[11,2] CHAPITRE II.
Ἔτι πότερον δεῖ τιθέναι τι παρὰ τὰ καθ' ἕκαστα ἢ οὔ, ἀλλὰ τούτων ἡ ζητουμένη ἐπιστήμη; Ἀλλὰ ταῦτα ἄπειρα· (5) τά γε μὴν παρὰ τὰ καθ' ἕκαστα γένη ἢ εἴδη ἐστίν, ἀλλ' οὐδετέρου τούτων ἡ ζητουμένη νῦν ἐπιστήμη. Διότι γὰρ ἀδύνατον τοῦτο, εἴρηται. Καὶ γὰρ ὅλως ἀπορίαν ἔχει πότερον δεῖ τινὰ ὑπολαβεῖν οὐσίαν εἶναι χωριστὴν παρὰ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας καὶ τὰς δεῦρο, ἢ οὔ, ἀλλὰ ταῦτ' εἶναι τὰ ὄντα καὶ περὶ (10) ταῦτα τὴν σοφίαν ὑπάρχειν. Ζητεῖν μὲν γὰρ ἐοίκαμεν ἄλλην τινά, καὶ τὸ προκείμενον τοῦτ' ἔστιν ἡμῖν, λέγω δὲ τὸ ἰδεῖν εἴ τι χωριστὸν καθ' αὑτὸ καὶ μηδενὶ τῶν αἰσθητῶν ὑπάρχον. Ἔτι δ' εἰ παρὰ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας ἔστι τις ἑτέρα οὐσία, παρὰ ποίας τῶν αἰσθητῶν δεῖ τιθέναι ταύτην εἶναι; (15) Τί γὰρ μᾶλλον παρὰ τοὺς ἀνθρώπους ἢ τοὺς ἵππους ἢ τῶν ἄλλων ζῴων θήσει τις αὐτὴν ἢ καὶ τῶν ἀψύχων ὅλως; Τό γε μὴν ἴσας ταῖς αἰσθηταῖς καὶ φθαρταῖς οὐσίαις ἀϊδίους ἑτέρας κατασκευάζειν ἐκτὸς τῶν εὐλόγων δόξειεν ἂν πίπτειν.
Εἰ δὲ μὴ χωριστὴ τῶν σωμάτων ἡ ζητουμένη νῦν ἀρχή, (20) τίνα ἄν τις ἄλλην θείη μᾶλλον τῆς ὕλης; Αὕτη γε μὴν ἐνεργείᾳ μὲν οὐκ ἔστι, δυνάμει δ' ἔστιν. Μᾶλλόν τ' ἂν ἀρχὴ κυριωτέρα ταύτης δόξειεν εἶναι τὸ εἶδος καὶ ἡ μορφή· τοῦτο δὲ φθαρτόν, ὥσθ' ὅλως οὐκ ἔστιν ἀίδιος οὐσία χωριστὴ καὶ καθ' αὑτήν.
§ 4. Ἀλλ' ἄτοπον· ἔοικε γὰρ καὶ ζητεῖται σχεδὸν (25) ὑπὸ τῶν χαριεστάτων ὡς οὖσά τις ἀρχὴ καὶ οὐσία τοιαύτη· πῶς γὰρ ἔσται τάξις μή τινος ὄντος ἀϊδίου καὶ χωριστοῦ καὶ μένοντος;
Ἔτι δ' εἴπερ ἔστι τις οὐσία καὶ ἀρχὴ τοιαύτη τὴν φύσιν οἵαν νῦν ζητοῦμεν, καὶ αὕτη μία πάντων καὶ ἡ αὐτὴ τῶν ἀϊδίων τε καὶ φθαρτῶν, ἀπορίαν ἔχει διὰ τί ποτε τῆς (30) αὐτῆς ἀρχῆς οὔσης τὰ μέν ἐστιν ἀίδια τῶν ὑπὸ τὴν ἀρχὴν τὰ δ' οὐκ ἀίδια (τοῦτο γὰρ ἄτοπον)· εἰ δ' ἄλλη μέν ἐστιν ἀρχὴ τῶν φθαρτῶν ἄλλη δὲ τῶν ἀϊδίων, εἰ μὲν ἀίδιος καὶ ἡ τῶν φθαρτῶν, ὁμοίως ἀπορήσομεν (διὰ τί γὰρ οὐκ ἀϊδίου τῆς ἀρχῆς οὔσης καὶ τὰ ὑπὸ τὴν ἀρχὴν ἀίδια)· φθαρτῆς δ' (35) οὔσης ἄλλη τις ἀρχὴ γίγνεται ταύτης κἀκείνης ἑτέρα, καὶ τοῦτ' εἰς ἄπειρον πρόεισιν.
Εἰ δ' αὖ τις τὰς δοκούσας μάλιστ' ἀρχὰς ἀκινήτους εἶναι, τό τε ὂν καὶ τὸ ἕν, θήσει, πρῶτον μὲν εἰ μὴ τόδε τι καὶ οὐσίαν ἑκάτερον αὐτῶν σημαίνει, (1060b) (1) πῶς ἔσονται χωρισταὶ καὶ καθ' αὑτάς; Τοιαύτας δὲ ζητοῦμεν τὰς ἀϊδίους τε καὶ πρώτας ἀρχάς. Εἴ γε μὴν τόδε τι καὶ οὐσίαν ἑκάτερον αὐτῶν δηλοῖ, πάντ' ἐστὶν οὐσίαι τὰ ὄντα· κατὰ (5) πάντων γὰρ τὸ ὂν κατηγορεῖται (κατ' ἐνίων δὲ καὶ τὸ ἕν)· οὐσίαν δ' εἶναι πάντα τὰ ὄντα ψεῦδος.
Ἔτι δὲ τοῖς τὴν πρώτην ἀρχὴν τὸ ἓν λέγουσι καὶ τοῦτ' οὐσίαν, ἐκ δὲ τοῦ ἑνὸς καὶ τῆς ὕλης τὸν ἀριθμὸν γεννῶσι πρῶτον καὶ τοῦτον οὐσίαν φάσκουσιν εἶναι, πῶς ἐνδέχεται τὸ λεγόμενον ἀληθὲς εἶναι; (10) Τὴν γὰρ δυάδα καὶ τῶν λοιπῶν ἕκαστον ἀριθμῶν τῶν συνθέτων πῶς ἓν δεῖ νοῆσαι; Περὶ τούτου γὰρ οὔτε λέγουσιν οὐδὲν οὔτε ῥᾴδιον εἰπεῖν.
Εἴ γε μὴν γραμμὰς ἢ τὰ τούτων ἐχόμενα (λέγω δὲ ἐπιφανείας τὰς πρώτας) θήσει τις ἀρχάς, ταῦτά γ' οὐκ εἰσὶν οὐσίαι χωρισταί, τομαὶ δὲ καὶ διαιρέσεις αἱ μὲν ἐπιφανειῶν (15) αἱ δὲ σωμάτων (αἱ δὲ στιγμαὶ γραμμῶν), ἔτι δὲ πέρατα τῶν αὐτῶν τούτων· πάντα δὲ ταῦτα ἐν ἄλλοις ὑπάρχει καὶ χωριστὸν οὐδέν ἐστιν.
§ 9. Ἔτι πῶς οὐσίαν ὑπολαβεῖν εἶναι δεῖ τοῦ ἑνὸς καὶ στιγμῆς; Οὐσίας μὲν γὰρ πάσης γένεσις ἔστι, στιγμῆς δ' οὐκ ἔστιν· διαίρεσις γὰρ ἡ στιγμή.
Παρέχει (20) δ' ἀπορίαν καὶ τὸ πᾶσαν μὲν ἐπιστήμην εἶναι τῶν καθόλου καὶ τοῦ τοιουδί, τὴν δ' οὐσίαν μὴ τῶν καθόλου εἶναι, μᾶλλον δὲ τόδε τι καὶ χωριστόν, ὥστ' εἰ περὶ τὰς ἀρχάς ἐστιν ἐπιστήμη, πῶς δεῖ τὴν ἀρχὴν ὑπολαβεῖν οὐσίαν εἶναι;
Ἔτι πότερον ἔστι τι παρὰ τὸ σύνολον ἢ οὔ (λέγω δὲ τὴν ὕλην καὶ (25) τὸ μετὰ ταύτης); Εἰ μὲν γὰρ μή, τά γε ἐν ὕλῃ φθαρτὰ πάντα· εἰ δ' ἔστι τι, τὸ εἶδος ἂν εἴη καὶ ἡ μορφή· τοῦτ' οὖν ἐπὶ τίνων ἔστι καὶ ἐπὶ τίνων οὔ, χαλεπὸν ἀφορίσαι· ἐπ' ἐνίων γὰρ δῆλον οὐκ ὂν χωριστὸν τὸ εἶδος, οἷον οἰκίας.
Ἔτι πότερον αἱ ἀρχαὶ εἴδει ἢ ἀριθμῷ αἱ αὐταί; Εἰ γὰρ ἀριθμῷ (30) ἕν, πάντ' ἔσται ταὐτά.
| [11,2] CHAPITRE II.
En outre, faut-il admettre ou non d'autres êtres en dehors des individus ? Est-ce sur les individus que porte la science que nous cherchons ? Mais il y a une infinité d'individus. Ce qui est en dehors des individus, ce sont les genres ou les espèces ; or, ni les uns ni les autres ne sont l'objet de notre science: nous avons dit pourquoi cela était impossible.En un mot, faut-il admettre, oui ou non, qu'il existe une essence séparée, et en dehors des substances sensibles, ou bien que ces dernières sont les seuls êtres, et qu'elles sont l'objet de la philosophie ? Évidemment nous cherchons quelque essence autre que les êtres sensibles, et notre but, c'est de voir s'il y a quelque chose qui existe séparé en soi, et qui ne se trouve dans aucun des êtres sensibles. Ensuite, s'il y a quelque autre essence indépendamment des substances sensibles, en dehors de quelles substances sensibles faut-il admettre qu'elle existe ? Car pourquoi dirait-on que cette essence indépendante existe plutôt en dehors des hommes ou des chevaux que des autres 159 animaux, ou, en général, des objets inanimés? Et d'ailleurs, il va contre la raison, à ce qu'il me semble, d'imaginer des substances éternelles semblables aux substances sensibles et périssables.
Si donc le principe que nous cherchons maintenant n'est pas séparé des corps, quel principe pourrait-on admettre de préférence à la matière ? Mais la matière n'est pas en acte, elle n'est qu'en puissance. D'après cela, la forme et l'essence paraîtraient avoir plus de droits au titre de principe, que la matière. Mais la forme matérielle est périssable; de sorte qu'il n'y a absolument aucune substance éternelle, séparée et en soi : or, cela est absurde. Car il y en a évidemment quelqu'une : presque tous les esprits les plus distingués se sont occupés de cette recherche, convaincus de l'existence d'un principe, d'une substance de ce genre. Comment, en effet, l'ordre existerait-il, s'il n'y avait pas quelque chose d'éternel, de séparé, d'immuable ?
Ajoutons que s'il existe un principe, une substance de la nature de celle que nous cherchons ; si elle est la substance unique de toutes choses, substance des êtres éternels et des êtres périssables tout à la fois, il s'élève une autre difficulté : Comment, le principe étant le même, les êtres sont-ils les uns éternels, les autres non-éternels ? C'est là une chose absurde. S'il y a deux substances qui soient principes, l'une des êtres périssables, l'autre des êtres éternels, et si en même temps la substance des êtres périssables est 160 éternelle, la difficulfé n'est pas moindre. Car, pourquoi, si le principe est éternel, ce qui provient du principe n'est-il pas éternel? S'il est périssable, il a lui-même pour principe un autre principe, celui-ci un autre ; et l'on ira de la sorte jusqu'à l'infini.
Que si l'on admet pour principes l'unité et l'être, qui semblent être par excellence les principes immobiles, et si en même temps ni l'un ni l'autre de ces deux principes n'est un être déterminé, une essence, (1060b) comment seront-ils séparés et en soi ? Or, tels sont les caractères que nous cherchons dans les principes éternels et premiers. Si, d'un autre côté, l'unité et l'être sont l'être déterminé et l'essence, dès-lors tous les êtres seront des essences ; car l'être se dit également de tous les êtres, et l'unité, d'un certain nombre. Or, prétendre que tous les êtres sont des essences, c'est être dans le faux.
De plus, comment peuvent être dans le vrai ceux qui disent que le premier principe, c'est l'unité, et qu'à ce titre l'unité est essence; qui engendrent le premier nombre au moyen de l'unité et de la matière, et qui disent que ce nombre est la substance des êtres sensibles? Comment, en effet, comprendre qu'il y ait unité dans la dyade et dans chacun des autres nombres composés? Ils ne disent rien à ce sujet, et il ne leur serait pas facile de donner une explication satisfaisante.
Si l'on regarde comme principes les lignes, ou ce qui dépend des lignes, et j'entends par là les plans premiers, ce ne seront pas là des substances séparées ; ce ne seront que des sections, des divisions, les unes 161 des plans, les autres des corps, les points des lignes. Elles ne seront guère que les limites de ces corps ; or, de pareils êtres existent toujours dans d'autres êtres, aucun d'eux n'est séparé. Ensuite, comment concevoir une substance à l'unité et au point ? Toute substance est sujette à production, et le point ne naît pas ; le point n'est qu'une division.
Une autre difficulté, c'est que toute science porte sur l'universel, sur ce qui embrasse la multiplicité des choses, tandis que la substance n'est point quelque chose de général, mais plutôt l'être déterminé et séparé. Si donc la science traite des principes, comment concevoir que le principe soit une substance ?
De plus, y a-t-il, oui ou non, quelque chose, indépendamment de l'ensemble (par ensemble, j'entends la matière unie à la forme) ? S'il n'y a rien, tout est matériel, tout est périssable ; s'il y a quelque chose qui soit indépendant, ce sera la forme et la figure. Mais dans quel cas la forme est indépendante, dans quel cas elle ne l'est point ? c'est ce qu il est difficile de déterminer. Toutefois, dans certains cas, la forme 162 n'est évidemment point séparée : pour une maison, par exemple.
Enfin, les principes sont-ils identiques quant à l'espèce ou quant au nombre? S'il sont identiques en nombre, tout sera identique.
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