[1,11] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΑ'.
(281a) § 1. Πρῶτον δὲ διαιρετέον πῶς ἀγένητα καὶ γενητά φαμεν καὶ φθαρτὰ
καὶ ἄφθαρτα· πολλαχῶς γὰρ λεγομένων, κἂν μηδὲν διαφέρῃ πρὸς τὸν λόγον,
ἀνάγκη τὴν διάνοιαν ἀορίστως ἔχειν, ἄν τις τῷ διαιρουμένῳ πολλαχῶς ὡς
ἀδιαιρέτῳ χρῆται· ἄδηλον γὰρ κατὰ ποίαν φύσιν αὐτῶν συμβαίνει τὸ λεχθέν.
§ 2. Λέγεται δ´ ἀγένητον ἕνα μὲν τρόπον ἐὰν ᾖ τι νῦν πρότερον μὴ ὂν ἄνευ
γενέσεως καὶ μεταβολῆς, καθάπερ ἔνιοι τὸ ἅπτεσθαι καὶ τὸ κινεῖσθαι
λέγουσιν· οὐ γὰρ εἶναι γενέσθαι φασὶν ἁπτόμενον, οὐδὲ κινούμενον. Ἕνα δ´
εἴ τι ἐνδεχόμενον γίνεσθαι ἢ γενέσθαι μή ἐστιν· ὁμοίως γὰρ καὶ τοῦτο
ἀγένητον, ὅτι ἐνδέχεται γενέσθαι. Ἕνα δ´ εἴ τι ὅλως ἀδύνατον γενέσθαι,
ὥσθ´ ὁτὲ μὲν εἶναι ὁτὲ δὲ μή. (Τὸ δ´ ἀδύνατον λέγεται διχῶς. Ἢ γὰρ τῷ μὴ
ἀληθὲς εἶναι εἰπεῖν ὅτι γένοιτ´ ἄν, ἢ τῷ μὴ ῥᾳδίως μηδὲ ταχὺ ἢ καλῶς.)
§ 3. Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ τὸ γενητὸν ἕνα μὲν εἰ μὴ ὂν πρότερον ὕστερον
ἔστιν, εἴτε γινόμενον εἴτ´ ἄνευ τοῦ γίνεσθαι, ὁτὲ μὲν μὴ ὄν, πάλιν δ´ ὄν.
Ἕνα δ´ εἰ δυνατόν, εἴτε τῷ ἀληθεῖ διορισθέντος τοῦ δυνατοῦ εἴτε τῷ ῥᾳδίως.
Ἕνα δ´ ἐὰν ἡ γένεσις αὐτοῦ ἐκ τοῦ μὴ ὄντος εἰς τὸ ὄν, εἴτ´ ἤδη ὄντος, διὰ
τοῦ γίνεσθαι δ´ ὄντος, εἴτε καὶ μήπω ὄντος, ἀλλ´ ἐνδεχομένου.
§ 4. Καὶ φθαρτὸν δὲ καὶ ἄφθαρτον ὡσαύτως· εἴτε γὰρ πρότερόν τι ὂν ὕστερον
ἢ μή ἐστιν ἢ ἐνδέχεται μὴ εἶναι, φθαρτὸν εἶναί φαμεν, εἴτε φθειρόμενόν
ποτε καὶ μεταβάλλον, εἴτε μή. Ἔστι δ´ ὅτε καὶ τὸ διὰ τοῦ φθείρεσθαι
ἐνδεχόμενον μὴ εἶναι φθαρτὸν εἶναί φαμεν, καὶ ἔτι ἄλλως τὸ ῥᾳδίως
φθειρόμενον, ὃ εἴποι ἄν τις εὔφθαρτον.
§ 5. Καὶ περὶ τοῦ ἀφθάρτου ὁ αὐτὸς λόγος· Ἢ γὰρ τὸ ἄνευ φθορᾶς ὁτὲ μὲν ὂν
ὁτὲ δὲ μὴ ὄν, οἷον τὰς ἁφάς, ὅτι ἄνευ τοῦ φθείρεσθαι πρότερον οὖσαι
ὕστερον οὐκ εἰσίν. Ἢ τὸ ὂν μέν, δυνατὸν δὲ μὴ εἶναι, ἢ καὶ οὐκ ἐσόμενόν
ποτε, νῦν δ´ ὄν· σὺ γὰρ εἶ, καὶ ἡ ἁφὴ νῦν· ἀλλ´ ὅμως φθαρτόν, ὅτι ἔσται
ποτὲ ὅτε οὐκ ἀληθὲς εἰπεῖν ὅτι εἶ, οὐδὲ ταῦτα ἅπτεσθαι. Τὸ δὲ μάλιστα
κυρίως, τὸ ὂν μέν, ἀδύνατον δὲ φθαρῆναι οὕτως ὥστε νῦν ὂν ὕστερον μὴ εἶναι
ἢ ἐνδέχεσθαι μὴ εἶναι. Ἢ καὶ τὸ μήπω ἐφθαρμένον, ἐνδεχόμενον δ´ ὕστερον μὴ
εἶναι. Λέγεται δ´ ἄφθαρτον καὶ τὸ μὴ ῥᾳδίως φθειρόμενον.
(281b) § 6. Εἰ δὴ ταῦθ´ οὕτως ἔχει, σκεπτέον πῶς λέγομεν τὸ δυνατὸν καὶ
ἀδύνατον· τό τε γὰρ κυριώτατα λεγόμενον ἄφθαρτον τῷ μὴ δύνασθαι ἂν
φθαρῆναι, μηδ´ ὁτὲ μὲν εἶναι ὁτὲ δὲ μή· λέγεται δὲ καὶ τὸ ἀγένητον τὸ
ἀδύνατον καὶ μὴ δυνάμενον γενέσθαι οὕτως ὥστε πρότερον μὲν μὴ εἶναι
ὕστερον δὲ εἶναι, οἷον τὴν διάμετρον σύμμετρον.
§ 7. Εἰ δή τι δύναται κινηθῆναι (στάδια ἑκατὸν) ἢ ἆραι βάρος, ἀεὶ πρὸς τὸ
πλεῖστον λέγομεν, οἷον τάλαντα ἆραι ἑκατὸν ἢ στάδια βαδίσαι ἑκατόν (καίτοι
καὶ τὰ μόρια δύναται τὰ ἐντός, εἴπερ καὶ τὴν ὑπεροχήν), ὡς δέον ὁρίζεσθαι
πρὸς τὸ τέλος καὶ τὴν ὑπεροχὴν τὴν δύναμιν. Ἀνάγκη μὲν οὖν τὸ δυνατὸν καθ´
ὑπεροχὴν τοσαδὶ καὶ τὰ ἐντὸς δύνασθαι, οἷον εἰ τάλαντα ἑκατὸν ἆραι, καὶ
δύο, κἂν εἰ στάδια ἑκατόν, καὶ δύο δύνασθαι βαδίσαι.
§ 8. Ἡ δὲ δύναμις τῆς ὑπεροχῆς ἐστίν· κἂν εἴ τι ἀδύνατον τοσονδὶ καθ´
ὑπερβολὴν εἰπόντων, καὶ τὰ πλείω ἀδύνατον, οἷον ὁ χίλια βαδίσαι στάδια μὴ
δυνάμενος δῆλον ὅτι καὶ χίλια καὶ ἕν. Μηδὲν δ´ ἡμᾶς παρενοχλείτω· διωρίσθω
γὰρ κατὰ τῆς ὑπεροχῆς τὸ τέλος λεγόμενον τὸ κυρίως δυνατόν. Τάχα γὰρ
ἐνσταίη τις ἂν ὡς οὐκ ἀνάγκη τὸ λεχθέν· ὁ γὰρ ὁρῶν στάδιον οὐ καὶ τὰ ἐντὸς
ὄψεται μεγέθη, ἀλλὰ τοὐναντίον μᾶλλον ὁ δυνάμενος ἰδεῖν στιγμὴν ἢ ἀκοῦσαι
μικροῦ ψόφου καὶ τῶν μειζόνων ἕξει αἴσθησιν. Ἀλλ´ οὐδὲν διαφέρει πρὸς τὸν
λόγον· διωρίσθω γὰρ ἤτοι ἐπὶ τῆς δυνάμεως ἢ ἐπὶ τοῦ πράγματος ἡ ὑπερβολή.
Τὸ γὰρ λεγόμενον δῆλον· ἡ μὲν γὰρ ὄψις ἡ τοῦ ἐλάττονος ὑπερέχει, ἡ δὲ
ταχυτὴς ἡ τοῦ πλείονος.
| [1,11] CHAPITRE XI.
(281a) § 1. Notre premier soin doit être d'expliquer ce que nous entendons
par incréé et créé, par périssable et impérissable. En effet, quand des
mots sont susceptibles de plusieurs sens, cette diversité a beau
n'apporter aucune différence dans le raisonnement qu'on fait, la pensée
n'en reste pas moins cependant indéterminée, si l'on se sert d'un mot
comme ayant un sens unique, lorsque pourtant il en a plusieurs ; car alors
on ne sait pas clairement à laquelle de ces acceptions s'adresse
exactement ce qu'on avance.
§ 2. Incréé se dit, en un premier sens, d'une chose qui, n'ayant pas été
auparavant, est actuellement, sans qu'il y ait eu ni génération, ni
changement. C'est ainsi, que, comme le prétendent quelques philosophes, on
peut appliquer le mot d'incréé au contact et au mouvement des choses ;
car, selon ces philosophes il n'est pas possible de dire qu'une chose
devient, par cela seul qu'elle est touchée, ou qu'elle est mise en
mouvement. Dans un second sens, on dit d'une chose qu'elle est incréée,
quand pouvant naître, ou ayant pu naître, cependant elle n'existe pas ;
car cette chose est incréée également, puisqu'elle peut devenir. Dans un
dernier sens, on comprend par incréé ce qui ne peut pas absolument se
produire, de façon à tantôt être et tantôt n'être pas. Le mot Impossible a
aussi deux acceptions : ou bien, il se dit d'une chose dont il n'est pas
vrai de dire qu'elle puisse jamais être; ou bien d'une chose qui ne peut
être ni aisément, ni vite, ni comme il faut.
§ 3. Il en est tout à fait de même pour le mot de créé. En un premier
sens, créé signifie quelque chose qui, n'étant pas auparavant existe
ensuite, soit qu'il ait été produit, soit même sans être produit, mais qui
d'abord n'est pas et qui est ensuite. Le créé est encore ce qui est
possible, soit que le possible se définisse et se détermine par le vrai,
soit simplement par le facile. Dans un dernier sens, le créé est la
génération de l'objet qui passe du non-être à l'être, soit parce qu'il est
déjà, et qu'il est par cela seul qu'il devient ; soit même parce qu'il
n'est pas encore, mais qu'il pourrait être.
§ 4. Les mêmes nuances se répètent pour les mots de périssable et
d'impérissable. En effet, si une chose qui était auparavant n'est plus
ensuite, ou même si elle peut ne plus être, nous disons que cette chose
est périssable, soit qu'elle périsse à un certain moment et qu'elle
change, soit qu'elle ne périsse pas. Parfois aussi nous appelons
périssable ce qui peut ne plus être, parce qu'il périrait. En un autre
sens enfin, on appelle périssable ce qui périt facilement ; et c'est ce
qu'on pourrait aussi nommer aisément périssable.
§ 5. Même observation pour le terme d'Impérissable. On le dit d'abord de
ce qui, sans périr, tantôt est et tantôt n'est pas. C'est par exemple les
perceptions du toucher, qui, sans être détruites, après avoir été
antérieurement, cessent cependant d'être ensuite. Impérissable veut dire
encore ce qui est actuellement et ne peut pas ne pas être ; ou c'est
encore ce qui peut-être ne sera plus quelque jour, mais qui est
maintenant. Ainsi vous êtes maintenant, et la perception qu'a votre
toucher est actuellement aussi. Cependant tout cela n'en est pas moins
périssable, parce qu'un jour viendra, où ne pouvant plus dire avec vérité
que vous existez, il ne vous sera plus réellement possible de toucher un
objet quelconque. Mais à proprement parler, on entend surtout par
impérissable ce qui, étant actuellement, ne saurait périr, de telle façon
qu'étant maintenant il ne soit plus ensuite ou qu'il puisse ne plus être.
On appelle même impérissable ce qui, n'ayant pas encore été jamais
détruit, mais existant actuellement, peut toutefois plus tard ne plus
exister à un moment donné. On entend enfin par impérissable ce qui ne peut
périr facilement.
(281b) § 6. Le sens de ces premiers mots étant bien fixé, il faut voir
dans quel sens on prend ceux de possible et d'impossible. Dans l'acception
la plus spéciale, on dit d'une chose qu'elle est impérissable, quand il
est impossible qu'elle soit détruite, et qu'elle ne peut point tantôt être
et tantôt n'être pas. Quand on dit aussi d'une chose qu'elle est incréée,
c'est qu'il est impossible, et qu'il a été impossible, qu'elle se produise
de telle façon que d'abord elle soit et ensuite ne soit plus. Telle est
par exemple, l'impossibilité qui fait que le diamètre n'est jamais
commensurable.
§ 7. Du reste, quand on dit que quelqu'un peut parcourir cent stades ou
soulever un certain poids, on entend toujours parler de sa plus grande
puissance. Par exemple, si l'on dit qu'il soulève un poids de cent talents
ou qu'il parcourt cent stades, c'est du maximum qu'il s'agit, bien que
cependant cet homme puisse aussi parcourir les quantités intermédiaires,
du moment qu'il peut fournir les quantités maxima. C'est que l'expression
qu'on détermine, doit nécessairement s'appliquer au point extrême, et à la
puissance du maximum. Il faut donc que ce qui peut à son maximum faire
telle chose puisse faire aussi les quantités intermédiaires : par exemple,
si l'on peut soulever un poids de cent talents, on peut aussi soulever
deux talents; et si l'on peut parcourir cent stades, on doit pouvoir aussi
n'en parcourir que deux. L'idée de puissance s'applique toujours au
maximum. Si l'on ne peut faire telle chose prise comme un maximum, on ne
pourra pas non plus faire ce qui dépasse ce point. Par exemple, celui qui
ne peut pas même parcourir mille stades, n'en parcourra pas évidemment
mille et un.
§ 8. D'ailleurs, ne nous faisons pas illusion sur ce point extrême et
dernier de la puissance; toujours ce qu'on peut, à proprement dire, doit
être déterminé d'après le point extrême assigné au maximum ; car on
pourrait facilement nous objecter que le principe posé par nous n'est pas
un principe nécessaire. Ainsi celui qui voit un stade pourra bien ne pas
voir toutes les grandeurs intermédiaires ; tandis que tout au contraire,
celui qui peut voir un point, ou qui peut entendre un très faible bruit,
aura encore bien mieux la perception d'objets ou de sons plus grands. Mais
ceci même n'apporte aucune différence à notre raisonnement; car on peut
tout aussi bien appliquer le maximum soit à la puissance, soit à la chose
même. On comprend toujours clairement ce que nous voulons dire. Ainsi, la
vue supérieure est celle qui aperçoit le plus petit objet, de même que la
vitesse supérieure est celle qui parcourt le plus grand espace.
|