[1,10] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ι'.
§ 1. Τούτων δὲ διωρισμένων λέγωμεν μετὰ ταῦτα πότερον ἀγένητος ἢ γενητὸς
καὶ ἄφθαρτος ἢ φθαρτός, διεξελθόντες πρότερον τὰς τῶν ἄλλων ὑπολήψεις· αἱ
γὰρ τῶν ἐναντίων ἀποδείξεις ἀπορίαι περὶ τῶν ἐναντίων εἰσίν. Ἅμα δὲ καὶ
μᾶλλον ἂν εἴη πιστὰ τὰ μέλλοντα λεχθήσεσθαι προακηκοόσι τὰ τῶν
ἀμφισβητούντων λόγων δικαιώματα. Τὸ γὰρ ἐρήμην καταδικάζεσθαι δοκεῖν ἧττον
ἂν ἡμῖν ὑπάρχοι· καὶ γὰρ δεῖ διαιτητὰς ἀλλ´ οὐκ ἀντιδίκους εἶναι τοὺς
μέλλοντας τἀληθὲς κρίνειν ἱκανῶς.
§ 2. Γενόμενον μὲν οὖν ἅπαντες εἶναί φασιν, ἀλλὰ γενόμενον οἱ μὲν ἀΐδιον,
οἱ δὲ φθαρτὸν ὥσπερ ὁτιοῦν ἄλλο τῶν συνισταμένων, οἱ δ´ ἐναλλὰξ ὁτὲ μὲν
οὕτως ὁτὲ δὲ ἄλλως ἔχειν (φθειρόμενον), καὶ τοῦτο αἰεὶ διατελεῖν οὕτως,
ὥσπερ Ἐμπεδοκλῆς ὁ Ἀκραγαντῖνος καὶ Ἡράκλειτος ὁ Ἐφέσιος. Τὸ μὲν οὖν
γενέσθαι μὲν ἀΐδιον δ´ ὅμως εἶναι φάναι τῶν ἀδυνάτων. Μόνα γὰρ ταῦτα
θετέον εὐλόγως ὅσα ἐπὶ πολλῶν ἢ πάντων ὁρῶμεν ὑπάρχοντα, περὶ δὲ τούτου
συμβαίνει τοὐναντίον· ἅπαντα γὰρ τὰ γινόμενα καὶ φθειρόμενα φαίνεται.
§ 3. Ἔτι δὲ τὸ μὴ ἔχον ἀρχὴν τοῦ ὡδὶ ἔχειν, ἀλλ´ ἀδύνατον ἄλλως ἔχειν
πρότερον τὸν ἅπαντα αἰῶνα, ἀδύνατον καὶ μεταβάλλειν· ἔσται γάρ τι αἴτιον,
ὃ εἰ ὑπῆρχε πρότερον, δυνατὸν ἂν ἦν ἄλλως ἔχειν τὸ ἀδύνατον ἄλλως ἔχειν.
Εἰ δὲ πρότερον ἐξ ἄλλως ἐχόντων συνέστη ὁ κόσμος, εἰ μὲν ἀεὶ οὕτως ἐχόντων
καὶ ἀδυνάτων ἄλλως ἔχειν, οὐκ ἂν ἐγένετο· εἰ δὲ γέγονεν, ἀνάγκη δηλονότι
κἀκεῖνα δυνατὰ εἶναι ἄλλως ἔχειν καὶ μὴ ἀεὶ οὕτως ἔχειν, ὥστε καὶ
συνεστῶτα διαλυθήσεται καὶ διαλελυμένα συνέστη ἔμπροσθεν, καὶ τοῦτ´
ἀπειράκις ἢ οὕτως εἶχεν ἢ δυνατὸν ἦν. Εἰ δὲ τοῦτ´, οὐκ ἂν εἴη ἄφθαρτος,
οὔτ´ εἰ ἄλλως εἶχέ ποτε οὔτ´ εἰ δυνατὸν ἄλλως ἔχειν.
§ 4. Ἣν δέ τινες βοήθειαν ἐπιχειροῦσι φέρειν ἑαυτοῖς τῶν λεγόντων ἄφθαρτον
μὲν εἶναι γενόμενον δέ, οὐκ ἔστιν ἀληθής· ὁμοίως γάρ φασι τοῖς τὰ
διαγράμματα γράφουσι καὶ σφᾶς εἰρηκέναι περὶ τῆς γενέσεως, οὐχ ὡς
γενομένου ποτέ, ἀλλὰ (280b) διδασκαλίας χάριν ὡς μᾶλλον γνωριζόντων,
ὥσπερ τὸ διάγραμμα γιγνόμενον θεασαμένους.
§ 5. Τοῦτο δ´ ἐστίν, ὥσπερ λέγομεν, οὐ τὸ αὐτό· ἐν μὲν γὰρ τῇ ποιήσει τῶν
διαγραμμάτων πάντων τεθέντων εἶναι ἅμα τὸ αὐτὸ συμβαίνει, ἐν δὲ ταῖς
τούτων ἀποδείξεσιν οὐ ταὐτόν, ἀλλ´ ἀδύνατον· τὰ γὰρ λαμβανόμενα πρότερον
καὶ ὕστερον ὑπεναντία ἐστίν·
§ 6. ἐξ ἀτάκτων γὰρ τεταγμένα γενέσθαι φασίν, ἅμα δὲ ἄτακτον εἶναι καὶ
τεταγμένον ἀδύνατον, ἀλλ´ ἀνάγκη γένεσιν εἶναι τὴν χωρίζουσαν καὶ χρόνον·
ἐν δὲ τοῖς διαγράμμασιν οὐδὲν τῷ χρόνῳ κεχώρισται. Ὅτι μὲν οὖν ἀδύνατον
ἅμ´ ἀΐδιον αὐτὸν εἶναι καὶ γενέσθαι, φανερόν.
§ 7. Τὸ δ´ ἐναλλὰξ συνιστάναι καὶ διαλύειν οὐδὲν ἀλλοιότερον ποιεῖν ἐστὶν
ἢ τὸ κατασκευάζειν αὐτὸν ἀΐδιον μέν, ἀλλὰ μεταβάλλοντα τὴν μορφήν, ὥσπερ
εἴ τις ἐκ παιδὸς ἄνδρα γινόμενον καὶ ἐξ ἀνδρὸς παῖδα ὁτὲ μὲν φθείρεσθαι
ὁτὲ δ´ εἶναι οἴοιτο·
§ 8. δῆλον γὰρ ὅτι καὶ εἰς ἄλληλα τῶν στοιχείων συνιόντων οὐχ ἡ τυχοῦσα
τάξις γίγνεται καὶ σύστασις, ἀλλ´ ἡ αὐτή, ἄλλως τε καὶ κατὰ τοὺς τοῦτον
τὸν λόγον εἰρηκότας, οἳ τῆς διαθέσεως ἑκατέρας αἰτιῶνται τὸ ἐναντίον. Ὥστ´
εἰ τὸ ὅλον σῶμα συνεχὲς ὂν ὁτὲ μὲν οὕτως ὁτὲ δ´ ἐκείνως διατίθεται καὶ
διακεκόσμηται, ἡ δὲ τοῦ ὅλου σύστασίς ἐστι κόσμος καὶ οὐρανός, οὐκ ἂν ὁ
κόσμος γίγνοιτο καὶ φθείροιτο, ἀλλ´ αἱ διαθέσεις αὐτοῦ.
§ 9. Τὸ δ´ ὅλως γενόμενον φθαρῆναι καὶ μὴ ἀνακάμπτειν ὄντος μὲν ἑνὸς
ἀδύνατόν ἐστιν· πρὶν γὰρ γενέσθαι ἀεὶ ὑπῆρχεν ἡ πρὸ αὐτοῦ σύστασις, ἣν μὴ
γενομένην οὐχ οἷόν τ´ εἶναί φαμεν μεταβάλλειν· ἀπείρων δ´ ὄντων ἐνδέχεται
μᾶλλον. Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τοῦτο πότερον ἀδύνατον ἢ δυνατόν, ἔσται δῆλον ἐκ
τῶν ὕστερον·
§ 10. εἰσὶ γάρ τινες οἷς ἐνδέχεσθαι δοκεῖ καὶ ἀγένητόν τι ὂν φθαρῆναι καὶ
γενόμενον ἄφθαρτον διατελεῖν, ὥσπερ ἐν τῷ Τιμαίῳ· ἐκεῖ γάρ φησι τὸν
οὐρανὸν γενέσθαι μέν, οὐ μὴν ἀλλ´ ἔσεσθαί γε τὸν λοιπὸν ἀεὶ χρόνον. Πρὸς
οὓς φυσικῶς μὲν περὶ οὐρανοῦ μόνον εἴρηται, καθόλου δὲ περὶ ἅπαντος
σκεψαμένοις ἔσται καὶ περὶ τούτου δῆλον.
| [1,10] CHAPITRE X.
§ 1. Ceci posé, nous continuerons ce qui précède en recherchant si le ciel
est créé ou incréé, et s'il est périssable ou impérissable. Mais d'abord,
nous passerons en revue les hypothèses émises par les autres philosophes;
car les démonstrations des opinions contraires deviennent des
éclaircissements pour les opinions opposées. J'ajoute qu'alors le système
que nous aurons nous-mêmes à produire devra inspirer d'autant plus de
confiance, que nous aurons préalablement entendu la justification des
objections que l'on peut élever à ce sujet. Il nous conviendrait beaucoup
moins de paraître trancher la question en condamnant des absents ; car
ceux qui désirent juger équitablement de la vérité des choses doivent être
des arbitres, et non pas des adversaires.
§ 2. D'abord, tous les philosophes s'accordent à dire que le ciel a été
créé. Mais, tout en le supposant créé, les uns prétendent qu'il restera
éternellement tel qu'il est, et les autres, qu'il est périssable, comme un
des composés quelconques que la nature renferme. D'autres, supposant une
alternative, prétendent que tantôt le ciel est stable, tel que nous le
voyons, et que tantôt il devient tout autre quand il doit périr. Ils
admettent que cette succession d'états différents est perpétuelle, ainsi
que l'ont pensé Empédocle, d' Agrigente, et Héraclite d' Éphèse. Mais
dire que le monde a été créé et que cependant il est éternel, ce sont là
des assertions contradictoires et impossibles. On ne peut raisonnablement
admettre comme vrai que ce qu'on voit se produire dans la pluralité des
cas, ou dans la totalité des cas ; or, ici c'est tout le contraire,
puisque nous sommes assurés que, tout ce qui naît doit évidemment périr.
§ 3. Autre argument : Un être qui ne possède pas en lui le principe d'un
certain état actuel, mais qui antérieurement n'a jamais pu être autrement
qu'il n'est pour toute l'éternité, ne saurait non plus subir de
changement; car il faudrait alors qu'il y eût eu quelque cause qui, étant
antérieure au monde, aurait pu faire que ce monde, qui ne pouvait pas être
autrement, a pu néanmoins être autrement qu'il n'est. Mais si la cause
existait antérieurement, le monde alors s'est composé d'éléments qui
étaient jadis différents de ceux que nous voyons; or, si ces éléments ont
été toujours ce qu'ils sont, et s'ils ne peuvent jamais être autrement, il
n'est pas possible alors que le monde ait jamais pu naître. S'il est né
cependant, il faut évidemment de toute nécessité que ces éléments aient pu
être aussi autrement qu'ils ne sont, et qu'ils aient pu n'être pas
toujours ce qu'ils sont actuellement. Par conséquent, les composés actuels
se dissoudront un jour, et ce qui a été dissous était antérieurement
composé. Or cette alternative s'est produite, ou du moins a pu se
produire, une infinité de fois. Mais, s'il en est ainsi, il s'ensuivrait
que le monde n'est pas éternel, soit qu'il ait été jadis autrement qu'il
n'est, soit qu'il puisse être autrement quelque jour à venir.
§ 4. Du reste, cet appui que quelques philosophes tâchent de donner à leur
opinion, en soutenant que le monde est impérissable, mais qu'il a été
créé, cet appui n'est pas vraiment très solide. (280b) C'est ressembler
aux maîtres qui tracent des figures de géométrie, et c'est avouer qu'on
parle de la création du monde, non parce qu'on croit précisément que le
monde a été jamais créé, mais parce qu'on prend cette opinion comme une
facilité d'enseignement, qui fait mieux comprendre les choses aux élèves
qu'on instruit, de même qu'on connais mieux une chose par le dessin qu'on
en voit tracer sous ses yeux.
§ 5. Mais il n'y a point ici d'identité, nous le répétons. Dans le cas où
l'on peut soi-même produire la figure qu'on veut, on a beau supposer que
toutes les lignes qu'on trace sont confondues ensemble, il en sortira
toujours le même résultat. Mais, dans les démonstrations dont nous
parlons, ce n'est pas à une ressemblance qu'on aboutit; c'est à une
impossibilité ; car les principes qu'on admet en premier lieu, et ceux
qu'on admet ensuite, sont opposés les uns aux autres.
§ 6. On dit bien qu'à un certain moment l'ordre est né du désordre ; mais
il est absolument impossible qu'une même chose soit en ordre, et tout à
la fois en désordre ; il faut nécessairement qu'il y ait une certaine
création qui sépare les deux états successifs, et un temps qui les sépare
aussi, tandis qu'il n'y a rien que le temps ait à séparer dans des figures
de géométrie. On voit donc qu'il est impossible que le monde soit à la
fois éternel et qu'il ait été créé.
§ 7. Prétendre que le monde tantôt s'organise et tantôt se décompose, ce
n'est pas faire autre chose que de soutenir qu'il est éternel, mais que
seulement il change de forme. C'est comme si quelqu'un qui verrait un
enfant se faire homme, et un homme redevenir enfant, allait croire que,
pour cela, l'être ainsi modifié tantôt meurt et tantôt est en vie.
§ 8. Il est évident que, quand les éléments se rassemblent et se permutent
les uns dans les autres, ce n'est pas un ordre fortuit, ni une combinaison
fortuite qu'ils présentent; c'est toujours la même combinaison et le même
ordre qu'auparavant. Ce doit être là particulièrement l'opinion de ceux
qui soutiennent cette théorie, et qui supposent que le contraire est la
seule cause de l'une et l'autre disposition des choses. Par conséquent, si
le corps entier de l'univers, étant continu, est disposé et ordonné tantôt
d'une façon, tantôt d'une autre, et si l'organisation de la totalité des
choses est le ciel et le monde, alors ce n'est plus le monde qui naît et
qui périt ; mais ce sont simplement ses constitutions successives.
§ 9. Du reste, il est impossible que le monde, une fois qu'il a été
produit, soit jamais complètement détruit sans aucun retour, s'il n'y a
qu'un seul et unique monde ; car avant que le monde ne naquit, il y avait
toujours une certaine combinaison des choses qui l'avait précédé, et qui
n'aurait pas pu changer apparemment, si elle n'avait pas d'abord existé.
Cette destruction radicale se comprendrait encore davantage en supposant
que les mondes sont en nombre infini ; mais même cette dernière question
s'éclaircira par ce qui va suivre ; et nous verrons si cette infinité des
mondes est possible, ou si elle ne l'est pas.
§ 10. En effet, il est des philosophes qui croient qu'une chose incréée
peut périr, ou qu'une chose créée peut continuer à exister éternellement,
comme on l'avance dans le Timée ; car dans ce traité, Platon soutient que
le ciel a été créé, et qu'il n'est pas périssable, mais qu'il vivra
désormais éternellement. Du reste, en répondant à ces philosophes, nous
n'avons traité du ciel que sous le point de vue purement physique; mais en
traitant de l'univers d'une manière générale, nous ferons mieux comprendre
aussi ce qui se rapporte au ciel spécialement.
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