si, par exemple, l'homme juste est celui qui se conforme aux lois en vertu d'une certaine disposition de sa nature, il n'y aura pas, pour l'homme non-juste privation complète de tout ce qui est compris dans la définition du juste. S'il manque par quelque point à l'obéissance due aux lois, il y aura pour lui privation sous ce rapport. Il en sera de même pour tout le reste. De même donc que le mathématicien opère sur de pures abstractions; car il examine les objets dépouillés de tous leurs caractères sensibles, tels que le poids, la légèreté, la dureté et son contraire, ainsi que la chaleur, le froid, et tous les autres caractères sensibles opposés deux à deux ; il ne leur laisse que la quantité et la continuité dans une seule, dans deux, dans trois directions, et les modes de la quantité et du continu en tant que quantité et continu, et ne les étudie point sous d'autres rapports ; il examine tantôt leurs positions relatives et ce qui suit de leurs positions, (1061b) tantôt leur commensurabilité et leur incommensurabilité, tantôt leur proportions ; et cependant nous ne faisons qu'une seule et même science de la géométrie, laquelle étudie les objets sous tous ces rapports : de même pour l'être ; c'est la philosophie seule et non pas une autre science qui étudie les accidents de l'être en tant qu'être, et les contrariétés de l'être en tant qu'être. Car c'est en tant que susceptible de mouvement, plutôt qu'en tant qu'être, qu'on pourrait rapporter à la physique l'étude de l'être. La dialectique et la sophistique s'occupent des accidents des êtres, et non pas des êtres en tant qu'êtres, ni de l'être en soi et en tant qu'être.
Reste donc à dire que c'est le philosophe qui traite des principes dont nous avons parlé, en tant qu'ils sont des êtres. Et puisque les diverses significations de l'être se rapportent toutes à une signification commune et unique, et comme elles, les diverses contrariétés, car toutes se ramènent aux premières contrariétés et aux premières différences de l'être, une seule science peut dès-lors embrasser toutes ces choses, et ainsi se trouve résolue la difficulté que nous nous étions posée*en commençant, je veux parler de la question de savoir comment une seule et même science peut embrasser à la fois plusieurs êtres de genres différents.
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