[4,4a] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ'.
§ 1. (35) Εἰσὶ δέ τινες οἵ, καθάπερ εἴπομεν, αὐτοί τε ἐνδέχεσθαί φασι τὸ
αὐτὸ εἶναι καὶ μὴ εἶναι, (1006a)(1) καὶ ὑπολαμβάνειν οὕτως. Χρῶνται δὲ τῷ
λόγῳ τούτῳ πολλοὶ καὶ τῶν περὶ φύσεως. Ἡμεῖς δὲ νῦν εἰλήφαμεν ὡς ἀδυνάτου
ὄντος ἅμα εἶναι καὶ μὴ εἶναι, καὶ διὰ τούτου ἐδείξαμεν ὅτι βεβαιοτάτη (5)
αὕτη τῶν ἀρχῶν πασῶν.
§ 2. Ἀξιοῦσι δὴ καὶ τοῦτο ἀποδεικνύναι τινὲς δι' ἀπαιδευσίαν· ἔστι γὰρ
ἀπαιδευσία τὸ μὴ γιγνώσκειν τίνων δεῖ ζητεῖν ἀπόδειξιν καὶ τίνων οὐ δεῖ·
ὅλως μὲν γὰρ ἁπάντων ἀδύνατον ἀπόδειξιν εἶναι (εἰς ἄπειρον γὰρ ἂν βαδίζοι,
ὥστε μηδ' οὕτως εἶναι ἀπόδειξιν),
§ 3. (10) εἰ δέ τινων μὴ δεῖ ζητεῖν ἀπόδειξιν, τίνα ἀξιοῦσιν εἶναι μᾶλλον
τοιαύτην ἀρχὴν οὐκ ἂν ἔχοιεν εἰπεῖν. Ἔστι δ' ἀποδεῖξαι ἐλεγκτικῶς καὶ περὶ
τούτου ὅτι ἀδύνατον, ἂν μόνον τι λέγῃ ὁ ἀμφισβητῶν· ἂν δὲ μηθέν, γελοῖον
τὸ ζητεῖν λόγον πρὸς τὸν μηθενὸς ἔχοντα λόγον, ᾗ μὴ ἔχει· ὅμοιος (15) γὰρ
φυτῷ ὁ τοιοῦτος ᾗ τοιοῦτος ἤδη.
§ 4. Τὸ δ' ἐλεγκτικῶς ἀποδεῖξαι λέγω διαφέρειν καὶ τὸ ἀποδεῖξαι, ὅτι
ἀποδεικνύων μὲν ἂν δόξειεν αἰτεῖσθαι τὸ ἐν ἀρχῇ, ἄλλου δὲ τοῦ τοιούτου
αἰτίου ὄντος ἔλεγχος ἂν εἴη καὶ οὐκ ἀπόδειξις. Ἀρχὴ δὲ πρὸς ἅπαντα τὰ
τοιαῦτα οὐ τὸ ἀξιοῦν ἢ εἶναί τι λέγειν (20) ἢ μὴ εἶναι (τοῦτο μὲν γὰρ τάχ'
ἄν τις ὑπολάβοι τὸ ἐξ ἀρχῆς αἰτεῖν), ἀλλὰ σημαίνειν γέ τι καὶ αὑτῷ καὶ
ἄλλῳ· τοῦτο γὰρ ἀνάγκη, εἴπερ λέγοι τι. Εἰ γὰρ μή, οὐκ ἂν εἴη τῷ τοιούτῳ
λόγος, οὔτ' αὐτῷ πρὸς αὑτὸν οὔτε πρὸς ἄλλον.
§ 5. Ἂν δέ τις τοῦτο διδῷ, ἔσται ἀπόδειξις· ἤδη γάρ τι (25) ἔσται
ὡρισμένον. Ἀλλ' αἴτιος οὐχ ὁ ἀποδεικνὺς ἀλλ' ὁ ὑπομένων· ἀναιρῶν γὰρ λόγον
ὑπομένει λόγον. Ἔτι δὲ ὁ τοῦτο συγχωρήσας συγκεχώρηκέ τι ἀληθὲς εἶναι
χωρὶς ἀποδείξεως (ὥστε οὐκ ἂν πᾶν οὕτως καὶ οὐχ οὕτως ἔχοι).
§ 6. Πρῶτον μὲν οὖν δῆλον ὡς τοῦτό γ' αὐτὸ ἀληθές, ὅτι σημαίνει τὸ (30)
ὄνομα τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι τοδί, ὥστ' οὐκ ἂν πᾶν οὕτως καὶ οὐχ οὕτως ἔχοι·
§ 7. ἔτι εἰ τὸ ἄνθρωπος σημαίνει ἕν, ἔστω τοῦτο τὸ ζῷον δίπουν. Λέγω δὲ τὸ
ἓν σημαίνειν τοῦτο· εἰ τοῦτ' ἔστιν ἄνθρωπος, ἂν ᾖ τι ἄνθρωπος, τοῦτ' ἔσται
τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι (διαφέρει δ' οὐθὲν οὐδ' εἰ πλείω τις φαίη σημαίνειν μόνον
δὲ ὡρισμένα, (1006b) (1) τεθείη γὰρ ἂν ἐφ' ἑκάστῳ λόγῳ ἕτερον ὄνομα· λέγω
δ' οἷον, εἰ μὴ φαίη τὸ ἄνθρωπος ἓν σημαίνειν, πολλὰ δέ, ὧν ἑνὸς μὲν εἷς
λόγος τὸ ζῷον δίπουν,
§ 8. εἶεν δὲ καὶ ἕτεροι πλείους, ὡρισμένοι δὲ τὸν ἀριθμόν· (5) τεθείη γὰρ
ἂν ἴδιον ὄνομα καθ' ἕκαστον τὸν λόγον· εἰ δὲ μή (τεθείη), ἀλλ' ἄπειρα
σημαίνειν φαίη, φανερὸν ὅτι οὐκ ἂν εἴη λόγος· τὸ γὰρ μὴ ἓν σημαίνειν οὐθὲν
σημαίνειν ἐστίν, μὴ σημαινόντων δὲ τῶν ὀνομάτων ἀνῄρηται τὸ διαλέγεσθαι
πρὸς ἀλλήλους, κατὰ δὲ τὴν ἀλήθειαν καὶ πρὸς αὑτόν· (10) οὐθὲν γὰρ
ἐνδέχεται νοεῖν μὴ νοοῦντα ἕν, εἰ δ' ἐνδέχεται, τεθείη ἂν ὄνομα τούτῳ τῷ
πράγματι ἕν).
§ 9. Ἔστω δή, ὥσπερ ἐλέχθη κατ' ἀρχάς, σημαῖνόν τι τὸ ὄνομα καὶ σημαῖνον
ἕν· οὐ δὴ ἐνδέχεται τὸ ἀνθρώπῳ εἶναι σημαίνειν ὅπερ ἀνθρώπῳ μὴ εἶναι, εἰ
τὸ ἄνθρωπος σημαίνει μὴ μόνον καθ' ἑνὸς (15) ἀλλὰ καὶ ἕν ̔οὐ γὰρ τοῦτο
ἀξιοῦμεν τὸ ἓν σημαίνειν, τὸ καθ' ἑνός, ἐπεὶ οὕτω γε κἂν τὸ μουσικὸν καὶ
τὸ λευκὸν καὶ τὸ ἄνθρωπος ἓν ἐσήμαινεν,
| [4,4a] CHAPITRE IV
§ 1. Ainsi que nous l'avons dit, il y a des philosophes qui
prétendent qu'il est possible que la même chose soit et ne soit pas,
(1006a) et que l'esprit peut avoir la pensée simultanée des contraires.
Bon nombre de Physiciens aussi admettent cette possibilité. Mais, quant à
nous, nous affirmons qu'il ne se peut jamais qu'en même temps une même
chose soit et ne soit pas; et c'est en vertu de cette conviction que nous
avons déclaré ce principe le plus incontestable de tous les principes.
§ 2. Ceux qui essaient de démontrer ce principe lui-même ne le font que
faute de lumières suffisantes ; car c'est manquer de lumières que de ne
pas discerner les choses qu'on doit chercher à démontrer, et celles qu'on
ne doit pas démontrer du tout. Il est bien impossible qu'il y ait
démonstration de tout sans exception, puisque ce serait se perdre dans
l'infini, et que, de cette façon, il n'y aurait jamais de démonstration possible.
§ 3. Mais, s'il y a des choses qu'on ne doit pas vouloir démontrer,
nos contradicteurs seraient bien embarrassés de dire quel principe
mériterait cette exception mieux que le nôtre. On pourrait essayer, il est
vrai, de démontrer, sous forme de réduction à l'absurde, que ce principe
est impossible. Mais il faudrait tout au moins que celui qui le
combattrait voulût bien seulement dire quelque chose d'intelligible; et,
s'il est hors d'état de rien dire, il serait assez plaisant de chercher à
parler raison avec quelqu'un qui ne donne aucune raison sur le sujet même
où ce quelqu'un est si peu raisonnable. Un tel homme, en se
conduisant ainsi, n'a guère plus de rapport avec nous que n'en a une plante.
§ 4. A mon sens, démontrer quelque chose par voie de réduction à l'absurde
est fort différent de démontrer par la voie ordinaire. Celui qui
essaierait de démontrer directement la fausseté du principe établi par
nous, paraîtrait bien vite faire une pétition de principe. Mais, si c'est
un autre, si c'est l'adversaire qui est cause de cette faute, c'est une
simple réduction à l'absurde, et ce n'est plus là une démonstration. Pour
répondre à toutes les objections de ce genre, le vrai moyen n'est pas de
demander à l'adversaire de déclarer si la chose est ou n'est pas; car
on verrait sans peine qu'on fait une pétition de principe ; mais c'est de
lui demander une énonciation quelconque qui soit intelligible pour lui et
pour l'autre interlocuteur. C'est là, en effet, une condition nécessaire
du moment qu'il parle; autrement, il ne se comprendrait pas plus lui-même
qu'il ne serait compris d'autrui.
§ 5. Dès que l'adversaire a fait cette concession, la démonstration
devient possible, puisqu'on a dès lors un sujet précis qu'on peut
discuter. Mais ce n'est pas celui qui démontre qui a provoqué ce résultat,
c'est celui qui accepte la discussion ; car, tout en détruisant le
raisonnement par sa base, il n'en accepte pas moins qu'on raisonne avec lui.
§ 6. Un premier point qui est en ceci de toute clarté, c'est qu'on ne peut
pas exprimer le nom d'une chose sans dire que la chose est ou n'est
point telle chose; d'où il suit qu'il ne se peut pas pour une chose
quelconque qu'elle soit de telle façon, et en même temps ne soit pas de
cette façon.
§ 7. De plus, si ce mot Homme, par exemple, exprime un certain être
individuel, et que sa définition soit, si l'on veut, Animal-bipède, quand
je dis que ce mot représente un certain être individuel, j'entends que, si
telle chose est homme, en supposant qu'il s'agisse de l'homme, cette chose
aura tous les attributs de l'homme. Peu importe d'ailleurs qu'on prétende
qu'un mot peut désigner plusieurs êtres, pourvu seulement que ces êtres
soient en nombre défini. (1066b) En effet, on pourrait alors imposer un
nom différent à chaque signification particulière. Par exemple, si l'on
nie que le mot Homme n'ait qu'un sens, et si l'on prétend qu'il en a
plusieurs, il y en aura toujours un qui, pris isolément, serait celui
d'Animal-bipède.
§ 8. En supposant aussi qu'il peut y avoir pour l'homme bien d'autres
définitions que celle-là, le nombre en est limité; et à chacune
d'elles on peut attribuer un nom différent et spécial. Si on ne le fait
pas, et si l'on croit que les significations d'un mot peuvent être en
nombre infini, alors il n'y a plus de langage possible. Ne pas exprimer
quelque chose d'un et d'individuel, c'est ne rien exprimer du tout; et, du
moment que les mots ne signifient plus rien, il n'est plus possible aux
humains de s'entendre entre eux; et, à dire vrai, il sera tout aussi
impossible de s'entendre avec soi-même, puisqu'on ne peut jamais
penser qu'à la condition de penser quelque chose d'individuel. Or, dès
qu'on peut penser à quelque chose de précis, on peut donner un nom précis
à cette chose.
§ 9. Reconnaissons donc, ainsi que nous l'avons dit au début, qu'un mot a
toujours une signification et qu'il signifie une seule et unique chose. Il
ne se peut certes pas qu'être homme signifie la même chose que n'être pas
homme, du moment que le mot Homme signifie non pas seulement l'attribut
d'un être, mais bien une seule et même nature et un être individuel.
C'est que l'attribut d'un être Un ne doit pas être considéré par nous
comme signifiant cet être lui-même; car, s'il en était ainsi, les
attributs de Blanc, de Musicien, et le substantif Homme exprimeraient
alors une seule et même chose, un seul et même être.
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