[93] Ὥστε πολλαὶ τάχιστα αὐτῶν μυριάδες ἦσαν, καὶ οὐ μόνης ἔτι τῆς ἑῴας
θαλάσσης ἐκράτουν, ἀλλὰ καὶ τῆς ἐντὸς Ἡρακλείων στηλῶν ἁπάσης· καὶ γάρ
τινας ἤδη Ῥωμαίων στρατηγοὺς ναυμαχίᾳ ἐνενικήκεσαν, ἄλλους τε καὶ τὸν τῆς
Σικελίας περὶ αὐτῇ Σικελίᾳ. Ἄπλωτά τε ἤδη πάντα ἦν, καὶ ἡ γῆ τῶν ἔργων
ἐνδεὴς διὰ τὴν ἀνεπιμιξίαν. Ἥ τε πόλις ἡ Ῥωμαίων ᾔσθετο μάλιστα τοῦ κακοῦ,
τῶν τε ὑπηκόων σφίσι καμνόντων, καὶ αὐτοὶ διὰ πλῆθος ἴδιον ἐπιπόνως
λιμώττοντες. Τὸ δ' ἔργον αὐτοῖς ἐφαίνετο μέγα καὶ δυσχερές, ἐξελεῖν τοσάδε
στρατόπεδα ἀνδρῶν ναυτικῶν, μεμερισμένα μὲν ἐς πᾶσαν ἐν κύκλῳ γῆν καὶ
θάλασσαν, κοῦφα δὲ ταῖς κατασκευαῖς ἐς τὸ ὑποφεύγειν, οὐκ ἐκ πατρίδων ἢ
φανερᾶς χώρας ὁρμώμενα, οὐδ' οἰκεῖον οὐδὲν ἢ ἴδιον ἀλλ' ἀεὶ τὸ προστυχὸν
ἔχοντα. Ὥστε πολὺς ὢν ὁ τοῦδε τοῦ πολέμου παράλογος, ἔννομον οὐδὲν ἔχοντος
οὐδὲ βέβαιον οὐδὲ φανερόν, ἀμηχανίαν ὁμοῦ καὶ φόβον εἰργάζετο. Μουρήνας τε
ἐγχειρήσας αὐτοῖς οὐδὲν ἐξείργαστο μέγα. Ἀλλ' οὐδὲ Σερουίλιος Ἰσαυρικὸς
ἐπὶ τῷ Μουρήνᾳ, ἀλλ' ἤδη καὶ τῆς γῆς τῆς Ἰταλικῆς τοῖς παραλίοις, ἀμφί τε
τὸ Βρεντέσιον καὶ τὴν Τυρρηνίαν, ἐπέβαινον οἱ λῃσταὶ σὺν καταφρονήσει, καὶ
γύναια παροδεύοντα τῶν εὐπατριδῶν καὶ δύο στρατηγοὺς αὐτοῖς σημείοις
συνηρπάκεσαν.
| [93] Ainsi en très peu de temps ils comptèrent jusqu'à des dizaines de
milliers d'hommes. Ils dominaient alors non seulement les eaux orientales,
mais toute la Méditerranée jusqu'aux colonnes d'Hercule. Ils battirent
certains préteurs romains dans des combats navals, et entre autres le
préteur de la Sicile sur la côte sicilienne elle-même. Aucune mer ne
pouvait être empruntée en sécurité, et la terre restait inculte par
manque de rapports commerciaux. La ville de Rome ressentit ce mal le plus
profondément, ses sujets en étaient affligés et elle-même souffrant
gravement de la faim en raison du nombre élevé d'habitants. C'était pour
eux une grande et difficile charge de détruire une force si grande,
composée de marins, dispersée sur terre et sur mer, si agile à fuir, ne
sortant de nulle part, ni d'endroits connus, n'ayant aucune habitation ni
rien qui ne leur soit propre, mais seulement ce que le hasard leur faisait
prendre. Ainsi la grandeur et la nature sans exemples de cette guerre, qui
n'était sujette à aucune loi et qui n'avait rien de réel ni d'évident,
causait de la perplexité et de la crainte partout. Murena les attaqua,
mais n'accomplit rien de spectaculaire, ni Servilius Isauricus. Et les
pirates pleins de mépris envahirent les côtes de l'Italie, autour de
Brindes et en Étrurie, capturèrent et emportèrent quelques femmes des
familles nobles qui voyageaient, et également deux préteurs avec les
insignes mêmes de leur charge.
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