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[1,15] 15. Οἴκτου δὲ πολλοῦ σὺν λογισμῷ τοὺς πένητας ἐπιλαμβάνοντος ὑπέρ
τε σφῶν αὐτῶν, ὡς οὐκ ἐν ἰσονόμῳ πολιτευσόντων ἔτι, ἀλλὰ
δουλευσόντων κατὰ κράτος τοῖς πλουσίοις, καὶ ὑπὲρ αὐτοῦ Γράκχου,
τοιαῦτα δεδιότος τε καὶ πάσχοντος ὑπὲρ αὐτῶν, σύν τε οἰμωγῇ
προπεμπόντων αὐτὸν ἁπάντων ἐπὶ τὴν οἰκίαν ἑσπέρας καὶ θαρρεῖν ἐς
τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέραν ἐπικελευόντων, ἀναθαρρήσας ὁ Γράκχος ἔτι
νυκτὸς τοὺς στασιώτας συναγαγὼν καὶ σημεῖον, εἰ καὶ μάχης δεήσειεν,
ὑποδείξας κατέλαβε τοῦ Καπιτωλίου τὸν νεών, ἔνθα χειροτονήσειν
ἔμελλον, καὶ τὰ μέσα τῆς ἐκκλησίας. Ἐνοχλούμενος δ' ὑπὸ τῶν
δημάρχων καὶ τῶν πλουσίων, οὐκ ἐώντων ἀναδοθῆναι περὶ αὐτοῦ
χειροτονίαν, ἀνέσχε τὸ σημεῖον. Καὶ βοῆς ἄφνω παρὰ τῶν συνειδότων
γενομένης χεῖρές τε ἦσαν ἤδη τὸ ἀπὸ τοῦδε, καὶ τῶν Γρακχείων οἱ μὲν
αὐτὸν ἐφύλαττον οἷά τινες δορυφόροι, οἱ δὲ τὰ ἱμάτια διαζωσάμενοι,
ῥάβδους καὶ ξύλα τὰ ἐν χερσὶ τῶν ὑπηρετῶν ἁρπάσαντές τε καὶ
διακλάσαντες ἐς πολλά, τοὺς πλουσίους ἐξήλαυνον ἀπὸ τῆς ἐκκλησίας,
σὺν τοσῷδε ταράχῳ καὶ τραύμασιν, ὡς τούς τε δημάρχους δείσαντας
διαφυγεῖν ἐκ μέσον, καὶ τὸν νεὼν τοὺς ἱερέας ἐπικλεῖσαι, δρόμον τε
πολλῶν ἄκοσμον εἶναι καὶ φυγὴν καὶ λόγον οὐκ ἀκριβῆ, τῶν μὲν ὅτι καὶ
τοὺς ἄλλους δημάρχους ὁ Γράκχος παραλύσειε τῆς ἀρχῆς ςοὐ γὰρ
ὁρωμένων αὐτῶν εἴκαζον οὕτωσσ, τῶν δ' ὅτι αὐτὸς ἑαυτὸν ἐς τὸ μέλλον
δήμαρχον ἄνευ χειροτονίας ἀποφαίνοι.
| [1,15] 15. Ce discours excitait parmi les citoyens pauvres une vive
commisération, d'abord pour eux-mêmes, parce qu'ils sentaient que
désormais toute égalité de droit serait anéantie, et qu'ils tomberaient
nécessairement dans la dépendance des citoyens riches ; ensuite pour
Gracchus personnellement, parce qu'il ne s'était exposé que pour leur
avantage aux dangers qui le menaçaient. Aussi le reconduisirent-ils le
soir en foule jusqu'à sa maison en l'invitant à prendre courage pour le
jour suivant.
Gracchus reprit courage ; il réunit ses partisans de grand matin
pendant qu'il était nuit encore; et après être convenu avec eux d'un
signal, dans le cas où il faudrait en venir aux mains, il alla s'emparer du
Capitole où devait se faire l'élection, et il occupa le lieu qui devait
former le centre de l'assemblée. Pendant que les tribuns, ses
collègues, lui cherchaient querelle d'un côté, et que de l'autre les
citoyens riches intriguaient pour lui enlever les suffrages, il donna le
signal convenu. Sur-le-champ ceux de son parti répondirent à ce signal
par une énorme vocifération, et aussitôt les voies de fait se mirent de
la partie. Un certain nombre de ses partisans l'entoura pour lui faire un
rempart de leurs corps, tandis que les autres, retroussant leurs robes,
s'emparant des verges qui étaient entre les mains des licteurs, et les
mettant en pièces à force de frapper à tort et à travers, chassèrent les
citoyens riches de l'assemblée avec tant de fracas, et chargés de tant
de blessures, que les tribuns épouvantés prirent la fuite, et que les
prêtres fermèrent la porte du temple. De toute part on courait, on se
sauvait en désordre, on répandait des bruits vagues, tantôt que
Tibérius avait fait destituer les autres tribuns (car on n'en voyait nulle
part, c'est pourquoi on le présumait ainsi), tantôt qu'il s'était nommé
lui-même tribun sans élection.
| [1,16] 16. Γιγνομένων δὲ τούτων ἡ βουλὴ συνῆλθεν εἰς τὸ τῆς Πίστεως ἱερόν.
Καί μοι θαῦμα καταφαίνεται τὸ πολλάκις ἐν τοιοῖσδε φόβοις διὰ τῆς
αὐτοκράτορος ἀρχῆς διασεσωσμένους τότε μηδ' ἐπὶ νοῦν τὸν δικτάτορα
λαβεῖν, ἀλλὰ χρησιμώτατον τοῖς προτέροις τόδε τὸ ἔργον εὑρεθὲν μηδ'
ἐν μνήμῃ τοῖς πολλοῖς ἄρα γενέσθαι μήτε τότε μήθ' ὕστερον. Κρίναντες
δ' ὅσα ἔκριναν ἐς τὸ Καπιτω ωλιον ἀνῄεσαν. Καὶ πρῶτος αὐτοῖς ὁ
μέγιστος ἀρχιερεὺς λεγόμενος ἐξῆρχε τῆς ὁδοῦ, Κορνήλιος Σκιπίων ὁ
Νασικᾶς· ἐβόα τε μέγιστον ἕπεσθαί οἱ τοὺς ἐθέλοντας σῴζεσθαι τὴν
πατρίδα καὶ τὸ κράσπεδον τοῦ ἱματίου ἐς τὴν κεφαλὴν περιεσύρατο, εἴτε
τῷ παρασήμῳ τοῦ σχήματος πλέονάς οἱ συντρέχειν ἐπισπώμενος, εἴτε
πολέμου τι σύμβολον τοῖς ὁρῶσιν ὡς κόρυθα ποιούμενος, εἴτε θεοὺς
ἐγκαλυπτόμενος ὧν ἔμελλε δράσειν. Ἀνελθόντι δὲ ἐς τὸ ἱερὸν καὶ τοῖς
Γρακχείοις ἐπιδραμόντι εἶξαν μὲν ὡς κατ' ἀξίωσιν ἀνδρὶ ἀρίστῳ, καὶ τὴν
βουλὴν ἅμα οἱ θεωροῦντες ἐπιοῦσαν· οἱ δὲ τὰ ξύλα τῶν Γρακχείων
αὐτῶν περισπάσαντες, ὅσα τε βάθρα καὶ ἄλλη παρασκευὴ ὡς ἐς
ἐκκλησίαν συνενήνεκτο διελόντες, ἔπαιον αὐτοὺς καὶ ἐδίωκον καὶ ἐς τὰ
ἀπόκρημνα κατερρίπτουν. Κἀν τῷδε τῷ κυδοιμῷ πολλοί τε τῶν
Γρακχείων καὶ Γράκχος αὐτός, εἱλούμενος περὶ τὸ ἱερόν, ἀνῃρέθη κατὰ
τὰς θύρας παρὰ τοὺς τῶν βασιλέων ἀνδριάντας. Καὶ πάντας αὐτοὺς
νυκτὸς ἐξέρριψαν εἰς τὸ ῥεῦμα τοῦ ποταμοῦ.
| [1,16] 16. Sur ces entrefaites, le sénat s'assembla dans le temple de Fides ;
et je suis singulièrement étonné qu'on n'ait point songé alors à nommer
un dictateur, mesure qui plusieurs fois, dans des circonstances
semblables, avaient sauvé la république, à la faveur de la toute
puissance attachée à cette magistrature, et que ce remède, dont on
avait antérieurement éprouvé l'efficacité avec tant de succès, ne se
soit présenté à la mémoire de personne, parmi un si grand nombre de
citoyens, ni à cette époque, ni au milieu des troubles suivants. Après
avoir arrêté ce qu'ils jugèrent convenable, les sénateurs prirent le
chemin du Capitole. Ils avaient à leur tête Cornelius Scipion Nasica,
Grand Pontife, qui criait à haute voix, tout en marchant : "Suivez-nous,
citoyens, qui voulez sauver la patrie." Il avait relevé sur sa tête
l'extrémité de sa robe sacerdotale, soit afin que l'étrange nouveauté de
la chose attirât plus de monde à sa suite, soit afin que ce fût aux yeux
des Romains comme une espèce de signal de ralliement et de bataille,
soit afin de dérober aux regards des dieux ce qu'il allait faire. En
entrant dans le Capitole, Scipion Nasica se jeta sur les partisans de
Gracchus, qui ne firent nulle résistance, à cause de la vénération
qu'inspirait un si grand personnage, et en même temps à cause que le
sénat était avec lui. Ceux des citoyens qui s'étaient rangés sous
l'étendard du Grand Pontife leur arrachèrent leurs bâtons, les débris
des sièges dont ils s'étaient armés, et toutes les autres espèces
d'armes qu'ils avaient apportées avec eux à l'assemblée. Ils
assommèrent les partisans de Gracchus ; ils poursuivirent les fuyards,
et les jetèrent du haut en bas des précipices qui environnaient le
Capitole. Plusieurs de ces malheureux périrent dans cette bataille,
Gracchus lui-même, atteint dans l'enceinte sacrée, fut égorgé près de
la porte, à côté de la statue des rois. La nuit suivante, tous les
cadavres furent jetés dans le Tibre.
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