[5,5] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε'.
V. § 1 (20) Ἀναγκαῖον λέγεται οὗ ἄνευ οὐκ ἐνδέχεται ζῆν ὡς συναιτίου υοἷον τὸ
ἀναπνεῖν καὶ ἡ τροφὴ τῷ ζῴῳ ἀναγκαῖον, ἀδύνατον γὰρ ἄνευ τούτων εἶναἰ, § 2
καὶ ὧν ἄνευ τὸ ἀγαθὸν μὴ ἐνδέχεται ἢ εἶναι ἢ γενέσθαι, ἢ τὸ κακὸν
ἀποβαλεῖν ἢ στερηθῆναι (οἷον τὸ πιεῖν τὸ φάρμακον ἀναγκαῖον (25) ἵνα μὴ
κάμνῃ, καὶ τὸ πλεῦσαι εἰς Αἴγιναν ἵνα ἀπολάβῃ τὰ χρήματα). § 3 Ἔτι τὸ
βίαιον καὶ ἡ βία· τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ παρὰ τὴν ὁρμὴν καὶ τὴν προαίρεσιν
ἐμποδίζον καὶ κωλυτικόν, τὸ γὰρ βίαιον ἀναγκαῖον λέγεται, διὸ καὶ λυπηρόν
(ὥσπερ καὶ Εὔηνός φησι « πᾶν γὰρ ἀναγκαῖον πρᾶγμ' ἀνιαρὸν ἔφυ »), καὶ ἡ
βία ἀνάγκη τις (ὥσπερ καὶ Σοφοκλῆς λέγει (31) « ἀλλ' ἡ βία με ταῦτ'
ἀναγκάζει ποιεῖν »), καὶ δοκεῖ ἡ ἀνάγκη ἀμετάπειστόν τι εἶναι, ὀρθῶς·
ἐναντίον γὰρ τῇ κατὰ τὴν προαίρεσιν κινήσει καὶ κατὰ τὸν λογισμόν. § 4 Ἔτι
τὸ μὴ ἐνδεχόμενον ἄλλως ἔχειν ἀναγκαῖόν φαμεν οὕτως (35) ἔχειν· καὶ κατὰ
τοῦτο τὸ ἀναγκαῖον καὶ τἆλλα λέγεταί πως ἅπαντα ἀναγκαῖα· τό τε γὰρ βίαιον
ἀναγκαῖον λέγεται ἢ ποιεῖν ἢ πάσχειν τότε, (1015b) ὅταν μὴ ἐνδέχηται κατὰ
τὴν ὁρμὴν διὰ τὸ βιαζόμενον, ὡς ταύτην ἀνάγκην οὖσαν δι' ἣν μὴ ἐνδέχεται
ἄλλως, § 5 καὶ ἐπὶ τῶν συναιτίων τοῦ ζῆν καὶ τοῦ ἀγαθοῦ ὡσαύτως· ὅταν γὰρ
μὴ ἐνδέχηται ἔνθα (5) μὲν τὸ ἀγαθὸν ἔνθα δὲ τὸ ζῆν καὶ τὸ εἶναι ἄνευ
τινῶν, ταῦτα ἀναγκαῖα καὶ ἡ αἰτία ἀνάγκη τίς ἐστιν αὕτη. § 6 Ἔτι ἡ
ἀπόδειξις τῶν ἀναγκαίων, ὅτι οὐκ ἐνδέχεται ἄλλως ἔχειν, εἰ ἀποδέδεικται
ἁπλῶς· τούτου δ' αἴτια τὰ πρῶτα, εἰ ἀδύνατον ἄλλως ἔχειν ἐξ ὧν ὁ
συλλογισμός.
§ 7 Τῶν μὲν (10) δὴ ἕτερον αἴτιον τοῦ ἀναγκαῖα εἶναι, τῶν δὲ οὐδέν, ἀλλὰ
διὰ ταῦτα ἕτερά ἐστιν ἐξ ἀνάγκης. § 8 Ὥστε τὸ πρῶτον καὶ κυρίως ἀναγκαῖον
τὸ ἁπλοῦν ἐστίν· τοῦτο γὰρ οὐκ ἐνδέχεται πλεοναχῶς ἔχειν, ὥστ' οὐδὲ ἄλλως
καὶ ἄλλως· ἤδη γὰρ πλεοναχῶς ἂν ἔχοι. § 9 Εἰ ἄρα ἔστιν ἄττα ἀίδια καὶ
ἀκίνητα, (15) οὐδὲν ἐκείνοις ἐστὶ βίαιον οὐδὲ παρὰ φύσιν.
| [5,5] CHAPITRE V
Nécessité. § 1. (20) Nécessaire signifie d'abord ce dont la coopération
est absolument indispensable pour qu'un être puisse vivre. Par exemple, la
respiration et la nutrition sont nécessaires à l'animal, puisque, sans ces
fonctions diverses, il ne saurait exister.
§ 2. Nécessaire signifie encore ce sans quoi le bien qu'on poursuit ne
saurait avoir lieu et se produire, ou ce sans quoi le mal ne pourrait être
évité ou rejeté. Ainsi, il est nécessaire de boire une médecine (25) pour
prévenir la maladie, et de faire le voyage d'Égine pour recouvrer l'argent
qu'on y doit toucher.
§ 3. Nécessaire signifie de plus ce qui est forcé, la force qui nous
contraint, c'est-à-dire ce qui nous empêche et ce qui nous retient malgré
notre désir et notre volonté: Ce qui est forcé s'appelle Nécessaire, et de
là vient qu'aussi la nécessité est très pénible; car, ainsi que le dit
Événus : Tout acte nécessaire est un acte pénible.
Et la force est bien encore une sorte de nécessité, comme le dit Sophocle :
La Force me contraint à faire tout cela.
Aussi, la nécessité a-t-elle le caractère de quelque chose d'inflexible;
et c'est avec raison qu'on s'en fait cette idée, puisqu'elle est contraire
a notre mouvement, soit spontané, soit réfléchi.
§ 4. Quand une chose ne peut pas être autrement qu'elle n'est, (35) nous
déclarons qu'il est nécessaire qu'elle soit ce qu'elle est; et, à dire
vrai, c'est d'après le Nécessaire pris en ce sens qu'on qualifie tout le
reste de nécessaire. Ainsi, l'idée de la force et de la contrainte, soit
qu'on les emploie, soit qu'on les subisse, s'applique en effet (1015b)
dans tous les cas où l'on ne peut pas agir selon sa volonté, parce qu'on
est sous le coup de la contrainte, la contrainte étant alors regardée
comme une nécessité qui fait qu'il n'en peut pas être autrement.
§ 5. Cette nuance du Nécessaire s'applique également à tout ce qui coopère
à faire vivre et à assurer le bien de la chose; car, s'il n'est pas
possible, ici, (5) que le bien soit accompli, et là, que la vie et
l'existence continuent sans certaines conditions, ces conditions sont
dites nécessaires; et la cause entendue en ce sens est bien aussi une
sorte de nécessité.
§ 6. A un autre point de vue, la démonstration doit être rangée parmi les
choses nécessaires, parce qu'il n'est pas possible, quand une chose a été
absolument démontrée, qu'elle soit autrement qu'on ne l'a démontrée ; et
la raison en est que les propositions initiales d'où sort le syllogisme ne
peuvent pas être elles-mêmes autrement qu'elles ne sont.
§ 7. Il y a des choses qui ne sont nécessaires que grâce à d'autres,
tandis qu'au contraire certaines choses n'ont besoin d'aucun
intermédiaire, et que c'est elles qui donnent au reste le caractère de
nécessité.
§ 8. Par conséquent, le Nécessaire premier et proprement dit, c'est le
Nécessaire pris en un sens absolu ; car l'absolu ne peut avoir plusieurs
manières d'être. Par suite, il ne peut pas non plus être de diverses
façons, les unes opposées aux autres, puisque dès lors il faudrait qu'il y
eût des manières d'être multiples.
§ 9. Si donc il est des choses éternelles et immobiles, il n'y a jamais
pour elles de force qui puisse les contraindre ni violenter leur
nature.
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