[11,1] CHAPITRE PREMIER.
(1059a) (18) Ὅτι μὲν ἡ σοφία περὶ ἀρχὰς ἐπιστήμη τίς ἐστι, δῆλον ἐκ τῶν πρώτων ἐν οἷς διηπόρηται πρὸς τὰ ὑπὸ τῶν ἄλλων (20) εἰρημένα περὶ τῶν ἀρχῶν· ἀπορήσειε δ' ἄν τις πότερον μίαν ὑπολαβεῖν εἶναι δεῖ τὴν σοφίαν ἐπιστήμην ἢ πολλάς· εἰ μὲν γὰρ μίαν, μία γ' ἐστὶν ἀεὶ τῶν ἐναντίων, αἱ δ' ἀρχαὶ οὐκ ἐναντίαι· εἰ δὲ μὴ μία, ποίας δεῖ θεῖναι ταύτας; Ἔτι τὰς ἀποδεικτικὰς ἀρχὰς θεωρῆσαι μιᾶς ἢ πλειόνων; Εἰ μὲν γὰρ (25) μιᾶς, τί μᾶλλον ταύτης ἢ ὁποιασοῦν; Εἰ δὲ πλειόνων, ποίας δεῖ ταύτας τιθέναι; Ἔτι πότερον πασῶν τῶν οὐσιῶν ἢ οὔ; Εἰ μὲν γὰρ μὴ πασῶν, ποίων χαλεπὸν ἀποδοῦναι· εἰ δὲ πασῶν μία, ἄδηλον πῶς ἐνδέχεται πλειόνων τὴν αὐτὴν ἐπιστήμην εἶναι. Ἔτι πότερον περὶ τὰς οὐσίας μόνον ἢ καὶ τὰ (30) συμβεβηκότα ἀπόδειξίς ἐστιν; Εἰ γὰρ περί γε τὰ συμβεβηκότα ἀπόδειξίς ἐστιν, περὶ τὰς οὐσίας οὐκ ἔστιν· εἰ δ' ἑτέρα, τίς ἑκατέρα καὶ ποτέρα σοφία; ᾟ μὲν γὰρ ἀποδεικτική, σοφία ἡ περὶ τὰ συμβεβηκότα· ᾗ δὲ περὶ τὰ πρῶτα, ἡ τῶν οὐσιῶν. Ἀλλ' οὐδὲ περὶ τὰς ἐν τοῖς φυσικοῖς εἰρημένας αἰτίας (35) τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστήμην θετέον· οὔτε γὰρ περὶ τὸ οὗ ἕνεκεν τοιοῦτον γὰρ τὸ ἀγαθόν, τοῦτο δ' ἐν τοῖς πρακτοῖς ὑπάρχει καὶ ταῖς οὖσιν ἐν κινήσει· καὶ τοῦτο πρῶτον κινεῖ - τοιοῦτον γὰρ τὸ τέλος - τὸ δὲ πρῶτον κινῆσαν οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς ἀκινήτοις· ὅλως δ' ἀπορίαν ἔχει πότερόν ποτε περὶ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας ἐστὶν ἡ ζητουμένη νῦν ἐπιστήμη ἢ οὔ, περὶ δέ τινας ἑτέρας. (1059b) (1) Εἰ γὰρ περὶ ἄλλας, ἢ περὶ τὰ εἴδη εἴη ἂν ἢ περὶ τὰ μαθηματικά. Τὰ μὲν οὖν εἴδη ὅτι οὐκ ἔστι, δῆλον (ὅμως δὲ ἀπορίαν ἔχει, κἂν εἶναί τις αὐτὰ θῇ, διὰ τί ποτ' οὐχ ὥσπερ ἐπὶ τῶν μαθηματικῶν, (5) οὕτως ἔχει καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων ὧν ἔστιν εἴδη· λέγω δ' ὅτι τὰ μαθηματικὰ μὲν μεταξύ τε τῶν εἰδῶν τιθέασι καὶ τῶν αἰσθητῶν οἷον τρίτα τινὰ παρὰ τὰ εἴδη τε καὶ τὰ δεῦρο, τρίτος δ' ἄνθρωπος οὐκ ἔστιν οὐδ' ἵππος παρ' αὐτόν τε καὶ τοὺς καθ' ἕκαστον· εἰ δ' αὖ μὴ ἔστιν ὡς λέγουσι, (10) περὶ ποῖα θετέον πραγματεύεσθαι τὸν μαθηματικόν; Οὐ γὰρ δὴ περὶ τὰ δεῦρο· τούτων γὰρ οὐθέν ἐστιν οἷον αἱ μαθηματικαὶ ζητοῦσι τῶν ἐπιστημῶν)· οὐδὲ μὴν περὶ τὰ μαθηματικὰ ἡ ζητουμένη νῦν ἐστὶν ἐπιστήμη (χωριστὸν γὰρ αὐτῶν οὐθέν)· ἀλλ' οὐδὲ τῶν αἰσθητῶν οὐσιῶν· φθαρταὶ γάρ.
Ὅλως δ' ἀπορήσειέ (15) τις ἂν ποίας ἐστὶν ἐπιστήμης τὸ διαπορῆσαι περὶ τῆς τῶν μαθηματικῶν ὕλης. Οὔτε γὰρ τῆς φυσικῆς, διὰ τὸ περὶ τὰ ἔχοντα ἐν αὑτοῖς ἀρχὴν κινήσεως καὶ στάσεως τὴν τοῦ φυσικοῦ πᾶσαν εἶναι πραγματείαν, οὐδὲ μὴν τῆς σκοπούσης περὶ ἀποδείξεώς τε καὶ ἐπιστήμης· περὶ γὰρ αὐτὸ τοῦτο τὸ (20) γένος τὴν ζήτησιν ποιεῖται. Λείπεται τοίνυν τὴν προκειμένην φιλοσοφίαν περὶ αὐτῶν τὴν σκέψιν ποιεῖσθαι. Διαπορήσειε δ' ἄν τις εἰ δεῖ θεῖναι τὴν ζητουμένην ἐπιστήμην περὶ τὰς ἀρχάς, τὰ καλούμενα ὑπό τινων στοιχεῖα· ταῦτα δὲ πάντες ἐνυπάρχοντα τοῖς συνθέτοις τιθέασιν.
Μᾶλλον δ' ἂν δόξειε (25) τῶν καθόλου δεῖν εἶναι τὴν ζητουμένην ἐπιστήμην· πᾶς γὰρ λόγος καὶ πᾶσα ἐπιστήμη τῶν καθόλου καὶ οὐ τῶν ἐσχάτων, ὥστ' εἴη ἂν οὕτω τῶν πρώτων γενῶν. Ταῦτα δὲ γίγνοιτ' ἂν τό τε ὂν καὶ τὸ ἕν· ταῦτα γὰρ μάλιστ' ἂν ὑποληφθείη περιέχειν τὰ ὄντα πάντα καὶ μάλιστα ἀρχαῖς ἐοικέναι διὰ τὸ (30) εἶναι πρῶτα τῇ φύσει· φθαρέντων γὰρ αὐτῶν συναναιρεῖται καὶ τὰ λοιπά· πᾶν γὰρ ὂν καὶ ἕν. ᾟ δὲ τὰς διαφορὰς αὐτῶν ἀνάγκη μετέχειν εἰ θήσει τις αὐτὰ γένη, διαφορὰ δ' οὐδεμία τοῦ γένους μετέχει, ταύτῃ δ' οὐκ ἂν δόξειε δεῖν αὐτὰ τιθέναι γένη οὐδ' ἀρχάς.
Ἔτι δ' εἰ μᾶλλον (35) ἀρχὴ τὸ ἁπλούστερον τοῦ ἧττον τοιούτου, τὰ δ' ἔσχατα τῶν ἐκ τοῦ γένους ἁπλούστερα τῶν γενῶν (ἄτομα γάρ, τὰ γένη δ' εἰς εἴδη πλείω καὶ διαφέροντα διαιρεῖταi), μᾶλλον ἂν ἀρχὴ δόξειεν εἶναι τὰ εἴδη τῶν γενῶν. ᾟ δὲ συναναιρεῖται τοῖς γένεσι τὰ εἴδη, τὰ γένη ταῖς ἀρχαῖς ἔοικε μᾶλλον· ἀρχὴ γὰρ τὸ συναναιροῦν. (1060a) (1) Τὰ μὲν οὖν τὴν ἀπορίαν ἔχοντα ταῦτα καὶ τοιαῦτ' ἐστὶν ἕτερα.
| [11,1] CHAPITRE I.
(1059a) La philosophie est une science des principes ; cela résulte évidemment de la discussion que nous avons établie en commençant, relativement aux opinions 154 des autres philosophes sur les principes. Mais on pourrait se poser cette difficulté : Faut-il regarder la philosophie comme une seule science ou comme plusieurs? Si l'on dit que c'est une seule science, une seule science n'embrasse jamais que les contraires, et les principes ne sont pas contraires. Si ce n'est pas une seule science, quelles sont les diverses sciences qu'il faut admettre comme des philosophies? Ensuite, appartient-il à une seule science ou à plusieurs d'étudier les principes de la démonstration ? Si c'est là le privilège d'une science unique, pourquoi plutôt à celle-là qu'à toute autre ? Si de plusieurs, quelles sont donc ces sciences ? De plus, s'occupe-t-elle, oui ou non, de toutes les essences ? Si elle ne s'occupe pas de toutes, il est difficile de déterminer celles dont elle doit s'occuper. Mais si une seule science les embrasse toutes, on ne voit pas comment une science unique peut avoir pour objet plusieurs essences. Ne porte-telle que sur les essences, ou porte-t-elle aussi sur les accidents ? Si elle est la science démonstrative des accidents, elle n'est pas celle des esssences. Si ce sont là les objets de deux sciences différentes, quelles sont-elles l'une et l'autre, et laquelle est la philosophie ? La science démonstrative est celle des accidents ; la science des principes est la science des essences. Ce ne sera pas non plus sur les causes dont nous 155 avons parlé dans la Physique, que devra porter la science que nous cherchons ; car elle ne s'occupe pas du but : le but, c'est le bien, et le bien ne se trouve que dans l'action, dans les êtres qui sont en mouvement ; il est le principe même du mouvement. Tel est le caractère du but. Or, le moteur premier ne se trouve pas dans les êtres immobiles. En un mot, on peut se demander si la science qui nous occupe présentement est ou non la science des substances sensibles, ou bien si elle porte sur d'autres essences. (1059b) Si elle porte sur d'autres, ce sera ou sur les idées, ou sur les êtres mathématiques. Quant aux idées, il est évident qu'elles n'existent pas ; et admît-on même l'existence des idées, resterait encore cette difficulté : Pourquoi n'en est-il pas pour tous les êtres dont il y a des idées, comme pour les êtres mathématiques ? Voici ce que j'entends par là. On fait des êtres mathématiques des intermédiaires entre les idées et les objets sensibles, une troisième espèce d'êtres, en dehors des idées et des êtres qui tombent sous nos sens. Mais 156 il n'y a pas un troisième homme, un cheval en dehors du cheval en soi et des chevaux particuliers. Si, au contraire, il n'en est pas ainsi, de quels êtres faut-il dire que s'occupent les mathématiciens ? Évidemment ce n'est pas des êtres que nous connaissons par les sens, car aucun d'eux n'a les caractères de ceux qu'étudient les sciences mathématiques. Et, d'ailleurs, la science que nous cherchons ne s'occupe pas des êtres mathématiques, car aucun d'eux ne se conçoit sans une matière. Elle ne porte pas non plus sur les substances sensibles : elles sont périssables.
On pourrait se demander encore à quelle science il appartient d'étudier la matière des êtres mathématiques ? Ce n'est pas à la physique ; car toutes les spéculations du physicien ont pour objets des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement et du repos. Ce n'est pas davantage à la science qui démontre les propriétés des êtres mathématiques ; car c'est sur la matière même de ces êtres, qu'elle prend pour accordée, qu'elle établit ses recherches. Reste à dire que c'est notre science, que c'est la philosophie, qui s'occupe de cette étude.
157 Une autre question, c'est de savoir si la science que nous cherchons doit être regardée comme relative aux principes, que quelques philosophes appellent éléments. Mais tout le monde admet que les éléments sont contenus dans les composés. Or, la science que nous cherchons paraîtrait plutôt être la science du général ; car toute notion, toute science porte sur le général, et non sur les derniers individus. Elle sera donc la science des premiers genres ; ces genres, ce seront l'unité et l'être, car ce sont là ceux qu'on peut surtout regarder comme embrassant tous les êtres, comme ayant par excellence le caractère de principes, parce qu'il sont premiers par leur nature : supprimez l'être et l'unité, tout le reste disparaît à l'instant, car tout est unité et être. D'un autre côté, les admet-on comme des genres, les differences participeront nécessairement alors de l'unité et de l'être ; or, aucune difference ne participe du genre : d'après cela, ils ne doivent pas, ce semble, être regardés comme genres ni comme principes.
Ensuite, ce qui est plus simple est plutôt principe que ce qui l'est moins ; or, les dernières espèces comprises dans le genre sont plus simples que les genres, car elles sont indivisibles, tandis que le genre peut se diviser en une multitude d'espèces differentes : par conséquent, les espèces seront, à ce qu'il me semble, plutôt principes que les genres. D'un autre côté, en 158 tant que la suppression du genre entraîne celle des espèces, les genres ont plutôt le caractère de principes ; car cela est principe, qui emporte tout avec soi. (1060a) Telles sont les difficultés qu'on peut se poser, et bien d'autres de même nature.
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